• Un ami

     

    Un ami, Pierre Bernard, cofondateur de Grapus, est mort le 23 novembre à 73 ans. J’avais été stagiaire chez Grapus et donc avec lui, mais aussi Gérard Paris – Clavel, Alex Jordan et Jean-Paul Bachollet tout un été, en 1986, lorsque Grapus était encore presque au complet, avant de se disperser. Cet article et interview dans Télérama, très bien fait, retrace la singularité de Grapus, qui est ce « groupuscule stalinien de graphisme  », formule faite d'auto dérision concentrée en ce mot court et provoquant une sorte de démangeaison, « Grapus » : http://www.telerama.fr/scenes/pierre-bernard-conscience-sociale-du-graphisme-disparait-a-l-age-de-73-ans,134702.php

    Tout est là, dans cet article mais aussi dans de nombreux ouvrages anciens et récents, la problématique de la politique, de l’art dans la société, du travail collectif en création, de la discussion autour de l’image, mais aussi l’humour (dont aucun homme politique professionnel n’est capable de supporter la présence au sein de son dispositif de propagande, toujours porté au soutien d’une ligne sans ouverture au delà d’elle-même, ni recul envers elle-même).

    De la leçon de Grapus, travail qui, lui, restera dans la postérité comme une œuvre riche, belle et utile, il ne restera décidément rien dans les têtes des dirigeants de la gauche radicale en France. Il suffit pour s’en convaincre, de voir la formidable leçon de tristesse que représente l’affiche de campagne du Front de Gauche en Ile de France pour le scrutin du 6 décembre prochain.

    Sans parier sur l’échec d’une telle campagne juste à la vue de ses images, il faut reconnaître qu’il serait paradoxal qu’avec un tel ennui visuel, un tel manque de création, d’audace et de dynamique, les images commanditées et imprimées par le Front de gauche produisent autre chose qu’un résultat électoral au mieux timide et coincé, à l’image de ses images.

     

     

    Un ami

    L'affiche sortie pour la campagne des Régionales en Ile de France du Front de Gauche, perfection d'ennui et d'autocensure.

     

    J’espère bien entendu me tromper magistralement car je ne mise pas sur l’échec des efforts pour une alternative de gauche crédible, unitaire, écologiste, progressiste et luttant fermement contre l’austérité. Mais il faut reconnaître que l’extrême similitude entre le caractère timoré de la stratégie politique concernant l’Euro et l’absence absolue d’audace et de confiance en la création véritable laisse perplexe sur la capacité réelle de cette direction politique professionnelle ( et cumularde !) à ouvrir des perspectives porteuses d’un avenir meilleur.

    Disons qu’avec cette équipe triste, ce monde pourrait être éventuellement moins mauvais, mais en fait, cette équipe ne se donnera pas on le constate, les moyens politiques et artistiques de penser, exprimer et se diriger vraiment vers une alternative.

     

    Regardons un instant ce monument de honte graphique et expressive de l’affiche officielle de campagne du Front de Gauche en Ile de France pour les élections régionales du 6 décembre 2015. Nous voyons une affiche à l’horizontale, étalant les trois co-têtes de liste du Front de gauche, Pierre Laurent (PCF), Clémentine Autain (Ensemble), et Éric Coquerel (PG).

    Premièrement, l’on pourra dire ce que l’on voudra, l’affiche qu’ils ont voulue ensemble ne les montre justement pas ensembles, serrés, unis, rassembleurs et enthousiastes, mais séparés, ce qui n’est pas le plus évident signe d’unité collaborative.

    Une affiche supplémentaire a, depuis, il est vrai, cherché à suppléer cet inconvénient en les montrant ensemble sur une même prise de vue photographique. Mais le mal était fait (d’autant que la deuxième affiche était par ailleurs aussi laide que la première).

    Ensuite, la disposition de ces scènes séparées, nous les montre jouant -  excusez-moi - une comédie, faisant semblant de rencontrer des gens qui les apprécient espérant que d'authentiques électeurs, par esprit moutonniers (?), feront de même ?

    Cette mise en scène, qui n’est pas condamnable en soi (l’art est artifice, mais ici, il n'y a pas d'art du tout malheureusement), a quelque chose de tellement faux, de tellement joué, et surtout mal joué, je veux dire sans conviction, ni talent, qu’il y a quelque chose de terriblement attristant, comme lorsque l’on se trouve piégé à un spectacle désespérant par le manque de talent du metteur en scène et des comédiens. Que rien n’est bon ni rien ne marche, que tout est trop déprimant par manque d’énergie vitale et surtout, d’esprit !

    Car il est une chose qui s’est profondément ancrée désormais et on dirait pour longtemps dans les cerveaux et les pratiques des dirigeants de la gauche radicale, je veux dire de la gauche de gauche, vous me comprendrez parfaitement, c’est le fait que je ne sais par quelle sédimentation, il leur est venu s’épaissir dans le crâne que la « spiritualité » était le truc des curés, mais était refusée aux autres hommes qui en seraient par nature dépourvus ou bien encore qu'elle serait signe de redoutable religiosité.

    Jean-Luc Mélenchon présente comparativement une forme personnelle de spiritualité parce qu’il apparaît réfléchissant en direct, et cherchant une éloquence lyrique, sincère, en même temps qu’une justesse. Mais il n’est pas parfait ni ne prétend d'ailleurs l’être !

