• De la politique considérée comme un corps étranger

     

     

     

    Platon a écrit La république puis Le politique, puis encore Les lois, Aristote l’Éthique de Nicomaque, Machiavel Le Prince, Kant Projet pour une paix perpétuelle, …

    Des centaines de textes philosophiques déterminants abordent le thème de la politique. Il s’agit donc là non d’un sujet de discussion périphérique comme l’entrainement de fitness ou la culture des géraniums mais un des thèmes les plus centraux de la vie humaine.

    Or que voyons-nous dans les conversations majoritaires de nos concitoyens ? L’absence de la politique, ou plutôt, la politique délibérément absentée. À la place, une infinité de sujets sans enjeu, permettant tout au plus de passer l’ « épreuve » quotidienne de conversations sans conséquences.

    J’en veux pour preuve une réunion publique du parti socialiste du candidat local de ma ville, à propos de la petite enfance et de l’école. Au milieu de 45 personnes acquises par avance à la candidature du dit candidat, les énoncés de présentation puis les réponses aux questions posées ont presque totalement réussi à éviter de parler politique, au prétexte qu’ « il s’agissait-là d’une élection strictement locale » (sic).

    Or une question n’a pas été posée et la voici : la personne qui se porte ici candidate à l’échelon local, a par ailleurs été impliquée activement pour soutenir la candidature d’un président qui a été élu en 2012, puis d’une députée elle aussi élue dans la foulée, et dont précisément ce candidat local est le suppléant. Donc on veut nous faire croire que le candidat local présent à cette réunion publique « locale » n’aurait absolument aucun lien avec la politique nationale ou européenne de son parti et à ce titre n’aurait aucun compte à rendre après deux ans de gestion des affaires du pays exclusivement par son parti ?

    Les gens présents ce soir-là sont du même avis, ils murmurent avec réprobation lorsque ma question évoque les engagements non tenus du président et, à la suite, de la députée de circonscription, les scandales des renoncements en chaîne. Ils pensent qu’en effet ce n’est pas le moment ni le lieu d’aborder ces sujets. Nous sommes ici, clament-ils sans le dire, pour célébrer la possible victoire électorale du candidat local, laissez-nous rêver que nous avons là aussi le pouvoir.

    « Là aussi », dites-vous, mais justement ! Vous l’avez ce pouvoir, depuis deux ans ! Et dans les grandes longueurs ! Ne s’agit-il pas là précisément d’un pouvoir politique !?

    Un pouvoir dont justement, il faudrait parler, tel que par exemple le maintien du présidentialisme de la 5ème république jamais plus remis en question au parti socialiste, ou bien des accords syndicaux entièrement à la solde du MEDEF, ou encore l’atlantisme inouï de la politique extérieure de la France sous le gouvernement Hollande, ou les attaques incroyables contre l’ensemble des services publics, ou bien les traitements exponentiellement scandaleux des Roms et des Sans papiers, la non amnistie des syndicalistes et citoyens poursuivis pour leurs luttes pour préserver l’emploi et l’outil de travail contre des patrons voyous ou pour aider des sans papiers dans leurs démarches, la protection des milliardaires et multinationales exilés et fraudeurs fiscaux à grande échelle, les efforts appuyés du ministre socialiste de l’économie pour vider de son contenu la taxe Tobin prévue à l’échelon européen en la faisant passer de 0,1 % à 0,01 %, le CICE de 20 milliards donné sans contrepartie ni contrôle aux plus fortunés, de même que l’abandon de la tranche à 75% pour l’impôt sur les grandes fortunes, la "disparition" de la réforme de la  fiscalité, la hausse de la TVA cet impôt le plus injuste deux ans après l’avoir combattue, les 30 milliards du logement social (livret A) donnés furtivement aux banquiers en plein mois de juillet 2013 à l’invitation du Président lui-même dans ses bureaux de l’Élysée, les 30 autres milliards des cotisations familiales reportés sur les citoyens ordinaires pour augmenter les profits des plus hauts revenus déjà en augmentation de 25% en 2012 ; …

    La liste n’est pas facile à arrêter, tellement les trahisons politiques se sont multipliées à jet continu depuis deux ans. Et de cela, il ne faudrait pas parler lorsqu’on réunit des citoyens sous le sigle du parti socialiste ?

    Voilà, je crois la nouvelle forme de totalitarisme à laquelle s’emploie une certaine catégorie de personnes sociales démocrates. Ces gens ne s’obsèdent que d’une chose : prendre le pouvoir pour qu’il ne se passe rien, pour que ce système de domination économique et politique appelé « Capitalisme » continue le plus longtemps possible, inchangeable, indépassable, incritiquable …

    Le parti socialiste est aujourd’hui l’archétype de l’organisation de la mise en quarantaine de la politique, véritable entreprise prophylactique stérilisant la population de toute possibilité de s’emparer des questions qui la concerne. À grande échelle.

    Voilà pourquoi tant que cette forme de pensée continuera à être considérée, par automatisme conformiste et absence de capacité à inventer, comme un recours électoral systématique pour se donner l’impression illusoire d’être un citoyen, la situation ne pourra pas changer. Il faut donc enfin que l’Histoire prenne un vrai tournant, celui faisant apparaître un parti socialiste au plus faible niveau possible électoralement et au plus bas dans l'estime auprès de la population avec pour corrélat la montée de toutes les autres formes d’organisations de l’invention d’un nouveau monde et de la contestation des oligarchies du monde actuel.

    Il faut que cesse ce mécanisme consistant à croire que les « socialistes » sont de gauche lorsqu’ils ne le sont pas depuis très longtemps. Il faut que cesse l’illusionnisme politique entretenu depuis des lustres par ces gens qui ne veulent pas autre chose que faire croire à un « changement maintenant », sans que surtout ce changement soit réellement entrepris. Il faut ouvrir les yeux, démasquer les menteurs. Et agir.

     

     

     

     


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