• L’exposition continue

     

     

    Deux nouvelles affiches ont été éditées en partie avec le soutien d’autres personnes que je remercie à cette occasion.

     

     

     

    L’exposition continue !

     

     

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    Lien vers Vimeo https://vimeo.com/268063746

        

    Il s’agit de « Ken », portrait du président Macron en homme parfait, stéréotypé et appliquant un programme voulu par le monde marchandisé que lui inspire le milieu financier auquel il est affidé, plastronnant en buste de baigneur immaculé en plastique, poli ciré lustré, sans défaut, avec juste l’articulation à peine perceptible à l’angle, un peu comme la marque râpée au cou du collier du chien dans la fable de La fontaine « Le chien et le loup ».

    Et il s’agit aussi de « E », militante anonyme de la France Insoumise, dont le visage inconnu du prublic intrigue encore davantage que le portrait du président.

    La première image, je l’ai décidée et réalisée aussitôt après le deuxième tour du scrutin présidentiel de 2017. Il nous était unanimement présenté comme un messie, comme l’archange du changement et de la jeunesse éternelle, celle qui « innove » par définition, alors même qu’il occupait le ministère de l’économie et des finances de Hollande quelques mois auparavant. Depuis, on l’a, avec zèle, sacré Jupiter, nouveau souverain de la monarchie présidentielle de la Vème république. Il me fallait bien trouver à répondre un peu de vérité par un portrait approprié. Le voici !

    Pour l’autre portrait, c’est une autre histoire, mais qui rejoint la première.

    Après les portraits de célébrités comme JL Mélenchon, j’ai cherché à représenter des gens que je trouve engagés dans des actions militantes honnêtes mais inconnues, invisibles. Montrer une personne plutôt qu’une icône politique, car le militant est trop souvent perçu et montré comme une sorte d’obsédé politique, qui ne fait que penser, argumenter, agir en militant. Ce qui ne manque pas d’être réducteur, car ce sont chaque fois des gens singuliers avec une histoire personnelle. Et aussi bien eux-mêmes que la médiatisation aux prises avec les simplifications qu’elle entraine consubstantiellement avec elle, construisent ce mythe du militant ou de cet activiste, qui réduit en même temps l’audience envers un public dépolitisé qui ne peut se reconnaître en des gens si « différents », bien que ce ne soit en fait pas le cas.

    Donc « E » est un portrait d’anonyme, qui initie une suite d’autres portraits d’inconnus. Elle a les cheveux au vent, elle n’est pas corsetée dans le corps ou l’esprit, elle regarde en face le spectateur, elle sourit simplement mais de manière humaine et non ambitieuse ou prometteuse, je ne lui vois pas d’arrogance ou d’arrière pensée, et la lumière baigne son visage. Une image idéalisée si l’on veut, mais qui provient pourtant d’une simple photographie privée prêtée par « E », que j’ai retouchée, puis peinte, librement.

     

    C’est là que ces deux affiches se rejoignent : elles sont chacune le fruit d’un processus qui est aussi dicté par ma fantaisie, ma liberté. Ce qui n’est pas si fréquent en ces temps de réquisition des images et des textes au service du matraquage commercial, politique ou pour les desseins déshumanisants du new management. Ici, avec « E » et « Ken », ce qui prime, c'est la liberté intuitive avec laquelle j’ai pu les travailler, les construire, sans commande, sans discours univoque, sans manipulation grossière de la relation entre producteur de l’image et regardeur.

     

    C’est une idée qui pourrait commencer à faire son chemin, et qui se résume en ceci : les organisations ou institutions gagneraient à considérer les artistes comme souverains, sans les asservir par des arraisonnements réducteurs de leur liberté de penser et de créer. Cela fait plus d’un quart de siècle que presque aucune image éditée par les partis qui se disent libérateurs ou émancipateurs n’a vraiment compté, s’est faite vraiment appréciée pour avoir été pleinement elle-même un moment de liberté, en plus du message de prétendue liberté qu’elle véhiculait.

    Cela signifie que ces décideurs interdisent qu’existent des images libres, expressions de la « liberté » humaine qu’ils appellent de leurs vœux. Cela signifie que, affiche après affiche, ces décideurs montrent la preuve du contraire de ce qu’ils affirment défendre,  la liberté. Puisqu’en  réalité, ils ne tiennent pas du tout à ce que cette liberté protéiforme se développe, avec eux et autour d’eux, disons aussi, finalement, qu’elle leur échappe. Ils veulent garder le contrôle et ne font pas confiance aux artistes, ce qui indique un vrai abîme entre leurs discours et la conception réelle qu’ils se font dans les faits, consciemment ou non, de leur mode opératoire.

     

    C’est bien sûr dommage, mais c’est pourtant un fait désormais inscrit dans les trente ans écoulés de l’histoire contemporaine. Encore un argument en faveur d’une relecture attentive de l’héritage de Mai 68.