    Cette auto privation de spiritualité assumée des appareils des organisations démocratiques de gauche, en plus d’être dépréciative pour la spiritualité, est dépréciative pour l’humain. Et elle est un contre-sens complet ! La spiritualité n’est pas l’apanage des religieux, je vous dirais même, après les derniers attentats, au contraire (même si ces assassins ne l'étaient apparemment que bien peu) !

    Le livre extrêmement solide et instructif de Pascal Charbonnat, « Histoire des philosophies matérialistes », éditions Kimé, 2013, révèle bien combien la spiritualité est matérialiste en ce sens qu’elle procède d’un mode opératoire de la pensée, immanent et non transcendant, apparaissant dans certains contextes qui la rendent possible ou non. Elle est l'apanage de tous, à condition de la bien vouloir la cultiver...

     

    Et bien, malheureusement pour la gauche, ses propres dirigeants en place et les traces qu’ils laissent de leurs choix, ne la rendent visiblement pas possible ! En tout cas elle est indétectable !!... J’affirme qu’il n’y a pas la moindre trace d’esprit dans l’affiche du Front de gauche pour les prochaines élections régionales en Ile de France. Je l’affirme !

    Avec cette affiche, impossible de croire en la possibilité d’une spiritualité matérialiste ! Or celle-ci existe !... Donc ces représentants politiques professionnels ont perdu quelque chose en route, au travers tous leurs efforts, sacrifices, et engagements pendant ces années (et ces décennies pour les deux plus âgés). Quelque chose s’est perdu en route.

     

    Laissons, me dira-t-on, par compassion, la spiritualité de ces gens pour leur vie privée. Et jugeons-les pour leur vie publique, leur engagement. Certes, ils s’engagent sans compter, sans cesse en action, en déplacement, cumulant les responsabilités et les missions. Mais justement, où, dans cet emploi du temps ultra saturé y-t-il la place pour la pensée, je veux dire non pas l’action cérébrale consistant à résoudre des dizaines de problèmes et organiser un emploi du temps. Je veux dire penser, ni abstraitement, ni obsessionnellement, mais juste penser à la fois profondément et légèrement, personnellement.

     

    Or je vois dans cette affiche quelque chose qui prend la place de la pensée, et qui, prenant sa place, nous entraine vers le fond de l’esprit de pesanteur. Cette chose est un mélange de prudence et de calcul, d'habitudes opaques à elles-mêmes. En tout cas pas d’audace ! On y voit du convenu, des codes, des conventions, des stéréotypes, une sorte de politesse coincée, constipée, mais une absence d’idée graphique générale (Saint Grapus, aie pitié d’eux, ils ne voient pas ce qu’ils font !).

    Au vu de l’inertie dans la capacité des équipes de dirigeants des appareils des partis à se renouveler, nous sommes partis pour une ère géologique non pas de « vache maigres », mais d’affiches mortes.

     

    Ce n’est pas grave, dirait-on, il existe d’autres choses belles dans la vie, vers lesquelles tourner son désir d’accomplissement. Toutefois, si je pouvais me le permettre, j’exprimerais l’avis suivant : lorsqu’on est de gauche, moderne, progressiste, il n’y a aucune hésitation, c’est la jeune femme qui doit prendre les rênes.

    Les deux autres vieux routards de la politique, excusez-moi, ils pourraient l’aider, la conseiller, la soutenir de toutes leurs forces, mais la laisser partir seule devant, emblème de la jeunesse, de la liberté, du progrès humain. Et choisir un vrai graphiste et non pas un exécutant soumis aux mornes objectifs de ces « leaders » enkystés dans un refus de partager le pouvoir, en politique, et à travers la liberté de création laissée à un vrai artiste.

    Au lieu de quoi, on voit deux bonshommes plus que mûrs, entourer comme deux grands frères (ou deux tontons ou deux "barbus") la petite soeur, cette jeune femme avenante, comme s’ils avaient peur de quoi, dites-moi ? De perdre le contrôle sur elle et sur la politique ?!! Des fois qu’elle s’émanciperait vraiment et ferait des choses par elle-même, cette jeune femme,... et dirigerait !! Non, trois fois non, pas dans les formations de la gauche authentique. On laisse cela au FN de Marion Maréchal Le Pen !!

    Sur ce plan de l’abandon aux organisations fascisantes des valeurs même de la gauche par la gauche radicale, voir ci-dessous le très bel extrait  de Frédéric Lordon, qui dit lui en philosophie politique, et avec une exactitude et une langue stupéfiantes, exactement la même chose que j'énonce à ma façon pour l’art et l’expression graphique.

     

    Frédéric Lordon, La malfaçon, Les Liens qui Libèrent, 2014,

     

    1. 234 :

    « (…) Car l’égal traitement des individus qui contribuent également à la vie matérielle et sociale de la collectivité, et leur droit d’intégration sous une forme ou sous une autre, celle de la régularisation au moins, ont bien ici valeur de principe, c’est-à-dire d’une tâche qui doit être poursuivie jusqu’au maximum de la contrainte d’accommodation, et en fait en s’efforçant sans cesse de déplacer, de repousser la contrainte, la force du principe ne s’affirmant véritablement que dans le refus de tenir la contrainte pour un « c’est ainsi ». Entre un devoir et la difficulté à remplir un devoir, fut-elle réelle (elle l’est !), la balance n’est donc pas égale ; plus exactement, on ne les pèse pas sur la même balance.

