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Le communisme, vintage et futuriste
Joël Auxenfans. Affiche en deux couleurs. 2015.
Depuis fort longtemps, une idée traine au fond des soucis des gens ordinaires. Passer sa vie à la perdre en tentant, en vain, de la gagner est devenu au cours des âges une évidence qui justifiait de se battre pour un avenir meilleur et un présent en progrès.
Cette impression confuse et pourtant évidente m'a été inculquée depuis ma tendre enfance. Il ne m'a jamais semblé que le monde des humains pourrait aller autrement que vers un "meilleur des mondes", mais pas celui d'Huxley, plutôt celui que les gens se seraient fait en tentant sans cesse de mieux vivre leurs relations aux autres et au monde, en en parlant, en se disputant au besoin mais en visant aussi la réconciliation, l'entente, en vue du bien commun.
Cette évidence, je l'avoue, s'est considérablement trouvée érodée depuis vingt cinq-trente ans. Voyons, c'était quand, il y a vingt cinq-trente ans ? C'est apparemment le milieu des années quatre vingt, lorsqu'une fois au pouvoir, élus par une volonté populaire, les socialistes, dont déjà leur secrétaire général, avant d'être président de la république, avait bien discrètement été signer avec l'internationale socialiste de l'époque en 1978 un accord qui protégeait les intérêts des grandes firmes multinationales, les socialistes dis-je, ont trahit une fois encore leurs engagements.
Cela nous valut une incroyable épopée de renoncements (déjà !), de retour d'une politique de plus en plus libérale, entrainant des fermetures de filières industrielles entières, des privatisations, des reculs dans les statuts des salariés et de la fonction publique. Phénomène qui, de cohabitations en alternance, est allé crescendo, jusqu'à la fameuse - historique ! - prouesse de trahison du gouvernement et de l'assemblée socialiste élue avec François Hollande. La loi Macron n'est ici qu'une ultime étape - avant d'autres ! - de cette incroyable capacité d'un parti politique à se renier des pieds à la tête.
Je parle de pieds, car lorsque que vous envisagez les candidats socialistes actuellement en lice pour les prochaines élections départementales, il faut tout de même une sacrée dose de mauvaise foi pour se présenter comme candidat de "la gauche" après toutes ces pluies de lois scandaleusement vouées aux intérêts de la haute finance, et sacrément d'aveuglement chez les électeurs pour encore voter pour ce genre d'arrivisme, qui ne vise apparemment qu'à poser des jalons de fidélité aux yeux des grands chefs en place, envers et contre toutes les évidences, pour espérer, un jour favorable, inopinément, être appelé à rendre des services, à l'étage hiérarchique au dessus. Et ainsi de suite...
Ainsi, il semblait ce matin se produire comme un coup de tonnerre dans le paysage médiatique lorsque de simples jeunes communistes réunis dans leur fédération, reçurent la visite de la première fortune de France en personne, venue se plaindre d'une affiche le compromettant directement aux yeux de l'opinion publique. Le problème étant que les faits figurant sur l'affiche étant exacts, ce monsieur ne pourra pas attaquer en justice. Et en l'occurence, ce que ces hôtes momentanés lui ont répondu de très censé qui sut parler à l'opinion, à savoir que ce n'était pas lui qui créait des emplois, mais qu'il les détruisait, en exploitant des personnes, et qu'en même temps il empochait les centaines de millions d'aides que le gouvernement Hollande lui allouait généreusement au titre du CICE créé sur mesure à la demande du MEDEF pour ses nantis de parasites financiers.
Comme me l'envoyait une amie, « Je vous demande maintenant si elle est bien juste, la loi qui ordonne à celui qui n'a rien de respecter celui qui a tout. » (Marquis de Sade; Extrait de La philosophie dans le boudoir). Je vous le demande en effet, pourquoi ces jeunes ne devraient-ils pas, et nous tous avec eux, demander des comptes à ce genre de "Monsieur" que ce monde nous inculque insidieusement depuis l'enfance à regarder avec la plus absolvante soumission. Et c'est ainsi qu'avec une seule affiche, par ailleurs esthétiquement contestable, peu séduisante, ces gens sans média à leur botte, ont réussi à emporter une audience nationale, la plus large et dirais-je la plus partagée. Et pour une fois ce n'était plus le FN qui dominait le débat, par ses mensonges et sa démagogie violente, mais les (petits) jeunes communistes du nord qui savaient répondre au grand patron arrogant, avec les meilleurs arguments du monde, ceux de la justice sociale, de l'égalité.
Aussi, même une affiche laide aura su par un heureux sens du contenu, convoquer la nation à sa propre conscience de classe et se rendre compte que, en effet, comme cela a été mainte fois dit ailleurs, les 99,9% des gens ont peu ou prou les mêmes intérêts : vivre et élever dignement les enfants en leur donnant un avenir dans un monde viable, prometteur de bonheur. Et que le 0, 01 % restant est opposé, de part ses intérêts privés, à cet intérêt commun à toute la collectivité.
Tout est dit.
Regardons ces jeunes communistes tels qu'ils se sont surpris en photo avec leur téléphone : ils sont simples, visiblement pacifiques, intelligents, décontractés, humbles et sûrs d'eux-mêmes en même temps, avec peut-être des défauts, mais plutôt de franches qualités d'humanité, de solidarité, de conscience et de combativité politiques. Or n'est-ce pas là ce que l'on attend en principe de jeunes citoyens : être attentif à l'actualité, se documenter, se cultiver, et inventer ensemble et individuellement des formes de vie qui trouvent leur félicité.
Ne devrait-on pas se tourner avec un peu plus de considérations vers ces jeunes et leurs ainés qui pensent qu'un monde meilleur est plus que jamais possible ? N'est-ce pas un signe d'espoir mobilisateur d'énergies positives, généreuses ?
Si la faucille et le marteau ont acquis, avec l’Histoire, une dimension presque passéiste, à laquelle tiennent encore des militants de la vielle garde (ou de l’arrière garde), cet assemblage à la fois simple et complexe, à la manière de cette selle et ce guidon que Picasso assembla résolument pour signifier un taureau, peut signifier beaucoup pour qui veut continuer à lire dans les formes de vie.
Ainsi ces paysans courageux qui s’engagent à produire en agro écologie sur des terroirs qu’ils façonnent, et vendent leur production saine et goûteuse, respectueuse, en circuits courts ou coopératifs, ne sont-ils pas, au sens fort, communistes ?
Et ces citoyens qui, avec opiniâtreté, dans ce désert industriel que les rentiers et leurs valets politiciens nous laissent, recherchent les producteurs artisans ou industriels qui fabriquent entièrement localement, des produits utiles, bien faits, robustes, inventifs, amenant avec eux richesse, travail, savoir-faire, qualification, fierté, cotisations sociales et vie locale, ne sont-ils pas des « communistes » ?
C’est pourquoi un tel signe peut, en l’interprétant avec un certain sens de la distance, devenir porteur d’une signification futuriste qu’il ne se savait plus porter.
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