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    Joël Auxenfans. Palissade d'affichages. 2014-2016.

     

     

    La ville se regarde par ses murs, ses affiches, comme un musée et ses accrochages de peintures. Penser la ville signifier penser le temps de son développement, de son passé et de son avenir, tout en créant des instants présents de qualité.

    Qu’y a-t-il, je vous le demande, de bénéfique à la société de voir ses murs accaparés par la communication de quelques grandes multinationales seules à mêmes de s’offrir une visibilité imméritée, juste achetée et répercutée sur le prix de vente des produits. Ces langages, ces allusions, ces vols purs et simples de formes issues de l’histoire de l’art – on pourrait parler d’un pillage – viennent quotidiennement fracasser la conscience du public pour satisfaire des intérêts privés sans aucun scrupule, ni aucune légitimité autre que celle qu’achète l’argent.

     

    Au lieu de cette prostitution de la ville aux plus offrants des acheteurs d’espaces, on pourrait imaginer que les murs, et en particulier ceux qui entourent temporairement un chantier, puissent devenir un mur de réflexion, de réflexivité de la ville sur elle-même. C’est là que l’art intervient, et le mien en particulier.

     

     

     

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    Joël Auxenfans. Palissade d'affichages. 2014-2016. 

     

     

     

    J’ai conçu en 2014, pour un commanditaire à la tête d’un énorme chantier d’infrastructure, un projet de palissades de chantier permettant de programmer dans le temps une succession d’affichages. Plutôt que d’inviter des intervenants les uns après les autres, j’ai pensé embrasser la durée globale du chantier pour envisager un déroulement dans le temps d’une suite d’affiches qui se répondraient les unes les autres.

    À la fois petites et grandes, ces affiches, soit en quadrichromie offset, soit en monochromie sérigraphie, reprendraient les mêmes images en changeant la taille mais aussi l’aspect, l’une faisant écho à l’autre. Cette « acoustique visuelle » dans la ville, avec des images qui se parlent et se répondent, instaure une sorte de démocratie des images. Parce qu’elles ne vendent rien d’abord. Et parce qu’elles ne se soumettent pas à un message unilatéral de communicant.

     

    Les images introduisent la peinture dans la ville. Mais pas sous la forme à la mode des tags, transgression assez pauvre, proche d’un marquage de territoire et que tentent de récupérer les institutions politiques. Mais sous la forme de toiles peintes, transformées en affiches imprimées. Ainsi, plutôt qu’un catalogue ou qu’une affiche annonçant une exposition, plutôt qu’un produit dérivé, l’impression permet la production même de l’œuvre.

     

     

    En introduisant ainsi la peinture dans la ville, l’œuvre introduit du même coup la question de la légitimité de tel ou tel sujet à peindre. Plutôt que l’affirmation d’une subjectivité singulière, celle d’un style d’artiste connu ou non, l’œuvre vient au devant de l’époque qui précéda la nôtre, celle qui portait en germe toute la modernité de laquelle nous sentons aujourd’hui les craquements, les crises et les tragédies, y compris celle, la pire, de la perte du sens et des violences qu’elle entraine.

    J’ai donc ciblé la fenêtre de la visionneuse à remonter le temps sur les fameuses années fin cinquante à fin soixante dix, années dans lesquelles figurent tant d’espoirs et de tragédies, tant de conflits et de création, au sein desquelles un ferment puissant remuait le monde, la société, les idées, les valeurs et les pratiques. Années où naquirent des projets de vies différentes, des avancées de droits sociaux et démocratiques, où il semblait que le monde n’irait toujours qu’en mieux, où les jeunes auraient meilleure vie que les anciens.

     

     

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    Joël Auxenfans. Peinture affiche. 2015.

     

    Pour cela j’ai puisé dans des archives, des sites, des catalogues, et transformé en peintures faites de ma main des photographies d’époques qui prenait à travers mon acte, justement, une nouvelle « actualité ». Ce n’était pas toujours des photos célèbres ou emblématiques, parfois elles étaient comme discrètes, juste des indices d’une atmosphère, d’un climat. Et c’était là peut-être que je pouvais y introduire, à travers l’économie de la peinture, une manière d’apparaître qui reposait l’histoire qu’elles racontaient sur un nouveau fonds.

    Des artistes célèbres, comme Daniel Buren ou François Morellet ont répondu favorablement à mon réemploi de visuels anciens de leur œuvre. Des fondations ou des association, des archives ont bien voulu jouer le jeu de l’emprunt. C’est ainsi que je remercie la Niki Charity art foundation pour Niki de Saint Phalle, la galerie Patricia Dorfmann pour Michel Journiac, Les mémoires d’Humanité et les archives départementales de Seine Saint-Denis, le musée des Beaux Arts de Dole, le Pavillon de l'Arsenal… cette liste n’est pas exhaustive.

     

     

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    Joël Auxenfans. Peinture affiche. 2015.

     

    Pour moi les affichages donnent une présence à la dois directe et « médiate » : la peinture est montrée ici directement en extérieur, créant une présence hors les murs du musée, mais aussi elle passe par le traitement de l’image imprimée, ce qui en fait une relation différée, à elle-même et au public.

     

    Mai 68, c’était il y bientôt quarante ans. Et aujourd’hui que naissent partout ces mouvements Nuit Debout, par exemple, ou que se répand l’agriculture agro écologique, on a l’impression qu’enfin, le fil qui était rompu depuis les années quatre vingt, s’est renoué. Mais ce n’est là qu’une bien fragile supposition.

     

    En tout cas le projet se développe, en continu, les toiles déroulant des bribes d’un récit subjectif de la modernité, par lequel le traitement pictural s’affiche en tant qu’empreinte de l’intime aux prises avec l’histoire, faisant à la fois œuvre d’art et de politique.    

     

     

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    Joël Auxenfans. Palissade d'affichages. 2014-2016.

     

     

     


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