    Ceci d’autant moins que la « contrainte » n’est pas de l’ordre des poids et mesures, données muettes et irréfragable d’une pesanteur ou d’une loi de la gravité. Si la contrainte en question trouve à ré-énoncer comme « capacité d’accueil », encore faut-il entendre ici que cette « capacité » n’a nullement le sens volumétrique d’un contenant limité (que le contenu ne devrait pas faire déborder…), quantité fixe qui imposerait sa loi. En un tout autre sens du mot, cette « capacité » est bien plutôt une faculté, ou, pour mieux dire encore, d’une puissance. Elle est puissance du corps social et a d’ailleurs, comme telle, pour propriété d’être constamment modifiable. Car sur cette question-là comme sur beaucoup d’autres, en fait sur toutes celles qui lui sont proposées ou, plus exactement encore, sur toutes celles qu’il se pose à lui-même, le corps social travaille sur soi et ne cesse de se déplacer, transformant avec le temps des impossibilités en possibilités, des inconcevables en concevable, des trop difficiles en praticables. C’est pourquoi il faut se méfier de l’objectivisme trompeur qu’emporte le mot « contrainte » , et par suite de la représentation du problème comme confrontation d’un principe et d’une « limite », car en définitive il entre dans la définition même du principe de faire bouger la contrainte.

     

    Faucher la Nation au FN- en fait : la récupérer

    C’est pourquoi aussi l’on peut dire, un cran plus loin, que les résidents et les régularisés installés de suffisamment longue date ont pleinement vocation, s’ils le souhaitent, à être intégrés dans la nationalité française. Et, toujours au nom de la même idée : ce sont des femmes et des hommes qui travaillent, qui contribuent à la vie commune, qui paient leurs cotisations et leurs impôts – eux.

    La question contributive – en tous les sens du terme –, voilà peut-être ce dont il faut sans cesse repartir. Pour y voir d’ailleurs de quoi élaborer quelques contre-mesures destinées à retourner contre le FN ses propres procédés, et sur son terrain de prédilection même : la nation. Cette question de l’immigration, de la régularisation et de la naturalisation offre peut-être, en effet, l’un des leviers de renversement dont le FN aime à se servir contre les autres et, en l’occurrence, l’occasion paradoxale de lui faucher la nation, celle-là même dont il s’est fait le monopôle pour la constituer un pôle toxique du débat public, mais au prix bien-sûr d’en avoir défiguré l’idée. Par un effet de désertion aussi navrant que caractéristique, la gauche critique n’a pas même fait l’effort de s’y attaquer et, là encore, comme à propos de la souveraineté, dont elle est évidemment profondément solidaire, la nation s’est trouvée de fait rendue à l’idée que s’en fait l’extrême droite – et à ses seuls usages. (p.236)

    Là contre, il faut dire que la nation n’est en aucun cas le fantasme ethnique que propose le FN, et qu’on ne voit pas au nom de quoi la gauche devrait abandonner l’idée de la nation ouverte, jouant le sol contre le sang, assise sur la citoyenneté et sur elle seule, qui lui a été, elle aussi, léguée par la Révolution. S’il est vrai que, sous couleur de « République », on a longtemps bourré les crânes avec « nos ancêtres les gaulois », ce temps-là est révolu. À quelque chose malheur étant bon, l’époque de crise profonde est on ne peut plus propice à expliquer – et dès l’école ! – qu’appartenir à la nation s’apprécie en tout premier lieu par le respect de ses devoirs fiscaux, que cette appartenance n’est pas une affaire de naissance, encore moins de lignée (pour ne pas dire de souche…), mais d’une démonstration simple et permanente de citoyenneté comprise comme participation à une forme de vie commune dont la reproduction emporte naturellement des sujétions contributives. À ce compte-là, pour parler comme Le Pen, et aussi pour parler très différemment d’elle, on voit très vite qui est « vraiment français » et qui ne l’est pas – et c’est un nouveau crible qui va sans doute lui faire tout drôle, on attend de voir si elle va récupérer celui-là.

    Car voilà le nouveau paysage de la nationalité : Bernard Arnault ? Pas français. Cahuzac ? Pas français. Johnny et Depardieu qui se baladent dans le monde comme dans un self service à passeports ? Pas français. Les Mamadou et les Mohamed qui triment dans les ateliers à sueur, font les boulots que personne ne veut faire et paient leurs impôts sont mille fois plus français que cette race de seigneurs. Le sang bleu évadé fiscal, dehors ! Passeport et bienvenue à tous ces basanés installés sur le territoire, qui, eux, contribuent deux fois, par leur travail et par leurs impôts, à la vie collective, double contribution qui donne son critère formel le plus tangible à l’appartenance de ce qui – oui ! – continue de s’appeler une nation – mais pas la même que celle du Front « national ».

