• Mal poli

    Participant à un jury de collège en histoire des arts - épreuve bricolage inventée pour occuper de manière disparate les personnels de l'Éducation Nationale sans leur accorder ni le temps, ni le soutien, ni les moyens - j'ai pu entendre des collégiens parler de "Massacre en Corée" de Picasso. 

    Avec leurs mots timides mais francs, ces gamins sérieux tout à coup, disaient de Picasso qu'il "était un artiste engagé, membre du parti communiste, et que pour cela il avait peint un tableau contre la guerre en Corée conduite par les USA, guerre surtout dirigée contre des civils, femmes et enfants (..); que ce tableau rappelait d'autre œuvres antérieures de peintres comme "Il tres de Mayo" de Goya, etc." 

    Il était surprenant d'entendre ces jeunes esprits répéter studieusement leurs cours ou leurs notes dénichées sur Internet ou dans je ne sais quel livre, et livrer un témoignage neuf de ce que l'engagement politique n'est pas, comme je crois le savoir tous les jours des évitements de mes collègues ou des adultes d'aujourd'hui, "quelque chose de mal élevé", mais au contraire un devoir, un besoin vital, un air vivifiant pour la pensée et la vie de chacun et de tous.  

    Paradoxe aussi d'entendre que "l'art engagé" et "l'artiste engagé" du passé ont droit de cité dans les épreuves officielles comme faisant partie d'un patrimoine à conserver et cultiver, tandis que les tenants et aboutissants de l'idéologie ambiante, et leurs "récepteurs" humains majoritaires, condamnent toute oeuvre d'art engagée actuelle comme l'inévitable reliquat d'un totalitarisme se terrant dans l'ombre.  

    Je trouve un écho à cet étonnement dans l'extrait ci dessous (trouvé dans  Médiapart du 18 mai, par Dominique Cosnil et Joseph Confavreux) de Jean-Christophe Bailly, "vers une utopia povera ?".

     (...) " dans un magnifique chapitre, intitulé Utopia povera, Jean-Christophe Bailly évoque – depuis la chute du communisme – la « suspicion quant à toute pensée du pari », toute « forme d’association humaine différente ». Quelle pourrait être, aujourd’hui, « la quotidienneté de l’utopie », selon la formule de Benjamin ? 

    « On a très envie de répondre de façon totalement pessimiste et sombre. On pourrait dire que nous ne sommes plus capables d’utopie, que nous vivons une époque qui ne se rêve pas, qui, pour partie, se replie. On pourrait dire que ce qui a été nommé, au XXesiècle, “le principe d’espérance” est absolument coulé, réduit à de petits programmes personnels, égoïstes. Mais d’un autre côté, il y a je pense, ici et là, dans des têtes, solitaires, mais aussi dans des groupes de jeunes gens, les germes d’une utopie. Une utopie qui n’est plus théologiste, se projetant vers un avenir radieux, mais fonctionnant de manière beaucoup plus humble, avec les éléments du bord, c’est pourquoi j’emploie le terme d’utopia povera. C’est quelque chose qui circulerait entre des jardins ouvriers, des chantiers sociaux un peu secrets, d’autres façons de travailler... 

    « On peut ainsi entendre des conférences, par exemple Marc Dufumier qui est un agronome formidable, ou Alexandre Chemetoff , et on voit venir la possibilité d’un monde. Bien entendu, ce n’est absolument pas relayé au niveau politique, y compris par les partis politiques les plus offensifs. À l’heure actuelle, c’est le divorce total entre le monde de représentation des politiques et l’effectivité du monde social. 

    « Il y a des réalisations qui se font, mais il est très difficile de coordonner ces îlots. Mais je crois que si l’on faisait un inventaire généralisé des noyaux de pensée, de fabrique, de résistances utopiques, on serait surpris par la quantité de choses qu’on trouverait. On peut y voir des raisons d’espérer, et des raisons de désespérer dans la mesure où je ne vois pas, à l’heure actuelle, de possibilité d’intensification de transformation réelle à partir de cela… ». 

     

     

     


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