• Passif

    Dans le prolongement du billet précédent, la difficulté à parler et à se disputer positivement provient peut-être d'une accumulation : il y a désormais une telle quantité de sujets qui ne nous apportent que mécontentement qu'en aborder un seul suffirait à faire surgir une rage incontrôlable. Ce serait à cause de cela que nous tous citoyens, serions obligés de prudemment différer par politesse nos échanges sur des sujets politiques urgents, historiques, ou prospectifs. La  plaie est trop sensible, même refermée, elle suppure. 

     C’est peut-être là ce qui explique cette absence de débat simple, direct, cette recherche d’équilibre honnête dans la discussion, ce conflit constructif comme l’on ferait pour essayer à plusieurs de rapporter la succession des faits d’un incident, pour éviter qu’il ne se reproduise. Comme la justice le fait en essayant de dire la vérité sur des actes commis. 

     Par exemple, comment dira-t-on plus tard ce qui s’est passé lors du vote de la loi du MEDEF (ANI) à l’Assemblée Nationale. L’UMP s’est abstenu, les écologistes aussi, le Front de gauche a voté contre, le Front national aussi, seuls les radicaux de gauche et les socialistes, à part une abstention, ont voté ce texte. 

     Que devrait-on dire honnêtement de ce moment ? Qu’il constitue un progrès et un jour de fête pour les gens ordinaires, que ceux-ci vont grâce à cette loi trouver plus facilement à garder leur emploi, qu’ils auront plus facilement recours contre des licenciements boursiers, qu’ils seront mieux payés, qu’ils auront moins d’angoisse du lendemain et que la situation économique grâce à ce texte, ira s’améliorant ? Pourra-t-on dire cela ? Que le MEDEF - que Monsieur Cahusac ne considérait pas comme un adversaire puisqu’il n’avait « jamais cru en la lutte des classes (sic) » (débat avec JL Mélenchon) -  que le MEDEF donc,  sera obligé avec ce texte de reconnaître des avancées pour les salariés et de s’y conformer ? 

     Qui pourra dire cela de cette loi ? Sans doute le MEDEF et…. Le Parti Socialiste. Puisqu’ils l’ont rédigée ensemble ! 

     Le problème réside dans la tétanisation intellectuelle des citoyens. Avec tant de problèmes quotidiens à résoudre, les désillusions historiques, un immense fatalisme les accable. Les raisonnements libéraux les ont tellement imprégnés alors même qu’ils en font les frais dans leur vie quotidienne pour se soigner, éduquer leurs enfants, se loger, se nourrir, travailler !... 

     Un tel retard dans les échanges citoyens - échanges qui ne sont plus une habitude mais un tabou cultivé – alourdit l’atmosphère, rend déplacé le moindre début d’argumentation. Cela crée une dette immense envers ceux qui ont agi ensemble pendant des siècles pour les libérations graduelles de l’humanité, pour la lente et tortueuse sortie de ces temps obscurs, lorsque l'écrasante masse des gens pauvres n’avait rien pour même rêver une émancipation ou un monde simplement meilleur. Combien se sont battus  pour ces avancées ; pour les droits de voter, de se syndiquer, de s’exprimer, de ne pas dépendre en tout d'un prêtre, d’avoir des congés, de recevoir une éducation, d’avoir accès à l’hygiène et la santé…  Et ce serait tout, il faudrait à présent à l’infini tout rendre, reculer sur tout… ? 

     Le poids de ces acquis anciens sera-t-il désormais toujours sur nos épaules comme quelque chose que nous n’aurons fait que laisser détruire sans y rien ajouter de mieux. Notre monde sera-t-il désormais une (rapide) re-descente aux enfer (comme ces Grecs ou Espagnols, pas si malheureux il y a dix ou vingt ans), nous tenant accablés de gadgets toujours plus sophistiqués pour acheter nos âmes, nous anesthésier ?   

     Aussi passifs que nous tu meurs, dirait-on. Le mieux qui se puisse faire dans les rangs militants est de parvenir difficilement à réunir sur des thèmes d'actualité, le temps d’une petite réunion publique laborieusement montée, quelques … militants déjà surchargés de convictions et d’occupations militantes…  

     Tous les autres, hors de tout cela, au mieux tentent de survivre, eux et leur famille, sans chercher à identifier quoique ce soit susceptible de mettre en cause le système, sans creuser la critique. Les coups pleuvent, les régressions  perfides, en douceur ou au grand jour, s’accumulent, et chaque fois la possibilité d’une discussion s’éloigne, l'enfoncement dans la crise s'affirme. Trop d’efforts demandés, trop de choses déjà auxquelles devoir quotidiennement faire face…

     Pourtant il y a 150 ans quelqu’un déclarait à l’Assemblée : « Je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère. » (Hugo député, discours du 15 septembre 1848) 

     Les canaux habituels du débat citoyen sont obstrués par la désinformation, la fatigue, la paresse compréhensible (déjà vivre !), alors, … essayons d’autres canaux !  

     

     

     

     

     

     

     


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