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    Qui jubile ? Aujourd’hui qui jubile ? Vous les voyez, les gens, jubiler ? … , ceux qui rentrent du travail ou font leurs courses ? ( excepté aux jeux du stade qui sont justement faits pour suppléer artificiellement l’absence de cette jubilation, voire la désespérance, dans la vie). Personne ne jubile aujourd’hui, sauf … Les bénéficiaires de l’ANI nouvellement adoptée à vote forcé (disposition dont n’ont pas été victimes les opposants au mariage pour tous) ; ces heureux gagnants, heureux propriétaires d’actions, vont pouvoir licencier par trains entiers sans motif valable, tandis que les délais de recours trop courts les mettront à l’abri des actions juridiques des salariés défendant l’activité. On pourra désertifier et paupériser à gogo ! Partant, le travail, pour ceux qui en ont encore, deviendra encore plus un champ de délire managérial accentué (« …tué ! » répondit l’écho).

    Pourtant,

    « à un moment où la part intellectuelle du travail a énormément progressé, jusqu’à devenir quasiment exclusive dans un certain nombre d’activités, la tentative de la tayloriser  bute sur l’aspiration de chacun à exercer pleinement sa qualification, y compris dans ses capacités d’expressions et d’intervention démocratique sur son propre travail, ses tenants et ses aboutissants. Comme le constate Yves Clot :

    « (…) La source principale des problèmes de santé au travail est l’impossibilité dans laquelle on se trouve de faire quelque chose qui soit défendable à ses propres yeux. Dans beaucoup de situations professionnelles, les salariés sont amenés à effectuer des tâches qui ne sont pas complètement défendables à leurs propres yeux et dont ils n’ont pas envie de parler le soir en famille, à leurs enfants, à leur conjoint… Ce problème de travail de qualité – ou de la qualité du travail –n’est pas celui de la qualité de vie au travail. En situation professionnelle, on se « rétrécit » lorsqu’on ne peut pas tirer un peu de fierté de ce qu’on fait. Ce rétrécissement est préjudiciable à la santé. » (Yves Clot, intervention lors du colloque « une politique du travail », Fondation Res Publica, 9 Janvier 2012.)

    La réduction de la performance à sa dimension financière, au détriment du travail bien fait et du plein exercice de la qualification de chacun, est un contresens au plan humain et économique. » (Laissez-nous bien travailler ! Manager sans Wall street, Marie José Kotlicki Jean François Bolzinger, éditions de l’Atelier, Paris 2012, p 56)

     

    À  l’autre bout de la chaine, se trouvent les enfants en difficulté scolaire ; « ceux dont on n’attend rien ». Pour Régis Félix, Militant à ADT Quart monde, ancien professeur et principal de collège pendant de nombreuses années, amener ces enfants en échec vers les savoirs scolaires demande que l’ « on s’appuie d’abord sur la conviction que tous les enfants sont capables d’apprendre des savoirs complexes. Mais pour permettre cet accès, les enseignants doivent s’ouvrir à un modèle qui leur est souvent inconnu. Aujourd’hui quand un enfant de milieu défavorisé arrive en classe, on lui demande d’abandonner sa culture familiale et de quartier, pour entrer immédiatement dans la culture académique de l’école. On ne s’appuie pas sur les compétences qu’il possède, on les nie, voire les méprise, tout en exigeant qu’il apprenne le théorème de Pythagore…Tiraillé entre sa famille et l’école, l’élève se retrouve dans un conflit de loyauté et ne peut apprendre. Le rôle de l’enseignant doit être de valoriser la parole de l’enfant le plus en difficulté. Il faut lui faire confiance, partir de son vécu, lui laisser le temps de s’exprimer pour qu’il devienne acteur de son savoir. »

    http://www.humanite.fr/societe/regis-felix-priorite-aux-plus-exclus-541914

    (Tous peuvent réussir ! Partir des élèves dont on n'attend rien. Régis Félix, Éditions ADT Quart Monde, 2013)

    Cette évidence que l’école devrait « partir des plus en difficulté » est bien vite oubliée, lorsque l’on doit mener des cours dans la réalité d’un collège. Et c’est injuste ! Mais la cause en est-elle l’incapacité des enseignants à mener de front leurs cours selon leurs objectifs et la nécessité de partir en effet de ceux qui n’ont que l’école pour apprendre ? Accepter le clivage des origines sociales signifie qu’on l’aggrave. Mais résister à cette tentation est une difficulté qui place l’enseignant dans une posture schizophrénique, avec en face de lui des publics d’élèves qu’il ne parvient pas dans la durée à faire coopérer dans l’action d’apprendre. Tant qu’on traitera les bénéficiaires du système économique avec plus d’égards que les enfants en difficulté scolaire, comme le montre l’affaire Tapie-Lagarde-Sarkozy qui aura coûté à l’État près d’un demi milliard, les enseignants n’auront pas les moyens en temps, en reconnaissance de leur qualification et de leur responsabilité, pour poser les bases de relations de travail scolaire qui accueillent effectivement tout le monde. Or le monde est un tout, l’oublier signifie le priver de son levain, et accepter une violence perpétuellement reconduite de générations en générations... 

