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    Des formes politiques

    En reconnaissant que toute forme d’organisation du social a des répercussions sur le type de résultat qui en découle dans une évolution dynamique, on admettra que les formes que prennent nos actions sont alors presque toutes politiques. Cela rend infinitésimal le seuil à partir duquel un choix individuel ou collectif peut influer sur le cours des choses. L’art étant pris dans ce réel social parmi d’autres phénomènes, mais y jouant un rôle singulièrement stimulant, il serait vain de croire l’extraire de son impact induit, en prétendant le placer dans une niche.

    Sous le titre générique « Des formes politiques », les projets de l’artiste Joël Auxenfans expérimentent ce par quoi assumer qu’ils entrent bien en regard d’une société maintenant. Ce peut être un projet de reboisement qui mêle art et discussion avec d’autres sur ce que devrait être une forêt; ou bien mettre en lumière une exposition par l’action du public sur des machines de fitness comme réflexion sur l’économie mondiale du regard (Le gymnase). Ce peuvent être des portraits peints de maisons à vendre dans le paysage marchandise qui conjuguent les rêves sociologiquement connotés à la réalité spatiale et sociale du quotidien (à vendre vendu).

    Avec le projet « 2012, des peintures accompagnent la campagne », l’artiste a voulu explorer la possibilité de peindre certaines des personnalités politiques les plus agissantes selon lui dans l’espace social. Les montrer autrement que par le prisme tellement usagé des médias et renouer avec un regard sur un portrait, tels étaient deux des désirs de « 2012 ». En reproduisant et placardant l’affiche d’un portrait peint de JL Mélenchon en pleine campagne électorale des présidentielles, le projet est venu empiéter par la peinture sur le territoire officiellement accrédité de la politique, suscitant des réactions d’approbation ou de rejet quelque soit le « bord » des spectateurs. Cela fait mesurer, certes de manière purement sensible, l’acuité de l’effet de la peinture dans l’espace public.

    Le dernière version « des formes politiques » distribue au public de la rue deux tracts imprimés recto verso. Figurent sur ces tracts, sans commentaires, les reproductions des combinaisons de portraits de personnalités du « monde » politico-médiatique, celles-là qui « font » la politique en lieu et place de la population. Le public est laissé à lui-même, c’est-à-dire à sa responsabilité de jugement personnel, en face d’une œuvre  d’art comme en face d’un rappel à son travail de citoyen : le public se voit simultanément convoqué à la critique d’art et à la réflexion politique. Une version regroupant les images en affiches donne une « récapitulation » de l’expérience.

    Le projet décline la possibilité qu’une œuvre d’art soit en définitive plus vue en son état de reproduction, et ainsi plus connue, que par sa présence physique immédiate. La collaboration avec d’autres, ici en l’occurrence des militants bénévoles du parti communiste français et du Front de Gauche, intéressés par un renouvellement du rapport de la politique à l’art et réciproquement, produit une nouvelle exploration de la relation à la fois subtile et abrupte de l’image avec la société qui, la regardant,…se regarde.


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