• Plusieurs chemins vers l'art

     

    Du cinéma.

    Joël Auxenfans

    à la librairie La lucarne des écrivains

    18/2 -2/3 2013

     

     

     

     

    Plusieurs chemins vers l’art.

     

    Une critique des efforts de valorisation et de démocratisation de l’art qui tendent à l’extraire de la vie quotidienne pour le diriger vers un spectateur cible idéal qui serait, pour finir, un bourgeois, a été faite voici plus de quarante ans par l’artiste Brian O’Doherty dans son essai, White cube, l’espace de la galerie et son idéologie.

     

    Non pas qu’en échappant partiellement à la rhétorique spatiale de présentation de l’art contemporain, à ses scénographies, ses comportement étudiés dans les moindres détails, on puisse automatiquement démocratiser l’approche à l’art, toutefois le mérite en est d’ouvrir un peu les possibles, les rencontres.

     

    C’est dans cet esprit qu’il faut prendre l’exposition de Joël Auxenfans à la librairie La lucarne des écrivains. Parmi de ( beaux et bons) livres, les murs sont laissés par le libraire Armel Louis à des accrochages de deux semaines, permettant une rotation d’événements, expositions, lectures, conférences.

     

    Les travaux « politiques » de Joël Auxenfans, mêlés à des gouaches d’arrêts sur images de films DVD, prennent ici le titre « Du cinéma. », et sont accompagnés de plusieurs produits dérivés qui revendiquent l’appartenance à part entière au cœur du réacteur du projet « des formes politiques », titre générique donné par l’artiste à plusieurs formes et échelles de son travail.

     

    Des affiches, un blog, des tracts sans le moindre texte distribués par des militants communistes en chair et en os,…  toutes ces choses donnent au contenu et à la forme de l’art de Joël Auxenfans un périmètre plus large que l’installation ou même la performance, aujourd’hui réinvestis continûment par les artistes et les institutions depuis des décennies.

     

    Le cinéma,  emblème de la modernité des formes de l’économie de la représentation, est accompagné depuis sa naissance par une professionnalisation de la politique de plus en plus dédiée à un spectacle dont les ficelles sont tirées par les mêmes, sans que le public, mis à distance, parvienne à « participer » autrement qu’épisodiquement lors de mouvements sociaux.

     

    Autant dire que ces deux domaines, la politique et le cinéma, ont de nombreuses convergences. C’est une raison pour  Joël Auxenfans de réunir des travaux appartenant à des périodes de travail distinctes mais qui ont des points de recoupement, dont un consistant en une immédiateté de la peinture, sur papier ou sur toile, apportant une sensualité qui sort radicalement les récits de leurs contextes d’origine.

     

    La production de récits est au cœur du mécanisme politique, du grand récit révolutionnaire ouvrier jusqu’au « story telling » du marketing des conseillers en communication de nos présidents. Mais c’est aussi une technique de valorisation mise en œuvre par les artistes et leurs promoteurs, souvent même le récit est construit par les promoteurs qui se servent des artistes pour illustrer leur propos.

     

    L’envie de reprendre la main sur la fabrication d’un récit propre, non pas contre les autres acteurs de l’art, mais en recherchant une forme de circuit court pour le produire et le diffuser, a conduit Joël Auxenfans a proposer d’autres relations immédiates au grand public, et parmi celles-ci cette coopération avec des militants du parti communiste, parti dont l’histoire témoigne de relations très suivies avec l’art et les artistes.

     

    Des tract peintures de l’artiste sont ainsi entièrement financés par le « Parti » sans qu'un énoncé direct ne soit restitué directement pour ce dernier : un intérêt désintéressé pour l’art et ses relations ouvertes au sens d’un partage des regards deviendrait-il le possible argument d’un projet politique vraiment révolutionnaire qui aurait, après les temps du réalisme socialiste, mûri ?

     

    Le risque d’être enfermé dans une image réductrice d’art « militant » vaut la peine d’être couru s’il peut permettre de sortir un peu de cette sorte de conformisme dans lequel se meuvent paradoxalement  beaucoup d’artistes, engagés dans cette course au « CV le plus long » sans aspérité ni bavure. Ces images-ci, « politiques », sont-elles déjà, à peine nées, sorties du champ de l’art, ou bien y demeurent-elles en raison même de leur affrontement des enjeux sociaux de maintenant ?

     

    Cela recoupe les grands projets de reboisements que Joël Auxenfans  réalise avec des partenaires comme Réseau Ferré de France ou la Fondation de France, le Fonds Régional d’Art Contemporain de Franche-Comté, projets immenses qui postulent une possibilité pour l’art de créer des changements sensibles au sens propre autant qu’au sens figuré.

     

    L’art ne  « révolutionne » pas les choses plus facilement, mais disons qu’il porte une préoccupation plus complète que le seul militantisme, ou la seule technologie, la seule expertise scientifique, l’environnement ou la spiritualité. L’art est une synthèse et peut-être en cela apporte-t-il un aliment plus riche, nécessaire à tous.

     

     

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