• La honte

    La honte

    Flou. Joël Auxenfans. Projet d'affiche, janvier 2014.   

     

     

     

    Être à ce point dans le déni des renoncements et mensonges opérés continument depuis l'obtention du pouvoir, que l'on soit militant ou élu socialiste, est une honte. Ce flou scandaleux, entretenu dans l'écart  entre les promesses et les actes, comme pour les Zones d'Éducation Prioritaires, où les enseignants ZEP du 92 apprennent le jour des promesses de Hollande et Peillon de les revaloriser, une baisse drastique des dotations horaires globales (DHG) par établissement ZEP pour 2014, est profondément immonde. Il faut mépriser les humains à un point incroyable pour jouer à ce point du non sens des mots, des tactiques les plus perfides, du passage en force le plus indifférent.

    C'est ce à quoi nous avons à faire face aujourd'hui. Ce monstre d'avidité au pouvoir, servile envers les puissances d'argent à un point inouï, doit être abattu.

    j'en veux pour preuve les deux extraits qui suivent, concernant le monde de l'art d'une part, et le monde de la publicité d'autre part, extraits tous deux de l'excellent ouvrage  La violence des riches, chronique d’une immense casse sociale, Monique Pinçon-Charlot, Michel Pinçon, La découverte 2013 :

     

    « Marc Ladreit de Lacharrière a réalisé de nombreux investissement dans le monde de l’art. Il est membre du conseil artistique des Musées nationaux où il côtoie Michel David-Weill, associé-gérant de la banque Lazard, et Maryvonne Pinault, épouse de François Pinault. Ce conseil participe au choix des œuvres qui seront acquises pour enrichir les collections des musées. Au premier étage du Pavillon Denon, au Louvre, la salle des Manèges a été réaménagée « grâce au mécénat de financière Marc Ladreit de Lacharrière (Fimalac) », comme l’indique un grand panneau gris. Les sculptures de la collections Borghèse sont à leur aise dans un espace qui semblent leur donner vie.

    Les grandes fortunes engagées dans le monde de l’art transfigurent ainsi les profits financiers en immortalité symbolique, cette façon qu’ont les puissants de demeurer présents dans les esprits au-delà de leur existence physique. Marc Ladreit de Lacharrière est ainsi membre de l’Académie des Beaux-arts, au sein de l’Institut de France.

    Cet univers particulier des grandes fortunes est celui des collectionneurs, des mateurs d’art et des amis de l’Opéra. Au second étage du pavillon Sully, toujours au Louvre, on peut prendre la mesure des collections privées à travers trois donations. Celle de Carlos de Beistegui, qui fit don au Louvre, en 1942, d’œuvres du XIXe siècle, notamment de Goya, de David ou d’Ingres. Celle de la princesse Louise de Croÿ, qui compte près de 3800 dessins et peintures. Celle d’Hélène et Victor Lyon, dont des Canaletto et des œuvres de Claude Monet, Edgar Degas, Paul Cézanne et auguste Renoir. Comme l’écrivait Dostoïevski dans l’Idiot, « ce qu’il y a de plus vil et de plus odieux dans l’argent, c’est qu’il confère même des talents », comme celui de collectionner des œuvres dignes de musées nationaux.

    L’art est utilisé par les oligarques, dans leur diversité politique, pour transformer leurs intérêts particuliers en intérêts universels. Les fondations créées par des entreprises sont l’un des outils à leur disposition. Cette alchimie, qui transfigure le vil argent de l’exploitation en mécénat culturel, permet de passer de la domination de classe au pouvoir symbolique. Les inégalités ne peuvent durer qu’en raison de leur acceptation tacite par le plus grand nombre, devant tant de bonté désintéressée. La multitude est ainsi complice, à son insu, de l’accumulation des richesses de toute nature par quelques-uns.