     

     

     


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  • Participant à un jury de collège en histoire des arts - épreuve bricolage inventée pour occuper de manière disparate les personnels de l'Éducation Nationale sans leur accorder ni le temps, ni le soutien, ni les moyens - j'ai pu entendre des collégiens parler de "Massacre en Corée" de Picasso. 

    Avec leurs mots timides mais francs, ces gamins sérieux tout à coup, disaient de Picasso qu'il "était un artiste engagé, membre du parti communiste, et que pour cela il avait peint un tableau contre la guerre en Corée conduite par les USA, guerre surtout dirigée contre des civils, femmes et enfants (..); que ce tableau rappelait d'autre œuvres antérieures de peintres comme "Il tres de Mayo" de Goya, etc." 

    Il était surprenant d'entendre ces jeunes esprits répéter studieusement leurs cours ou leurs notes dénichées sur Internet ou dans je ne sais quel livre, et livrer un témoignage neuf de ce que l'engagement politique n'est pas, comme je crois le savoir tous les jours des évitements de mes collègues ou des adultes d'aujourd'hui, "quelque chose de mal élevé", mais au contraire un devoir, un besoin vital, un air vivifiant pour la pensée et la vie de chacun et de tous.  

    Paradoxe aussi d'entendre que "l'art engagé" et "l'artiste engagé" du passé ont droit de cité dans les épreuves officielles comme faisant partie d'un patrimoine à conserver et cultiver, tandis que les tenants et aboutissants de l'idéologie ambiante, et leurs "récepteurs" humains majoritaires, condamnent toute oeuvre d'art engagée actuelle comme l'inévitable reliquat d'un totalitarisme se terrant dans l'ombre.  

    Je trouve un écho à cet étonnement dans l'extrait ci dessous (trouvé dans  Médiapart du 18 mai, par Dominique Cosnil et Joseph Confavreux) de Jean-Christophe Bailly, "vers une utopia povera ?".

     (...) " dans un magnifique chapitre, intitulé Utopia povera, Jean-Christophe Bailly évoque – depuis la chute du communisme – la « suspicion quant à toute pensée du pari », toute « forme d’association humaine différente ». Quelle pourrait être, aujourd’hui, « la quotidienneté de l’utopie », selon la formule de Benjamin ? 

    « On a très envie de répondre de façon totalement pessimiste et sombre. On pourrait dire que nous ne sommes plus capables d’utopie, que nous vivons une époque qui ne se rêve pas, qui, pour partie, se replie. On pourrait dire que ce qui a été nommé, au XXesiècle, “le principe d’espérance” est absolument coulé, réduit à de petits programmes personnels, égoïstes. Mais d’un autre côté, il y a je pense, ici et là, dans des têtes, solitaires, mais aussi dans des groupes de jeunes gens, les germes d’une utopie. Une utopie qui n’est plus théologiste, se projetant vers un avenir radieux, mais fonctionnant de manière beaucoup plus humble, avec les éléments du bord, c’est pourquoi j’emploie le terme d’utopia povera. C’est quelque chose qui circulerait entre des jardins ouvriers, des chantiers sociaux un peu secrets, d’autres façons de travailler... 

    « On peut ainsi entendre des conférences, par exemple Marc Dufumier qui est un agronome formidable, ou Alexandre Chemetoff , et on voit venir la possibilité d’un monde. Bien entendu, ce n’est absolument pas relayé au niveau politique, y compris par les partis politiques les plus offensifs. À l’heure actuelle, c’est le divorce total entre le monde de représentation des politiques et l’effectivité du monde social. 

    « Il y a des réalisations qui se font, mais il est très difficile de coordonner ces îlots. Mais je crois que si l’on faisait un inventaire généralisé des noyaux de pensée, de fabrique, de résistances utopiques, on serait surpris par la quantité de choses qu’on trouverait. On peut y voir des raisons d’espérer, et des raisons de désespérer dans la mesure où je ne vois pas, à l’heure actuelle, de possibilité d’intensification de transformation réelle à partir de cela… ». 

