• Clinquant ou épanouissement

     

     

    Il est consternant de voir que la plupart des pseudo citoyens d’aujourd’hui n’envisage le fait de parler constructivement de politique que comme une hérésie, un manque de politesse élémentaire, voire une obscénité. Le degré d’inculture de mes concitoyens en matière politique est affligeant, au point de ressembler à une lâcheté intellectuelle et humaine intolérable.

    Prenons ce premier lien : https://www.evernote.com/shard/s15/sh/5748774c-be9a-4972-a51d-fd1839334cb7/b733653387b2095d78842c32ddfa7d8a . Comment peut-on faire croire que les questions soulevées par cet article excellent sont accessoires, qu’elles n’ont aucune incidence sur notre vie quotidienne, sur l’évolution de la misère, sur l’explosion des injustices et des inégalités, et bien sûr sur le contenu même de l’art aujourd’hui ? Avec quelle perversité peut-on s’aveugler au point de refuser que soient abordés ces problèmes sur la place publique, entre amis, voisins, collègues. Alors avec qui faudra-t-il désormais parler de ces sujets pour avoir droit de cité ? De même cet autre lien : http://www.franceinfo.fr/monde/ecoutes-americaines-veritable-conflit-entre-amis-bernard-carayon-1184597-2013-10-21#comment-352051

    Le cas fréquemment rencontré de personnes affectant de « parler politique », consiste par exemple, à dénigrer les services publics de crèche au prétexte « qu’ils mettraient au chômage les personnes qui travaillent comme nounou privée ». Jamais la personne n’envisagera par exemple qu’une nounou si elle était formée, recrutée, et titularisée et avec un salaire revu à la hausse aurait de bien meilleures conditions statutaire et de  travail. Autre cas : une autre personne du même type, devant ma réticence à acheter systématiquement les derniers Smartphones au nom d’un refus du consumérisme et de l’esclavagisme dans lequel sont maintenus les ouvriers qui fabriquent ces gadgets, s’inquiétera de ce que « si tout le monde faisait comme vous (moi), les pauvres ouvriers chinois ou autres seraient au chômage » (Sic). À aucun moment, la personne n’envisage la réalité d’une responsabilité environnementale et sociale vis à vis d’autres personnes. Au prétexte qu’il ne faudrait pas mettre au chômage les fabricants de bombes à fragmentation ou de semences toxiques de Monsanto, il faudrait ne s’opposer en rien au déferlement des OGM dans l’agriculture mondiale avec toutes les conséquences sociétales et environnementales, ou au commerce mondial des armes de destruction massive de civils, au nom de la défense de l’emploi (dont la personne en l’occurrence se moque éperdument, on s’en doutera).

    La politique, pour ces rares personnes qui s’approchent d’un débat d’un œil narquois, n’est qu’un jeu, un divertissement cynique, dans lequel on s’évertue à jouer de paradoxe pour que, par dessus tout, la conversation ne débouche que sur une impossibilité de remise en cause de quoi que ce soit. Il y a là un mauvais usage de l’intelligence qui est attristant, et typique de qui croit n’avoir pas vraiment, pour son compte personnel, besoin de changement. Il "pense" en baillant dirait-on, il se distrait ; il s’en moque et ainsi se complaît à passer le temps à culpabiliser ou ridiculiser les porteurs d’une remise en cause du système. Cette question déjà abordée dans l’article « Auxiliaires avoir, auxiliaires être » (voir ci dessous), prend une prépondérance obstructive pour  entamer une vraie discussion avec ceux qui en auraient vraiment besoin. Tant de gens auraient en effet le plus urgent besoin de se mettre à prendre le temps de discuter politique, de se documenter, de se forger une culture construite sur les principaux sujets actuels qu’ils soient financiers, environnementaux, géopolitiques ou sociaux… À l’opposé de cette immense majorité, les militants – archi minoritaires –  s'épuisent en actes de présence à tel ou tel rassemblement, réunion, ou débat, oblitérant pour beaucoup d’entre eux malheureusement, une diversité de sources de réflexion qui pèse en retour sur la qualité, me semble-t-il, de la production et de l’invention politiques.

    Voilà pourquoi l’art, au lieu de cette mascarade spéculative orchestrée au plus haut niveau de valorisation institutionnelle (voir article Médiapart en lien ci dessus), devrait devenir une forme de pensée politique multiplicatrice dans la population. Il est frappant de constater par exemple que les textes des tracts ou affiches des organisations politiques alternatives pèchent par schématisme appauvrissant et totalement répulsif pour la masse du public non familiarisé – une véritable absence de langue, comme si les militants ne savaient plus écrire. Or un slogan perd 80 à 90 % de son efficacité et de son impact simplement parce que sans distance inventive, le jargon employé est inintelligible ou inaudible pour les gens ordinaires qui ne sont pas spécialisé en politique.

    Si l’on se réfère à des auteurs qui, sans être des militants révolutionnaires (justement), n’en étaient pas moins profondément ulcérés par le spectacle de la société bourgeoise, on peut trouver dans ce talent magnifique la preuve que la manière de dire les choses, sans basculer pour autant dans la niaiserie marketing, peut supérieurement percuter l’intelligence collective. L’exemple du Dictionnaire des idées reçues de Gustave Flaubert, sans évidemment être transposable tel quel, présente une vraie puissance critique et suggestive, que n’a presque jamais un texte d’affiche contestataire classique, alors que le but visé – persuader le lecteur – est le même. Il en ressort une pauvreté qui n'incite personne à se rassembler autour de telles formulations.

    Une chose similaire existe pour les images : comment une image pauvre, sans esprit, au premier degré, peut-elle apporter de la ressource réflexive au spectateur, de la puissance imaginative, de l’humour, si tout dans l’image se ramène à l’indigence ? Quel monde « nouveau » prétend-on ouvrir par là si l’image, exploitée de la pire manière, sans liberté de ton, n’existe pas ? L’image devrait, spécialement chez les porteurs de messages libérateurs, exister dans sa liberté d’expression, dans sa richesse – mot qui ne veut pas dire ici clinquant mais plein épanouissement. Alors on sera crédible !


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