• Des formes politiques

    L’art, dans son contexte commercial, sophistique la rareté. Prendre le contre pied par l’édition d’œuvres multiples tels que tracts ou affiches, court-circuite la relation au public. Normalement, c’est un lieu d’exposition qui valide et introduit le travail. Mais quels publics touche-t-on par ce système conventionnel, si ce n’est cette fine frange de population qui, déjà pratiquante, fréquente à outrance les « temples » de l’art, comme abandonnant à ses destinées le monde réel ? L’amour de l’art qui anime le projet choisit d’aller vers le « tout venant », misant sur la rencontre inattendue de personnes sans privilèges avec une image, pas seulement pour rencontrer les masses mais pour croiser leur irremplaçable et conflictuelle qualité. La forme « tract » de ces reproductions rappelle les militants habités par cette urgence politique à solliciter l’attention. Pourtant la peinture n’est, elle, en apparence, nullement censée être dans l’urgence, ou pas la même urgence. D’une reproduction de peinture que l’on reçoit en pleine rue alors qu’on vaque à ses occupations, que voir ? Peu de chose sans doute. Mais qui aujourd’hui dispose du temps de regarder quoique ce soit, même en art ? Les collectionneurs, au mieux, se ruent par avions entiers de foires internationales en foires internationales. On choisit ici de reprendre terre, déplaçant cette relation vers le passant ordinaire en banalisant la rencontre sur un support de propagande. En 2012, l’affiche de JL Mélenchon (350 exemplaires affichés dans Paris) a été regardée, et visiblement appréciée sourires ou grimaces aux lèvres, sur des registres contradictoires, par des dizaines de milliers de personnes, principalement lors de grandes manifestations. Il fut le seul parmi les autres, la tête sur les épaules, à ne pas être ostensiblement coupé du corps ou défiguré. Cela valu à l’image divers soupçons d’un certain réalisme, que personne ne remarquait sur les photographies officielles. Relation directe, circuit court, ces mots empruntés aux cultivateurs agrobiologiques s’adaptent parfaitement à l’expérience. Le but n’est pas de se priver des acteurs classiques de la promotion de l’art mais prolonge cette relation par des apparitions in situ dans le social : faire des gens ordinaires des critiques d’art et de politique, et c’est pourquoi le recours à ces visages de la « représentation » politique n’est pas qu’une anecdote. Les monstres politiciens règnent. Ils nous occupent. Ils détournent la parole publique vers leurs avantages privés, substituant au demos leur démon de conservatisme, en collusion avec les puissants qui ravagent et accumulent. Ils obstruent l’horizon politique : c’est l’écran ! C’est le sujet à peindre !
       


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