     

     

     


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    Afficher sur un mur à Paris peut coûter un procès verbal et une amende de 35 €. Mais aucun panneau n’existe pour l’affichage libre, tout est commercialisé pour la pollution visuelle, intellectuelle et morale des trois par quatre et autres espaces vendus.  Donc afficher sur un mur autre chose qu’un message racoleur, mercantile et prêchant le consumérisme stupide signifie se placer dans l’illégalité. Étrange conception de la liberté d’expression artistique et sociale, de la place des simples gens par rapport aux pouvoirs financiers et institutionnels.

    Là comme ailleurs il n’y en a que pour ceux qui ont déjà acquis une position dominante, légitimés uniquement par l’argent colossal qu’ils peuvent investir, même pour imposer des messages imbéciles tel celui-ci, pour un déodorant. Résumé par un « il faut qu’on se parle », on a là le parfait dévoiement des aspirations des citoyens dans la crise, puisqu’il est signifié à ceux-ci, au lieu qu’ils puissent se parler librement, stressés par la violence des relations hiérarchiques professionnelles du wall street management, de contenir plutôt leur transpiration en appliquant du poison sous les bras.

    Le livre de Marie-josé Kotlicki et Jean-François Bolzinger « Laissez-nous bien travailler ! Manager sans Wall street » (éditions de l’atelier 2012) pointe des modalités réalistes de pilotage des choix des entreprises par les salariés, les élus, les associations locales aux côtés des investisseurs selon des proportions correspondant à leur implication et à l’impact qu’ils reçoivent de l’activité en question. Non pas que les conflits disparaîtraient, mais au moins tout ne serait pas joué d’avance pour une gestion orientée exclusivement vers l’intérêt à court terme d’actionnaires n’ayant pour passion que le profit. Alors peut-être « il faut qu’on se parle » prendrait un sens passionnant en toute partie de l’entreprise conçue comme « collectif engagé » ( et j’ajouterais « … responsable »).

    À voir comme les ministres se succèdent en jouant littéralement comme de leur joujou avec l’Éducation nationale, énonçant petite réformette sur petite réformette, telle en à peine deux semaines, ce « cours de morale », auquel s'ajouta ce "cours d’entrepreneuriat », on espère qu’au moins ces arrivistes s’amusent en flattant qui bon leur semble ! Mais de politique véritable, nenni ! Dans ces conditions, l’éducation populaire cherche ses fenêtres hors des écrans officiels. On comprendrait mieux alors que les instruments même fragiles de la contestation sociale soient aussi des lieux de création à la pointe d’expérimentations et d’expressions en cheville avec la rue, la vie des gens ordinaires, ceux qui ont d’autres idées que celle consistant à écraser tout sous le business. Dans son message d’appel à soutenir le journal l’Humanité, à la suite de nombre d’autres personnalités, François Cheval, conservateur du Musée 
Nicéphore -Niépce à Chalon-sur-Saône déclare :  

    « Voilà pourquoi je veux encore lire l’Humanité. Contre l’ignorance, contre une culture de la marchandise, dans le refus des petites sensations, j’attends de ce journal qu’il soutienne un art fait d’expérimentation, de contestations, de combats, une pratique et une pensée collectives. » (souligné par moi).  

    http://www.humanite.fr/medias/francois-cheval-contre-une-culture-de-la-marchandi-541464  

    Sa demande était précédée par un constat : « Et si je lisais l’Humanité, tout simplement, parce qu’il n’y a pas d’autre choix? Se dire que là, un autre chant s’entend, d’autres voix se retrouvent. Le timbre rauque de la révolte et parfois les lamentos de la souffrance, d’où je suis, je ne peux les entendre. Et j’en ai besoin. Se dire que là, je vois d’autres visages; le refus et la révolte s’incarnent par des figures qui ne peuvent m’être étrangères. Il y a urgence à reprendre le travail là où, nous, les professionnels de la culture, l’avons laissé. Il y a une pensée dominante, pas seulement des idées nauséabondes, des lieux communs puissants qui font la force du pouvoir et maintiennent la raison en servitude.

    Depuis la fin des années 1990, les intellectuels ont répondu aux prescriptions du pouvoir; devenir un capitaine d’industrie culturelle, telle est la voie royale pour un chef d’établissement. Qu’il se fasse le chantre de la marchandisation et de la réification des rapports sociaux, qu’il participe à la décoration des salons bourgeois, il ne le saisit pas, ou mieux même, il s’en moque. Trop préoccupé par sa carrière, favorisant la concurrence entre institutions, entre Bâle et Avignon, New York, Miami et Londres, il contemple les œuvres et se complaît dans la délectation et son savoir. (…) ».