    Voilà ce que la gauche critique, tragiquement frappée de stupeur, pourrait sans difficulté revendiquer pour se réapproprier une idée de nation qui est la sienne ! À cette incapacité, on prend la mesure de la puissance des effets de terrorisme intellectuel diffusés par l’extrême droite, dont il faut être bien certain que rien ne l’arrêtera dans ses entreprises de spoliation. Aussi faut-il être dans un singulier état de fragilité intellectuelle pour avoir perdu comme cette gauche le sens de ses propres références, pour ne plus oser articuler des mots qui furent les siens – car, « en ce moment, souveraineté, nation, ce sont des mots dangereux tout de même… - ;, et finalement pour avoir oublié ses héritages politiques les plus incontestables, ainsi celui-ci : « Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis, qui est domicilié en France depuis une année, - y vit de son travail – ou acquiert une propriété – ou épouse une française – ou adopte un enfant – ou nourrit un vieillard ; tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l’humanité – est admis à l’exercice des droits de citoyen français. » C’est l’article 4 de la constitution de 1793, la constitution de la Convention, la constitution de Robespierre… Cette nation-là, il y a peu de risque que le FN nous la prenne.

     

    Immigration et chômage ?

     

    On peut donc être assuré que le FN ne viendra pas nous chercher sur ce terrain-là. Plus inquiet en revanche que, dans sa comédie de néo-conservatiste, il vienne nous objecter que si la régularisation fait disparaître le « dumping interne » et la concurrence intra-salariale déloyale, elle ne règle rien à la concurrence intra-salariale « ordinaire », et même l’intensifie en faisant grossir une population active déjà confrontée à une pénurie objective d’emplois. Mais d’où vient cette pénurie elle-même ? Il faut toute l’emprise du biais xénophobe pour refuser de poser cette simple question et, par défaut – en fait par propos délibéré –, faire des immigrés la cause générale, voire unique, du problème du chômage.

    Or on ne répond à ce genre de question qu’en commençant par remarquer combien les liens entre démographie et emploi sont autrement plus complexes que ne le supposent ceux dont l’outillage intellectuel s’arrête au quatre opération de l’arithmétique élémentaire pour conclure que si la démographie augmente, alors le chômage aussi, « puisqu’il y a plus de gens pour le même nombre d’emplois »… Il faudrait d’ailleurs que le FN finisse par arrêter une position, car ce même argument qui cherche à singulariser les immigrés s’appliquera tout autant aux bonnes familles françaises, invitées par lui à croître et à se multiplier. Petits français de souche ou immigrés, ça ne va pas changer grand chose à ses équations démographiques simplistes du chômage…

    En vérité, il n’y a aucune détermination univoque aussi rudimentaire entre démographie et chômage. On le sait bien depuis le fordisme, qui a connu simultanément une démographie salariale galopante, notamment du fait du mouvement de salarisation des femmes, et un plein emploi éclatant…au point d’ailleurs que le patronat français n’a pas manqué d’aller faire de massives campagnes de recrutement en Afrique du nord. Dans cette affaire, loin de se combattre, croissance et démographie et emploi se soutiennent : l’afflux de nouveaux salariés employés injecte plus de revenu dans l’économie, donc plus de consommation, plus de demande… et plus d’offres d’emploi. La croissance démographique vient donc intensifier les propriétés vertueuses, établies par ailleurs, du régime d’accumulation fordien.

    Le régime qui succède au fordisme est tout autre. À L’exact opposé de ce que soutien la doctrine néolibérale, la déréglementation généralisée ne produit aucune croissance : il suffit de comparer en longue période le taux de croissance moyen en Europe les intervalles 1945-1975 et 1985-2013 pour que l’affaire soit vite entendue. Les mondialisateurs libéraux répondent en général à ce genre d’objection en préférant détourner le regard vers les BRICS et autres pays émergents… à ceci près, comme l’a montré Rodrik, que le succès de ces pays doit tout (ou presque…) au fait qu’ils ont pris bien soin de n’appliquer aucun des recettes que leur préconisaient le FMI, la Banque Mondiale et l’ensemble des prescripteurs autorisés du néolibéralisme.

    Dans le dispositif néolibéral tel qu’il est appliqué aux pays les plus industrialisés, un élément s’est révélé particulièrement nuisible, il s’agit du pouvoir actionnarial, qui est l’un des « charmes » de la dérèglementation financière. Les exigences de rentabilité des fonds propres en constant relèvement ont en effet conduit à passer à la trappe tous les projets d’investissement qui ne franchissent plus la barre des 15%, et forcent les entreprises à se saigner en dividendes ou en pay back pour rétrocéder leur cash « oisif » aux actionnaires – forcément, le cash est « oisif », puisqu’on lui interdit de travailler à moins de 15%... Le néolibéralisme est donc un régime d’accumulation dépressionnaire par inhibition actionnariale de l’investissement ; et tout le paradoxe de l’époque tient à ce que le capitalisme actionnarial, réputé la forme la plus accomplie du capitalisme tout court, est cela même qui tue l’accumulation du capital !

    Il suffit d’y ajouter toutes les pertes d’emploi liées à la large ouverture aux délocalisations et à la concurrence très distordue du libre-échange, plus les politiques économiques d’austérité aberrantes en période de crise, pour avoir toutes les données structurelles de la pénurie d’emploi – dont on voit alors qu’elle est le propre des orientations profondes de l’accumulation du capital en régime néolibéral, et qu’elle n’a pas grand chose à voir avec la présence des immigrés sur notre sol. Toutes choses égales par ailleurs, l’occupation des emplois par les immigrés nourrit la boucle macroéconomique « revenu-consommation-demande » et contribue à la création d’emplois pour tout le monde – raison pour quoi, en passant, le renvoi instantané de tous les immigrés que fantasme le FN n’améliorerait en rien la situation de l’emploi, au contraire !