     

    Pourtant, je dois justement rendre hommage à la direction de la Contemporaine http://www.lacontemporaine.fr/ , qui, pour son événement du 8 mars 2018 célèbrant son centenaire, son changement de nom, et la pose de la première pierre de son futur bâtiment à l’entrée du campus de l’université Paris Nanterre, m’a justement laissé carte blanche pour la création de quatre affiches issues de ses fonds d’archives.

    Ces images ont été éditées, diffusées, valorisées officiellement, et d'abord peintes d’après des images choisies par moi et modifiées, interprétées par moi d'après des photographies d'Élie Kagan et Monique Hervo. Elles ont été affichées sur tout le campus de Paris Nanterre, apportant la preuve que l’on peut commander à un artiste des images qui représentent une institution ou un mouvement de pensée sans mettre en camisole la création, sans que l’artiste se mette lui-même en camisole par l’emprise d’un raisonnement utilitariste et réducteur, simplificateur et appauvrissant.

     

    L’exposition continue !

     

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    C’est la même relation qu’a su instaurer la Terrasse espace d’art de Nanterre pour son exposition hommage à mai 68 "1968/2018, des métamorphoses à l’oeuvre".

     

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    Joël Auxenfans. Un des six panneaux disposés dans la ville de Nanterre avec plusieurs affichages combinés.

     

     

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    Joël Auxenfans. Combinaisons de mes images peintes en affiches grand format. 2018.

     

    Les images diverses qui s'y trouvent rassemblées, de Chris Marker, Jean- Luc Godart, Henri Cueco, La Malassis, et de nombreux autres artistes de mai 68 et nos jours, ou bien de militants anonymes de l'époque, sont, il faut le dire, absolument à l’opposé, dans leur vitalité et leur inventivité, leur parti pris, des images et des affiches fabriquées laborieusement par les partis ou les institutions qui officialisent, le plus souvent par des moyens asservis, leur « ligne générale » libératrice.

     

    « La ligne générale » est d’ailleurs la titre d’un chef d’œuvre d’Eisenstein, commandé par le parti bolchevik. Mais là, quelle puissance avant tout expressive et créatrice, avant toute autre forme de discours transmis. Ou plutôt on voit comme le discours transmis fait corps avec quelque chose qui, justement, possède un corps, une chair, une vie intérieure. Comme si l’urgence impérieuse de création du cinéaste trouvait son prolongement ou son carburant dans l’urgence à changer le monde de base, dans cette misère populaire terrible et cet asservissement profond et écrasant de la russie tzariste.

     

    Utiliser les formes, utiliser les mots, pour dire quelque chose qui se face l’écho et l’acteur du mouvement social. Que l’intimité artistique et sensible de l’artiste puisse trouver là précisément son mode opératoire expressif est paradoxal, mais cela peut réussir.

     

    Partout à présent aussi des motifs de contestation et de révolte grossissent. Mais le pouvoir n’écoute pas. Des classes scolaires sont supprimées pour des dizaines de milliers d’élèves de maternelle. Et pourtant notre candidat Macron s’était présenté justement comme le président « ni droite ni gauche », car les classes sociales (les riches et les pauvres) selon lui, n’existent pas, et sont, avec sa vision, supprimées. Certes. Mais la réalité, ce sont bien plutôt des chapelets de cadeaux par milliards aux plus riches, et pour les pauvres, justement, des classes supprimées, car l’argent , par un effet de vases communiquant, est affecté là où le président décide de ses propres priorités.

     

    Plutôt que de laisser sans réponse un tel tour de passe passe, j’ai produit une banderole dont le texte, écrit en petites lettres comme celles des livres pour enfants, extrêmement lisibles, dit : « Macron président des classes supprimées ». Ce n’est pas un texte qui assène un message univoque. Il joue sur plusieurs tableaux de significations qui entrent en résonnance : il y les classes opprimées, le président des riches , les classes sociales, « ni gauche  ni droite », prétendument supprimées, mais les classes scolaires réellement supprimées…

     

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    Joël Auxenfans. Mon installation de banderole et affiches, entre kiosque et bouche de métro. 2018, 1er mai.

     

    C’est avec cette panoplie que je me suis rendu à la manifestation du 1er mai 2018. Ayant trouvé un emplacement près de l’entrée du Jardin des Plantes, j’ai fixé la banderole à une barrière d'entrée de métro, après avoir apposé quelques-unes de mes affiches récentes sur deux vitres d'un kiosque à journaux fermé ce jour-là, en ajoutant aussi deux Mélenchons pour faire bonne mesure. J’ai pu filmer ou photographier les dizaines des manifestants qui sont venus à chaque instant s’approcher et apprécier ces affiches, mi souriants, mi interrogatifs, en tout cas admiratifs. J’ai pu voir que mes affiches invitent vraiment le spectateur à regarder, c’est-à-dire à penser par lui même, sans se contenter d’être une caisse enregistreuse des slogans imposés clé en main.