    Courage ! Il y a une vraie continuité entre des actions sociales, éducatives, et l’expression artistique. Comme dans le film Shadows de John Cassavetes (1959), l’artiste est celui qui échoue autant que celui qui donne aux autres - Nietzsche aurait dit qu’il « décline » - et cela intéresse tout le monde, « cela est notre problème ! » dit l’un des protagoniste en parlant il est vrai du racisme, mais par extension, de la « civilité », donc de la culture et de son rapport à la collectivité.  

     

     

     

     


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    Nous voici dans une situation paradoxale : plus les effets de la crise se font sentir, plus le public se renferme dans une attitude pessimiste ET individualiste, déprimée ET amorphe, dégoûtée ET inactive.

    Les mouvements sociaux se succèdent pourtant mais le meilleur que puissent espérer aujourd'hui les militants débordés est de réunir d’autres militants débordés. Le reste de la société, à part des exceptions bien sûr appréciables et appréciées, demeure dans une turpitude silencieuse, un soucis jaloux de garder silence, de ne pas approfondir, de préserver ce qu'on pourrait appeler un "syndrome de l'isoloir" : au lieu de l'instant du vote, on devrait respecter pour chacun une absolue étanchéité au sujet politique, sept jours sur sept et 365 jours par an, pendant des années...

    Ajoutez un peu de l’ambiance morbide de ces scandales politico financiers et les conditions sont créées pour que prospèrent de grosses bactéries d’extrême droite, qui vont aller se loger massivement en 2014 dans les mairies, champs opératoires pour anti républicains et autres intégristes.

    Tant que les moyens de la visibilité seront aux mains des puissants, l’apparition de la contestation sera insuffisante. Le film actuellement en salle intitulé « No », de Pablo Larrain mériterait d’être étudié, en supplément du plaisir d’un bon film.  http://www.premiere.fr/film/No-3371734 Synopsis : Chili, 1988. Lorsque le dictateur chilien Augusto Pinochet, face à la pression internationale, consent à organiser un référendum sur sa présidence, les dirigeants de l'opposition persuadent un jeune et brillant publicitaire, René Saavedra, de concevoir leur campagne. Avec peu de moyens mais des méthodes innovantes, Saavedra et son équipe construisent un plan audacieux pour libérer le pays de l'oppression, malgré la surveillance constante des hommes de Pinochet.

    La question est contenue en ces termes : comment sortir de l’ornière séparant les militants des autres ?  « No » y répond par un pouvoir de création libre partant d’une maîtrise du langage publicitaire, de ses séductions, de ses renversements de sens, de son humour. Mais « No » nous parle aussi depuis les années 80, ces années « publicitaires ».

    Depuis, après plus de vingt cinq ans de marketing universel, il semblerait que même le langage publicitaire soit devenu sans originalité, et surtout sans capacité à sortir des citoyens de leur passivité, de leur manque de confiance, qu’il a en partie créé. Il semblerait que l’actualité du monde soit à la recherche d’autre chose. Plus qu’un message séducteur servi sur un plateau prêt à penser, stratégiquement parfait, une piste frêle à donner envie à chacun de s’étonner encore pour des choses qui le dérange et l’invite à penser par lui-même. « L’être humain résiste par la pensée » déclare la cinéaste Manuela Frésil (interview dans l’Humanité du 30.4.2013) à propos de son dernier documentaire qui sort en salle, « Entrée du personnel ».

    Aussi la vitesse avec laquelle près de 300 personnes sont allées visiter le présent blog en une après midi de 1er mai, parce que sans doute quatre malheureuses affiches de Chavez ont été scotchées par moi à 14 h sur une palissade à l’endroit du parcours du défilé, signifie que quelque chose peut se produire avec presque rien. C’est de cette économie de moyens qu’un langage politique et esthétique pourrait surgir, fusant de tout le monde.

    Car qu’est-ce qui empêche chacun, militant et (dirais-je) surtout pas militants, de se donner les moyens de chercher les mots les plus justes, les couleurs, les rimes, les compositions, qui fassent chanter une révolte, un projet, une perspective universelle ? Le temps, la formation, les moyens ? Oui et non. Tout le monde a, autant qu’il lui est possible, la perspicacité de rechercher un peu la meilleure forme, pour un habillement, un repas, un compliment, un deuil,… Si cet effort d’humanité raffinée se porte sur l’envie  de dire un autre monde, alors une brèche s’ouvrira dans le mur qui nous enserre, libérant l’énergie d’une marée longtemps contenue.

     

     

     


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