    Mais toutes choses ne sont pas égales par ailleurs, et parmi les choses qui diffèrent il y a au premier chef les caractéristiques structurelles du régime d’accumulation en vigueur. C’est de ce côté-là, et de ce côté-là seulement qu’il faut aller chercher les causes du chômage, et non du côté de la couleur de peau de ceux qui occupent les postes. C’est la forme dépressionnaire prise par l’accumulation du capital en régime néolibéral qui donne toute l’explication de la pénurie d’emploi. Et ce sont ces structures-là le problème de première instance – pas l’immigration.

     

    Le FN ou la « réconciliation nationale » sous l’égide du capital

     

    Mais ce problème-là, le FN a-t-il quelque envie sérieuse de s’y attaquer ? tout à son nouveau rôle, il clame vouloir faire la peau à la mondialisation et à la finance. Voire. Comme l’attestent ses revirement de longue période, le FN est un invertébré idéologique, quand il s’agit d’économie, où il n’a d’autre boussole que l’opportunisme. Il se trouve qu’il peut compter avec une paire d’effrayés et d’éditorialistes décérébrés pour que tout lui profite. Mais on n’est pas forcé de s’y laisser prendre. Ni d’oublier de rappeler ce que sont les grands invariants de l’extrême droite en France (et sans doute ailleurs) : loin d’être, comme une lobotomie médiatique en entretient l’idée, l’apanage du peuple affreux, sale et méchant, l’extrême droite est un projet qui plaît beaucoup à une certaine fraction de la bourgeoisie, et dont d’autres, la bourgeoisie d’affaire notamment, s’accommoderait très bien si elles ne font pas œuvre de soutien manifeste.

    L’histoire a suffisamment montré que la bourgeoisie avait le libéralisme politique qui s’arrêtait là où commence sa liberté de valoriser le capital. Rien ne permet d’exclure formellement une remise au goût du jour du « Hitler plutôt que le Front populaire » si la situation l’ « exigeait ». Mais surtout ne permet de douter que la sociologie de ses élites dirigeantes, et de celles qu’elles recruteraient dans l’hypothèse d’une arrivée au pouvoir, conduirait le FN à mener une politique conforme aux intérêts du capital, ou disons à passer avec le capital un compromis politique, sans doute différent de celui de mondialisation néolibérale mais tout-à-fait satisfaisant pour la préservation de ses intérêts.

    L’extrême droite prête à défier le capital pour les travailleurs est une fable qui ne résiste pas un instant à l’analyse. Ni encore moins aux enseignements de l’Histoire. Car, très loin de tout anti-capitalisme, l’extrême droite est plutôt un rêve de « réconciliation nationale »… autour d’un ordre social dominé de fait par le capital. Aucun des fascismes n’a jamais cherché la confrontation avec le capital, tout au contraire : ils n ‘ont cessé de poursuivre la chimère d’un corps social fondu dans l’unité affective d’une appartenance mystique, cette fusion étant d’ailleurs explicitement conçue comme le moyen d’un dépassement de toutes les (inutiles) divisions « secondaires » - au premier rang desquelles le conflit de classe, bien sûr…

    C’est peut-être le Metropolis de Fritz Lang qui en donne la représentation la plus frappante, puisque, commençant à la manière d’un Marx cinéaste, campant la lutte des classes entre le sous-sol des prolétaires asservis et la surface de la bourgeoisie jouisseuse, il finit par l’exaltation pré-nazie de la réconciliation du capital et du travail, dont les personnages représentatifs finissent par triompher de leurs animosités respectives et se donner la main… sous le porche de la cathédrale ! Soit exactement la trajectoire prévisible d’une Marine Le Pen qui tiendrait presque le discours de la lutte des classes, et emprunte tout ce qu’elle peut au discours de la gauche critique mais finira à coup sûr dans le plus complet déni du conflit capital-travail – déni bien fait pour garantir et la domination, et la tranquillité du capital –, et ceci au nom du « rassemblement » dans la communauté nationale unanime. »

     

     

     

    Car, par exemple, pour revenir au graphisme, l’affiche du candidat FN d’Ile de France Wallerand de Saint Just, sans être une formidable création (loin s’en faut !) a au moins été l’objet d’un travail rapide de balance des couleurs, mettant en jeu les teintes volontairement éclaircies (c’est nouveau) du drapeau national avec le costume et la cravate du candidat, (juste une petite exigence visuelle de base) créant ainsi une certaine homogénéité assez lumineuse et – pourquoi s’en priver ? – séduisante, dynamique, gaie… À comparer avec les costumes sombres sans couleur, ni même de profondeur dans le sombre, de nos bonshommes de l’affiche du Front de Gauche.

     

    Étant totalement opposé politiquement à un candidat du FN quel qu’il soit, vous pensez bien que c’est pour moi une vraie souffrance de voir le graphisme – même pauvre – du FN, s’avérer néanmoins dix fois plus décidé et affirmatif que celui du Front de gauche, censé incarner l’inventivité pour un monde meilleur.

