• Fonds et fond

    « La sagesse, c’est d’avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit. » Oscar Wilde (cité par Christian Cauvin dans son livre Le capitalisme ne joue pas au dés, comprendre le capitalisme financier pour en sortir, éditions Le bord de l’eau 2012)

     

    Dans l’affairement auquel est appelé à jouer sa partie un artiste, la question du résultat est à poser. Pour quel résultat final l’art fait-il sens ? Est-ce qu’appartenir à un célèbre  collectionneur ou à un fonds privé est la finalité d’une œuvre ? Le retrait de l’engagement financier de l’État dans tous les domaines et en particulier culturel (- 4% cette année 2013), entrepris par les libéraux de gauche comme de droite depuis des décennies, explique la progression de la part privée des moyens financiers en circulation dans le monde de l’art. Est-ce un moindre mal pour un artiste de bénéficier d’un fonds privé plutôt qu’un fonds public, c’est là en principe une question qui ne se pose pas, parce qu’on ne crache pas dans la soupe, encore moins lorsqu’elle est entourée d’une auréole de prestige qui augmente d’autant la valorisation d’un travail artistique.

     Toutefois les affaires de blanchiment ou de réseaux de corruption qui éclatent ici et là devraient attirer l’attention réputée perspicace des artistes et du monde de l’art dans la diversité de ses intervenants. Ainsi, que penser de la citation insistante qui est faite de la banque privée HSBC dans des soupçons de blanchiment et de corruption (voir capture d’écran d’un article de Médiapart d’hier), lorsque cette même banque est partie prenante via des fondations ou des soutiens divers, de la vie culturelle (autre captures d’écran  montrant le logo d’HSBC dans des pages Internet de centres d’arts reconnus) ? 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Que dire en particulier des artistes ou des directeurs d’institutions qui offrent ainsi une collaboration, une vitrine de valorisation publicitaire, avec le prestige de l’art contemporain, à une institution bancaire prise sur le fait sur des dissimulations de fichiers de fraudeurs fiscaux, moyennant soutien financier compensant le recul spectaculaire des budgets d’État à la culture ?

    Autrement dit, comment les visuels ci dessus peuvent-ils coexister sans susciter le trouble ?

    Cela éclaire la notion de « fondation » sous un jour préoccupant : les fonds collectés servent-ils à compenser les reculs de l’État réclamés à grands cris par les très grandes entreprises (mais qui acceptent, comme les banques, d’être largement soutenues par les fonds publics lorsque le besoin s’en fait sentir comme lors des « subprimes »), ou bien servent-ils à placer de manière plus rentable en terme de capital symbolique (l’ « art », ou la « culture ») l’argent même qui est habilement soustrait à l’impôt. Il y a une hypothèse plus grave : en payant moins que si elles payaient leurs impôts, les très grandes entreprises profitent du capital symbolique que leur offrent en échange des institutions publiques, et tirent donc un double bénéfice. Le bénéfice est triple, si en outre ces très grandes entreprises contribuent ainsi à cibler la valorisation critique et marchande sur des œuvres d’artistes qu’elles ont acquises dans leurs collections. Les liens étroits qui existent au plus haut niveau entre les collections privées et les organisations de grands évènements culturels finit de parachever une opération mutuellement avantageuse entre les acteurs décisionnaires des « lignes éditoriales » de l’art contemporain.

    Dans ce contexte, la citation d’Oscar Wilde « La sagesse, c’est d’avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit. » (cité par Christian Cauvin dans son livre Le capitalisme ne joue pas au dés, comprendre le capitalisme financier pour en sortir, éditions Le bord de l’eau 2012), encourage les coureurs de fond que sont les artistes, à ne pas se focaliser sur la course aux fonds (financiers et de reconnaissance), pour leur préférer le statut de citoyen ordinaire, cherchant à inscrire dans la réalité des contraintes sociales (comment vivre, de quoi vivre ? ), un accomplissement progressif et laborieux d’une pensée fondée de la pertinence artistique et, donc, politique…

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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