    Ce n’est donc pas un hasard si les œuvres d’art ne sont toujours pas comprises dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune. Or le marché de l’art offre des opportunités de plus-values qui peuvent être considérables mais qui restent détaxées. Les taxer, ce serait rapporter le patrimoine artistique au prosaïsme de la valeur marchande. Ce qui serait désenchanteur pour un bien sans prix qui, si l’on doit lui en donner un, risque de perdre sa vertu magique de pouvoir contribuer à légitimer la richesse économique, même la plus spéculative. » 

    p.167

     

    « Maurice Lévy est l’un des patrons français les mieux payé. Le montant brut de ses rémunérations pour 2012, comprenant des rémunérations variables exceptionnelles, a été de 20 531 969 euros. Jérôme Cahuzac, alors ministre du budget, a déclaré sur la chaine Public Sénat que «  l’inégalité dans la répartition de la richesse, quand elle est à ce point, est un désordre et ce désordre, il faut y mettre fin ». Aujourd’hui l’agence Publicis est chargée de … la communication ministérielle du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Deux anciens de Publicis, Jérôme Batout et Camille Putois, sont à la tête du pôle « stratégie – médias » à Matignon. Aujourd’hui âgé de trente-trois ans, Jérôme Batout, après des études à sciences Po et à la London School of economics, a débuté en 2003 comme analyste en fusions-acquisitions au Crédit suisse. Une des plumes de François Hollande, Paul Bernard, est l’ancien directeur de cabinet de Maurice Lévy. Publicis Consultantspeut ainsi conseiller et défendre des politiciens se réclamant des valeurs de gauche après avoir fait ce travail pour le précédent gouvernement, celui de François Fillon, Premier ministre de Nicolas Sarkozy pendant son quinquennat. Les réseaux de l’oligarchie de droite et ceux de l’oligarchie de gauche sont perméables. Les divergences politiques deviennent mineures lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts majeurs du système capitaliste. Aussi, les politiques se vendent comme des savonnettes, leur « image » tenant lieu de ligne politique.

    Les idées ne sont plus nécessaires puisque l’idéologie néolibérale règne à l’échelle de la planète. Les élus des assemblées parlementaires sont, pour la plupart, coupés des catégories populaires qui ne sont plus représentées par des députés ou des sénateurs qui en seraient issus. Les alternances n’interdisent pas que les intérêts des financiers et des hommes d’affaires continuent d’être gérés. Maurice Lévy était donc bien placé pour vider de son contenu la promesse de François Hollande de taxer à 75% la part de revenus supérieurs à 1 million d’euros.

    C’est l’un des pires dangers d’une situation qui, en France, a dégagé à droite ainsi que dans une certaine gauche institutionnelle des personnalités susceptibles d’accéder aux plus hautes responsabilités pour prendre les mesures les plus favorables au capitalisme financier. Stéphane Fouks, devenu célèbre pour les conseils prodigués à Dominique Strauss-Kahn, avec son agence EuroRSCG, a assuré la communication de Jérôme Cahuzac lorsqu’il était ministre du Budget. Cette agence a été rebaptisée « Havas World-wide », et Stéphane Fouks la préside maintenant avec … Vincent Bolloré. Stéphane Fouks est également un ami de longue date de Manuel Valls, qu’il a rencontré en 1980 sur les banc de la faculté de Tolbiac, de même qu’alain Bauer. Celui-ci, consultant et ancien conseiller pour la sécurité de Nicolas Sarkozy, ne rechigne pas à mettre ses talents au service de ses vieux amis.

    La notion de conflit d’intérêts est consubstantielle à cette classe oligarchique qui siège au sommet de la société. Ses membres oeuvrent à leur défense, s’appuyant sur un droit élaboré pour et par les dominants et sur leur habileté à manipuler la communication. Un brouillard idéologique conçu et pensé pour paralyser toute velléité de changement s’est installé. La publicité et ses stratégies de marketing envahissent toutes les dimensions de la domination et conduisent les pays soi-disant « démocratiques » à des totalitarismes qui ne disent pas leur nom. »

    p. 150

     

    Ces deux extraits, en souvenir de la conférence réussie au musée des Art Décoratifs de Paris de jeudi 23 janvier, nous éclairent pour ne plus nous laisser prendre au jeu de rôle d'une caste politicienne complètement au service de la caste financière: il était annoncé dernièrement que 85 personnes possèdent actuellement plus que 3,5 milliards d'individus. Ce n'est pas le pouvoir actuellement en place qui voudra le moins du monde y changer quelque chose. on espère seulement que cette leçon-là sera définitivement apprise.

     

     

     

     


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