    Il y a là un drame politique et culturel dans le fait que ces vrais tueurs de la culture que sont les hommes et les femmes du FN, ces restaurateurs de l’Ordre policier contre la diversité et la créativité de la population, ces parfaits défenseurs de l’ordre capitaliste libéral (prêt, lui, à s’accommoder d’un ordre très peu libéral en politique dès lors qu’il le demeure en économie pour la préservation de ses intérêts), sont ceux-là même qui par leurs affiches, passent devant si facilement celles des mouvements progressistes incapables de quoi que ce soit d’entreprenant, de remarquable ni même d’identifiable.

     

    Il existe des gens qui essaient de faire bouger les lignes à gauche au sein des organisations, mais l’inertie s’y trouve tellement lourde, que campagnes après campagnes, cinq ans après cinq ans, les occasions les unes après les autres, sont … manquées.

     

    Et une de plus, une !!...

     


    votre commentaire
  • Que faire, que lire ?

     

     

    Que faire, que lire ?

    Joël Auxenfans. Meuble prototype à partir du projet de recyclage des palissades d'un chantier d'infrastructure. Projet "les Palissades". 2015.

     

     

    Je commence par citer cet extrait de Frédéric Lordon, philosophe et économiste qui me paraît de  loin éclairer le débat avec le plus de hauteur et de profondeur de vue en même temps qu’apportant un éclairage très précis et pratique de questions d’aujourd’hui.

    « On notera au passage qu’il n’est pas d’expérience de réalité plus décisive pour juger des prétentions de la « mondialisation irréversible » qu’une crise saignante à l’occasion de laquelle les systèmes bancaires se rétractent spontanément sur des bases nationales – les banquiers les plus audacieusement mondialisés savent très bien dans ces cas là où se rendre pour trouver leur salut : auprès de l’État, l’État ringard, l’État détesté, mais au guichet duquel ils accourent, éperdus et chialant, pour la simple et bonne raison qu’il n’y a personne d’autre auprès de qui quémander des mesures d’exception vitales. Que la finance se fragmente pour se recomposer dans le périmètre national, il n’y a que les amis de la mondialisation financière pour le déplorer, ou bien ceux qui ont l’internationalisme si égaré que la perte de n’importe quoi labellisé « international » les attriste, même quand il s’agit de la circulation des capitaux. »

    Frédéric Lordon, La malfaçon, Les Liens qui Libèrent, 2014, p. 120

     

    Pourquoi suis-je conduit à préférer lire des ouvrages d’économie, d’histoire ou de sociologie à n’importe quels autres, c’est une question à laquelle je ne répondrai pas de manière définitive. Mes goûts peuvent changer. Néanmoins, le fait est que les textes sur l’art proprement dit ne m’attirent plus autant est l’indice que les enjeux de l’art sont moins liés à l’art lui-même et à son réseau de relations internes désormais qu’à l’ensemble des autres questions qui se posent avec une pression et une urgence grandissantes.

    Sans vouloir discréditer des productions artistiques qui ont souvent leurs qualités, je constate dans beaucoup d’œuvres présentées comme participant de l’art contemporain (dont je ne souhaite pas autre chose qu’être partie prenante de la manière la plus pertinente) quelque chose d’inscrit dans une relation assez routinière. Relation à son public, relation aux codes de représentation, mobilisation des supports de médiation, écho presse, réseau, etc.

    Inutile de s’étendre, depuis Bourdieu, on sait comment fonctionne l’art en tant que champ parmi d’autres champs, à ceci près que l’art incarne dans l’imaginaire social une forme particulièrement prononcée d’oxymore – entre la simplicité « pauvre » des moyens élémentaires de la création (matière, écriture, dessins, etc.) et le retentissement du succès auquel, parfois, une œuvre donne lieu.

    Nassim Nicholas Taleb dans son « Cygne Noir », évoque le contraste entre le type d’activité « non scalable » et un autre type d’activité « scalable » : l’activité scalable type consiste à produire de choses qui ne peuvent pas fluctuer considérablement dans leur valeur, et pour lesquelles l’exercice de la profession permet seulement d’accumuler à chaque transaction une somme qui est prévisible et stable, comme c’est le cas du boulanger et ses baguettes.

    L’activité non scalable est du type écrivain, artiste, dont la production, le plus souvent statistiquement réduite durablement à un mode très limité de développement, peut soudain prendre des proportions de valeurs totalement imprévisibles, et surtout inouïes dans l’augmentation de son coefficient de croissance. Nassim Nicholas Taleb parle évidemment depuis le type de société qui permet cela de la manière la plus quantitativement contrastée, j’ai nommé le capitalisme financiarisé et médiatisé actuel.

    Ce contexte risque toutefois de conditionner chez les artistes ou auteurs littéraires – pour reprendre cette catégorie « scalable » –  un syndrome de la production orientée vers la recherche du « succès ». Je ne dénie à personne (et encore moins à moi-même) le droit de rechercher le succès. Je précise seulement que ce contexte détermine de manière exponentiellement accentuée une tendance à rechercher le succès pour lui-même, au détriment d’une production véritable de formes ou de concepts novateurs, ou pour le moins pertinents durablement.

    Bernard Stiegler, qui publiait dernièrement un superbe article dans le journal l’Humanité, évoque la tendance à combler l’impuissance à penser par les postures (et impostures) philosophiques prises par des personnalités surtout avides de médiatisation alors que cette dernière ne devrait pas être une fin en soi. Il parle aussi de cette tendance lourde à la prolétarisation des intellectuels, de plus en plus souvent condamnés à des tâches inscrites dans des prescriptions niant leurs capacités réelles de jugement et de choix souverains.