     

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    Même une voiture de journalistes de Radio France s’est arrêtée. Les occupants se sont amusés avec cet affichage, et l’un d’eux – qu’il en soit remercié – m’a acheté une affiche pour, a-t-il dit, « l'afficher en salle de rédaction » ! Preuve que les journalistes sont, plus souvent qu’on le dit, curieux de choses hors du « main stream ». Interviwé par d’autres journalistes de médias étrangers ou marginaux, il m’a fallu dire deux ou trois choses sur le travail présenté. Mais aussi sur ce qui s’est passé à cet endroit-là avec les « casseurs.

     

    Car mon emplacement se trouvait précisément là où ont commencé les attaques des casseurs. J’étais là lorsque "cela" s’est déclanché, dans un ordre quasi militaire. On aurait dit des techniciens, masqués, qui avaient une prestation de service à rendre. Ils s’y employaient avec tout un équipement, et dans un ensemble parfaitement coordonné. J’étais, positionné, entre un kiosque à journaux sur lequel j’avais collé mes affiches, et la bouche de métro sur la grille de laquelle j’avais attaché ma banderole, à 5 mètres du MacDo attaqué.

     

    Je me suis échappé de cette zone de violences, en traversant vers l’est l’avenue, jusqu’aux CRS près de la gare d'Austerlitz. Je me suis frayé un passage vers eux en leur disant que les casseurs venaient de commencer à casser devant moi le MacDo et les sucettes publicitaires ou les abribus, sous des encouragements bruyants et excités, les fracas étant effectués sous les acclamations et les cris encourageants et provocateurs de centaines de jeunes qui étaient bon public pour les casseurs.

    Je me suis approché des CRS et leur ai dit que les casseurs brisaient tout. Ils m’ont répondu qu’ils étaient au courant.

    Or il s’est passé au moins une heure, avant que les CRS interviennent. En fait, ils se sont arrangés pour ne pas intervenir pour ne pas stopper les casseurs. Ils sont intervenus bien après lorsque les casseurs étaient ailleurs, et ce fut pour capturer à la place des jeunes parmi ceux qui acclamaient les casseurs. Bref, du menu fretin sans conséquence.

     

    Donc je pense que le ministre de l’intérieur se trompe ou ment lorsqu’il déclare à la radio :

    "Par rapport au McDonald's qui a été incendié, cela s'est produit d'une manière brutale, a justifié Gérard Collomb sur France 2. Les forces de l'ordre interviennent cinq minutes après. Parce que vous ne pouvez pas fendre la foule qui se trouve devant les black blocs".  

    https://www.francetvinfo.fr/decouverte/1er-mai/manifestations-du-1er-mai-les-questions-que-souleve-l-intervention-de-la-police-lors-des-violences-a-paris_2733151.html .

     

    Si les CRS sont des professionnels de la répression de la violence. Lorsqu’il ne l’exerce pas eux-même bien au delà de la sécurité recherchée, auprès de gens non violents, ils doivent certainement savoir parfaitement repérer, par des indicateurs  infiltrés en civils dans le cortège, ceux qui s’apprêtent à se transformer en casseurs (car il faut tout un équipement encombrant pour se faire "casseur"). Or, pendant les trois bons quart d'heure où je suis resté dans le secteur, afin de me tenir assez près des mes affaires que je souhaitais récupérer, les CRS ont laissé entièrement libres les casseurs de tout faire.

    Alors qu’ils auraient pu se faufiler au besoin en s’excusant auprès des gens normaux et non violents, pour atteindre le véritable terrain d’opération de leur mission.

    Mais ils n’en ont rien fait. C’était particulièrement comique, lorsqu’ils remontaient le boulevard qui remonte vers la porte d’Italie en repoussant des gens parfaitement pacifiques comme moi et des centaines d’autres, alors qu’il n’y a avait plus aucune raison de le faire et alors que les casseurs n’avaient pas le moins du monde été capturés.

     

    J’en ai eu la preuve pour une raison simple : j’avais besoin de retourner extactement au lieu où avait commencé le coup monté des casseurs, puisque c’était là que se trouvait mon vélo, ma banderole et mes affiches.  J’ai donc pu finalement m’approcher de l’entrée du Jardin des Plantes où mon vélo se trouvait antivolé sur une barrière. J’ai expliqué à un CRS ma situation et il a accepté de m’accompagner, virilement mais efficacement, vers ses collègues qui encerclaient et tenaient sous surveillance, assis par terre, une centaine de jeunes braillards qui avaient acclamé les casseurs ; je les reconnaissais à leur tenue un peu tirant sur le brun et leur âge. Ceux-là maintenant n’étaient plus très fiers. Mais de vrais casseurs, que nenni !!... Les vrais sont loin, prêts à recommencer, apparemment sans être inquiétés.

     

    J’ai pu reprendre mon vélo, ma banderole, toute salie par les échaufourées, et le kiosque où j’avais affiché mes images, le voici,… fracassé !!

     

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    Le kiosque saccagé à côté du MacDo lui aussi détruit. 

     

    Mais, n’en déplaise à cette passante qui disait à ses filles lorsque les violents étaient au « travail », « vous voyez les filles, c’est ça une manif ! », et contrairement à l’image qui restera sur le devant des écrans, entretenue par les médias, ce n’est pas ça, une manif, celle des gens !! Non !... 

     

     

     

     


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