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Comparaison
Joël Auxenfans. Peintures affiches Mélenchon 1 (2011) et Mélenchon 2 (2016).
Au moment d’éditer la deuxième affiche Mélenchon, il est intéressant de comparer les deux images.
La première partait d’une base de photo presque noir et blanc en renversant complètement la balance couleur, lui ajoutant dans le fond un bleu cobalt comme les céramiques de Della Robia, un violet dans le nœud de cravate et un imperméable « vert amande » qui avait beaucoup contrarié les inquiets d’un culte de la personnalité stalinien et militaire. C’était difficile de leur faire comprendre que pour moi il s’agissait de couleurs, juste de couleurs. Dans cette première affiche, le format est plus allongé en hauteur, plus austère dans l’expression du visage, le regard un peu inquiet tout en étant confiant, un équilibre assez juste pour représenter, plus que l’homme politique lui-même, l’idée de la clairvoyance et de la prudence politiques.
La deuxième affiche est issue de la couverture du livre de Jean-Luc Mélenchon, « L’ère du peuple ». Ainsi je cours encore moins le risque d’être à côté du contexte. Seulement le teint pâle et la chemise blanche de la couverture du livre sont, dans l’affiche, distordus en passages couleurs se fondant les uns dans les autres, du rouge vif au vert chaud pour le fond, et du jaune au bleu clair pour la chemise. Ces passages donnent clairement un aspect chaleureux et optimiste, comme si c’était là l’image d’un candidat « gagnant ».
Disons que la première affiche représente un personnage de la résistance, une sorte de Jean Moulin d’aujourd’hui, tandis que la deuxième montre une personne rajeunie, presque éternellement jeune, confiante, et apparaissant dans un charisme émanant d’un chromatisme de « printemps politique ».
Il m’a déjà été demandé pour la première affiche si je prenais parti « pour » Mélenchon. Je crois que cela est évident. Mais je voudrais dire que je prends parti ici surtout pour la peinture. Je suis peut-être un soutien de Mélenchon, mais je suis encore plus « fan » de ma peinture…
La deuxième affiche prend le parti d’être encore davantage dans cette idée de supporter, au premier et second degré. En effet, je pense qu’on peut percevoir que le stratagème visuel pour valoriser le personnage est assumé et explicité, comme un moyen de rendre le spectateur à la fois complice et conscient du jeu sémantique auquel il se prête volontairement on non. C’est pourquoi, entre distance et fascination, cette affiche propose ce que Bernard Stiegler appelle un pharmakon (http://pharmakon.fr/wordpress/), quelque chose qui peut-être à la fois le poison et l’antidote contre le poison, ce que l’on voit dans le cinéma ou l’art, lorsqu’ils ne sont pas pure séduction ou captation du spectateur.
Est-ce cela, la politique que j’appelle de mes vœux par les moyens de la peinture: pas de fascination, pas d’illusion, mais un éclairement actif et lucide, présentant à la fois le charme et la vigilance à son égard ? Autant dire que parler de ces affiches en termes de « culte de la personnalité » me semble un contresens. D’autant que l’allusion au culte de la personnalité y est faite avec une possibilité, pour le spectateur, de ne pas « tomber dans le panneau », c'est-à-dire, de se rendre compte de ce mécanisme de séduction comme d'une possibilité qui se dévoile à lui en tant que code et non plus en tant que mode opératoire s'effectuant à son insu. Voilà surtout en quoi je qualifie ce travail de politique.
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Commentaires
la couleur dans la peinture est essentielle, car elle est souvent la première émotion que l'on ressent, et donc, c'était logique que c'est l'imper vert kaki qui nous avait interpelé dans la 1ere version. La deuxième est plus "impressionniste" et plus personnelle, on s'attache donc plus à l’œuvre elle-même qu'au sujet - ici le portrait de Mélenchon - l’œil se promène sur tout le tableau. Et, à propos "d’œil", je remarque que la couleur des yeux à changé > interprétation ou réalité ?
Pour revenir à la couleur, elle est d'autant plus essentielle en peinture, où personne ne va s'amuser à "changer" les couleurs. D'où la grande différence avec l'art appliqué, tel que le textile, la porcelaine, etc..., où une maquette est créé dans une coloration "x", mais où le diffuseur peut changer cette harmonie à son goût en production. Il n'en reste pas moins que l'impacte coloristique influence beaucoup le choix de l'acquéreur d'une maquette, alors que dans ce cas précis, le graphisme est plus important.