     

    Que faire, que lire ?

    Bel article de Bernard Stiegler paru dans le journal L'Humanité. 

     

     

    Cette prolétarisation  des gens ayant une activité intellectuelle, peut se trouver chez ces milliers de chercheurs perdant un temps fou à rechercher des financements pour leur laboratoire au prix de sélection d’axes de recherches de plus en plus utilitaristes dans des perspectives lucratives pour les financeurs, tandis que l’évaluation de leur réflexion est colonisée par l’exclusivité du rôle de seulement quelques revues internationales forcément hyper sélectives et assez conformes aux canons dominants (comme c’est le cas notamment en économie, voir à ce sujet l’ouvrage sous la direction d’André Orléan, « À quoi servent les économistes s’ils disent tous la même chose, Manifeste pour une économie pluraliste, Pour l’AFEP ». Les Liens qui Libèrent, 2015).

     

    Ce sont ces associations d’aide sociale et de réinsertion qui doivent répondre de plus en plus à des appels d’offres sur des durées courtes et non plus sur trois ans, pour des marchés de prestations devenant leurs seules sources de survie faute de subventions publiques pérennes  (siphonnées comme on sait par les dizaines de milliards à fonds perdus de cadeaux fiscaux aux multinationales), là aussi au détriment de choix d’axes de travail vraiment jugés les plus justes et au profit de méthodes plus expéditives, plus facilement quantifiables, mais ne permettant pas un travail de relation de qualité avec des gens en souffrance psychologique et sociale.

     

    Ce sont des professeurs de collèges, harassés de remplir des grilles d’évaluations qui se superposent sans se compléter, qui se voient obligés de participer à des simulacres de jury dans des domaines qu’ils ne connaissent pas, ou bien se mettre activement à participer à la promotion de leur établissement pour attirer des élèves en séduisant les parents, en faisant jouer le « rayonnement » mesurable par les articles de presse, ou par la « réputation », les portes ouvertes, tandis que la réalité de la disponibilité aux élèves dans la classe, en particulier les plus demandeurs et les plus fragiles, ainsi que le travail réel de concertations entre collègues pour des objectifs de fond initié souverainement par les personnels, deviennent finalement secondaires faute d’énergie, de temps, de rémunération.

     

    Ces phénomènes accentuent une perte de valeur et de savoir des métiers intellectuels, si tant est que Bernard Stigler a tellement raison de rappeler que la transformation en substantif de l'adjectif intellectuel et l’opposition « intellectuel » et « manuel » ne sont qu’un marquage de classe destiné à opérer une ségrégation parfaitement injuste et inopérante contre les manuels pris pour des imbéciles, et qui occulte en outre la réalité de la création intellectuelle autant que sociale, qui passent toutes deux par la pratique, le croisement d’expériences relevant tantôt de la manualité et tantôt des concepts.

     

    Bernard Stiegler a aussi raison de montrer comment l’innovation joue davantage aujourd'hui un rôle de « disruption » incessante  parce qu’elle est conduite à seule fin de monopoliser par les multinationales la circulation de l’argent des produits nouveaux qu’elles imposent à la commercialisation de masse en remplacement incessant de produits de génération précédente à peine commencés d’être utilisés.

    On a la preuve que le capitalisme financier est la principale force structurellement opposée à une régulation des modes de production et de consommation vers plus de lenteur, de durabilité et, au sens fort, d’économie. Ce sont les tenants de l’économie capitaliste dérégulée qui sont anti économiques au regard des possibilités réelles de perpétuation de cette fuite en avant absurde que recèle la planète et ses habitants. Même lorsqu'ils imposent l'austérité, ce n'est pas pour cesser la production d'objets importés et inutilement sophistiqués pour l'usage qu'on en a, c'est pour faire jouer toujours plus l'extraction de plus value et la hausse de dividendes. 

     

    Comme le dit justement Sylvestre Huet, interviewé aujourd'hui dans l'Humanité aux côtés de Marie Monique Robin et Gérard Le Puill, "Comment voulez-vous demander aux populations d'accepter une sobriété énergétique généralisée s'il y a une caste de dominants qui, parce qu'ils sont riches, n'ont aucune limite à leur propre consommation d'énergie.  Si vous êtes un écologiste conséquent ou un communiste qui prend en compte l'écologie de manière conséquente, il faut avoir dans votre programme l'éradication des grandes fortunes et des grands revenus sinon vous n'y arriverez pas. "

     

    Abrutir massivement des centaines de millions de consommateurs pour leur faire impérativement se précipiter sur le dernier modèle de Smartphone six mois après l’achat du précédent modèle participe d’un crime à grande échelle. De même, la tromperie mondialisé des contrôles de pollution des véhicules automobiles avec la complicité active des institutions européennes et de politiciens bien placés devraient relever de poursuites avec amandes et peines de prison. Car ces faits ont une incidence à grande échelle sur la mortalité et le réchauffement http://www.franceinfo.fr/vie-quotidienne/environnement/article/pollution-automobile-la-grande-supercherie-743551  

    Mais on n’imagine pas voir ces personnes responsables cyniquement de ces tripatouillages de résultats des mesures de pollution -  induisant pourtant une augmentation de quatre à cinq fois le taux effectif de pollution automobile sur la planète -  être l’objet de « recherches policières chez eux à six heures le matin », comme on l'a fait pour quelques syndicaliste  dernièrement. Parce que ces gens qui décident  de tricheries et du pouvoir politique sont amis, en réseau, sont de la même promotion, du même milieu, et ont trop d’intérêts occultes entre eux en jeu.

