• Le jardin est politique

     

     

    D'après cette idée ambiante selon laquelle le jardin serait au moins lui, un havre de paix par lequel échapper à la violence des conflits sociaux, on en viendrait à croire qu'il ne serait pas concerné par la politique.

    Or il suffit de se trouver dans un parc un jour de beau temps, alors que des milliers de familles ou de jeunes gens - que l’on soit dimanche ou mercredi - profitent du bonheur de prendre l’air, pour constater que le bonheur existe bien pour tous, quels qu’ils soient. La diversité des origines, des âges et des occupations, fonde ce bonheur de voir les autres vivre et profiter du bon air, avoir sa manière propre d’être heureux en famille ou entre amis. C’est une preuve absolue que  le partage des joies est possible et que les discours ségrégationnistes ou incitant à la haine sont criminels. Oui tous ces gens de toutes provenances n’aspirent qu’à vivre bien ensemble! Le jardin délivre bien un message révolutionnaire !

    Après le jardin, voilà l’artiste révolutionnaire : Keith Haring (1958-1990) eut un engagement politique au sein de son travail artistique, engagement et travail auxquels le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris et le Cent quatre rendent hommage par une double exposition. Guy Debord voit lui son œuvre présentée à la BNF. Plus tôt dans l’histoire, c’est la Maison de Victor Hugo qui montre l’engagement politique de celui-ci, qui évolua très à gauche (on dirait « populiste » aujourd’hui dans les cercles médiatiquement bien introduits ) en demandant l’amnistie pour les Communards, lui qui déclara à l’Assemblée : « Je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère » (Hugo député, discours du 15 septembre 1848). Qui, aujourd'hui par exemple parmi les gouvernants de « la gauche renégate » en place actuellement, pense vraiment cette idée - idée que l’action gouvernementale, toute empressée qu’elle est au service des puissants (il faut entendre dans les milieux patronaux les louanges à propos de François Hollande !), renie en permanence ?

    Que l’on admire à ce point les artistes pour leur engagement politique une fois que l’époque de manifestation de celui-ci est bien, au plus loin qu’il soit possible, révolue, a de quoi surprendre. Si l’art, actuellement, apporte en revanche sa contribution aux gens du commun qui s’enfoncent, multitude solitaire, dans le désarroi d’une misère organisée par les milliardaires flanqués de leurs lobbyistes, hommes politiques, journalistes, experts et avocats d’affaires, cela « jure ».

    Pourtant la lutte (des classes, celle qu’« ignorait » Cahuzac et pour cause !) est inégale, et demande tout le reste du monde - artistes compris - sur le pont. L’esthétique serait-elle une contribution moyennant gratifications au renforcement du capital symbolique d’une catégorie principale bénéficiaire de la crise et de ses destructions en cascades ? Ou bien une autre voie reste-t-elle à tracer ?

    Le rôle des institutions culturelles ressemble-t-il à celui de ces écoles d’économie dont des postes de recherche et d'enseignement sont financés par les multinationales et banques privées  principales intéressées au maintien de l’économie mondiale dans la logique actuelle ? Dans quelle mesure les expositions keith Haring au Musée d'Art Moderne et au Cent quatre jouent-elles un rôle d'augmentation de la valeur des oeuvres de collections privées, et d'éventuels bénéfices lors de la prochaine FIAC par exemple ? Dit autrement, s’agit-il pour les institutions (publiques), aujourd’hui, d'augmenter le poids des oeuvres pour le marché spéculatif  (privé) et leur coût d'acquisition par les institutions (publiques) auprès de marchands (privés).  Ou bien s'agit-il pour les institutions publiques de proposer de nouvelles valeurs ?

     

     

     

     

     


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