     

    Ici la surabondance de preuves de la gravité de la situation du monde actuel n’a d’équivalent que la tétanisation politique dans laquelle se trouve la majorité de mes concitoyens.

     

    Je me rappelle encore des moqueries ( prétendument affectueuses mais aussi un peu tueuses) dont j’avais été l’objet un jour que je passais devant mes voisins qui participaient entre eux à un barbecue, tandis que je portais chez moi les numéros du journal l’Humanité auquel je suis abonné et qui s’étaient accumulés dans ma boite aux lettres.

    Ces cris mi hystériques mi ironiques, désabusés jusqu'à la puanteur intellectuelle, à la vue d’un journal (celui de Jaurès et sans doute pour eux celui des grandes illusions et des grands crimes commis au nom du communisme), je réalise maintenant qu’ils servaient en fait de prémisses à, dans un premier temps, l’interdiction de parole et d’expression de mes opinions argumentées (chiffres à l’appui) en réponse à des divagations racistes ou grossièrement haineuses et simplistes qui s’échangeaient par courriels. Et pour finir à un silence et une complicité tacite collective à des violences dont je fus victime par un voisin participant au même barbecue... « amical ».

     

    Or, si je prends le numéro d’aujourd’hui au hasard, celui du vendredi 6.11.2015, du journal l’Humanité : j’y trouve les interventions ou interviews de Marie Monique Robin, Cynthia Fleury, Jean-Pierre Terrail, Sylvestre Huet, Gérard Le Puill, Slaloj Zizek, des noms de penseurs ou de spécialistes renommés parmi des centaines d’autres qui interviennent constructivement régulièrement et que ce journal sollicite de manière équitable et honnête.

    Le niveau intellectuel et d’information de l’Humanité est réellement supérieur à celui de beaucoup des quotidiens de la presse dominante. Le traitement de l’information y est beaucoup plus près des réalités sociales vécues par les gens ordinaires et par les peuples du monde. Et pour couronner le tout, l'Huma (comme un autre remarquable journal Le Monde diplomatique) est indépendant des lobbys de presse appartenant aux groupes transnationaux, comme le sont en revanche Le Monde, Libération, l'Express, Le Nouvel Obs, La Croix, L'Équipe, Le Parisien. 

    Et pourtant ce journal vraiment indépendant (nous sommes des milliers à le financer en plus de nos abonnements par des souscriptions) remarquable de qualité est ostracisé, boycotté, occulté, méprisé ou objet de méfiance sans l’avoir jamais ouvert par les gens qui, de toutes façons, ne lisent presque plus –  à part des textos les yeux rivés sur leur tablette ou leur téléphone.

    Ces non-lecteurs à BAC + 3 et plus,  gavés comme de la volaille de Noël d’information abêtissantes et déstructurées par la télévision et la plus grande part des durées d’antennes de radios commerciales ou officielles, ont en haine toute forme d'intellectualité et de citoyenneté critiques. Lorsqu'on leur adresse plus de trois lignes, ils ont le rejet facile de cette "prose" en effet haïssable pour leurs esprits enkystés...

    À cet égard, regarder les couvertures des magazines des salles d’attente des médecins ou des kiosques est éclairant sur l’imbécilité et le cynisme cultivés à grande échelle, y compris dans les milieux bourgeois, à grand renfort de publicité et de titres visant à dévier l’attention des vrais enjeux.

    En six années, j’ai pourtant, grâce, pour la plupart d’entre eux, à des notes de lectures ou des interviews passionnantes trouvées dans L’Humanité, pu faire acquérir par la médiathèque de ma ville plus de soixante cinq livres remarquables (voir document) que j’ai pu étudier avec profit et qui servent désormais à d’autres personnes soucieuses d’apprendre. Peut-on encore avec cette liste considérer le journal quotidien l’Humanité comme un outil d’information infréquentable ?!...

    Que faire, que lire ?

    Joël Auxenfans. Liste de livres acquis par la médiathèque de ma ville, qui ne comprend pas tous les autres livres que j'ai suggéré d'acquérir, presque à chaque fois sur la base de note et d'articles ou d'interviews de l'Humanité.

     

     

    « Apprends à apprendre et jamais ne le désapprends » disait Bertolt Brecht. On peut dire qu’aujourd’hui, mes concitoyens semblent s’impliquer à faire rigoureusement l’inverse, qui pourrait être dit ainsi : « ce que tu appris de l’école, oublie-le et jamais ne te cultive à nouveau ! ». Inutile de dire que sur ce terreau, les grands rentiers capitalistes et les faiseurs de haine se régalent et dispose là à loisir de la qualité de population qui leur convient... parfaitement ! 

     

     

     

     

     

    Que faire, que lire ?

    Joël Auxenfans. Meuble bibliothèque table basse sur roues. Vue en cours de montage. 2015.

     

     

     


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires