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    À voir les têtes de mes concitoyens, presqu’entièrement baissées vers leurs écrans de Smartphones, il y a péril en la demeure.

    Bien sûr que le « voile intégral » est une mauvaise chose, camisole totale enveloppant toute la personne, la soumettant physiquement à une soustraction (à l’action partagée avec les non voilés, au regard général, effet global d’occultation de la personnalité pour des raison de culte).

    Mais n’avons-nous pas notre voile intégral aussi ? Lorsque se superposent casque, Smartphone, tablette, les yeux sont baissés et les oreilles n’entendent plus la réalité environnante, celle de la pulsation sociale ; la recherche est ailleurs, vers des paradis sonores, vers une atténuation de l’échange avec les autres ; on reste enfermé, en caisson « sécurisé », dans sa bulle. Et les autres sont loin. Atomisation.

    Évidemment, sans vouloir pousser la plaisanterie, lorsque le voile oriental s’additionne à tous ces gadgets occidentaux (ou plutôt extrême orientaux), l’effet est pathétique de mélange de genres, effet de la mondialisation. Mais chacun a droit à ses « cumuls ».

    Même en hauts lieux ministériels où la seule parade à l’annonce faite par Snowden de l’espionnage généralisé par les USA de l’ensemble de la planète (à de rares exceptions) a été de recommander de moins utiliser les Smartphones pour les informations importantes. Point de rétorsion particulière ; l’accord transatlantique se prépare d’ailleurs sous les meilleurs hospices qui soient, avec une France toujours en avance sur tout le monde pour obéir au « grand frère », un peu comme dans ces quartiers relégués, qu’on visite une fois de temps à autre sous les feux des caméras, en homme providentiel, lorsque l’on est ministre ou président. Sans aucun effet puisque l’objectif n’est pas de soigner là, mais de se maintenir soi-même au premier plan sous l’illusion médiatique.

    Tête basse est aussi l’impression donnée par les petites politiques locales, en préparation des élections municipales. Petites tractations, petites indignations, émois calculés, en vue d’un maintien ou d’un accès au pouvoir.

    La population dans tout cela ? Hors jeux, désactivée. Il est de bon ton de ne pas parler politique, cette chose si sale. On est bien élevé. Et de toute façon on n’y comprend rien. On nous a appris à ne rien y comprendre, à être idiot, quel que soit le niveau d’études atteint. Éteint.

    Les jeunes générations  accumulant les heures de télévision alternées avec des séances de SMS ou de réseau sociaux, de jeux vidéo ultra-violents, ne se pressent pas à la porte des réflexions sociétales, voire s’y refuse furieusement. À croire qu’il est désormais difficile voire impossible de penser ou argumenter. Il y a refus de ce côté-là.

    Les petits, eux, ont tant à apprendre ; on ne va pas les embrigader dans des conflits durs, ils doivent déjà grandir, malgré les récessions multiples, crèches puis classes surchargées, les taux d’encadrement - suprême astuce de politicien énarque - désormais relevés de moitié : un adulte pour 14 enfants au lieu de 10. Jusqu’où peut aller le sens de l’économie dirigé contre les gens ordinaires et les sans défense !

    Dans ma ville, des élus socialistes s’émeuvent avec art du Plan Local d’Urbanisme (PLU) de leur concurrent en place, annulé, comme si eux n’avaient pas soutenus en plein mois de juillet  le hold-up en catimini de 30 milliards prélevés par les banquiers privés sur le livret A, normalement dédié exclusivement au logement social. Avec l’invitation et l’aval de leur cher président. Il faut voir l’acharnement tout local à arracher la Jochollande (voir billet « collage de la Jochollande à Paris ») sur les murs de la ville, pourtant une œuvre distancée, travaillée avec sa pointe de culture et d’humour. Tête baissée dans le parti pris, accros à la légitimation du pouvoir en place, jusqu’à l’absurde !   

     


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    Dans « Ainsi parlait Zarathoustra » (Idées Gallimard 1971, p 265 ), Nietzsche énonce ce dialogue imaginaire entre l’anthracite et le diamant :

    « Pourquoi si dur - dit un jour l’anthracite au diamant. Ne sommes-nous proches parents ? » – « Pourquoi si mous ? Ainsi mes frères, moi, je vous interroge ; car n’êtes-vous – mes frères ?  Pourquoi si mous, si amollis, si concessifs ? En vos cœurs pourquoi tant de négation, de dénégation ? Dans votre regard si peu de destin ? » (…)

     

    Non pas que je prétende à être le « Zarathoustra de mes concitoyens », mais la distribution du tract image-texte de ma création locale intitulée « Montrougiens naïfs ? … » (voir billet "Attentat à la tiédeur" ci dessous) m’ a permis de tenter un exercice instructif. Avec 500 exemplaires édités à mes frais pour une population de 45 000 habitants, j’ai pensé que je devais économiser ces documents et ne pas les envoyer à une perte assurée, ni provoquer la colère inutile des habitants les plus réactionnaires.

     

    Aussi me suis-je donné pour règle de ne distribuer qu’à des personnes qui manifestaient par le regard ou l’attitude, une certaines ouverture, une curiosité, et aussi une apparence aimable ou pour le moins courtoise. Inutile en effet d’aborder et de parler à haute voix à une personne faisant semblant de ne pas entendre, ou affichant une expression nauséeuse à mon attention, comme si j’étais avec mes petits papiers le plus méprisable des objets, ne méritant pas même une réaction humaine: allons donc au devant de gens qui spontanément ou par éducation, regardent, ont une expression et répondent par une parole à une parole à leur attention.

     

    Cet exercice m’a permis de constater de part les rues de Montrouge, une quantité insoupçonnée de gens effectivement pas en état de recevoir un tract : il y a tous ceux (nombreux) qui, abattus par la vieillesse, la maladie, l’usure de la vie, boitant ou titubant, ravagés, n’ont malheureusement pas même la force de lever le nez ; il y a ceux qui n’ont apparemment pas l’habitude de lire, pour qui une image et un texte (qui plus est politiques) demandent un effort au delà de leurs capacités ; Il y a ceux sous antidépresseurs, glacés, pâles, convalescents, le regard erratique ; Il y a tous les intoxiqués, avinés, enfumés, drogués, certains très diminués par l'adiction ; il y a ceux pour qui, de part leur éducation,  n’ont jamais rencontré la politique (ou l’art), qui sont incapables de se situer dans le champ d’un quelconque débat d’idées, de goûter une réflexion exposée avec des mots, des références et  des arguments situé dans le champ de l’histoire ou de l’actualité; il y a ceux qui sont tellement formatés que cela apparaît dans leur costume, leur allure, leur manière de marcher, leurs mouvements d’automates, programmés de l’extérieurs d’eux-mêmes, ne guidant aucun de leur geste par un désir personnel, critique et souverain ; Il y a ceux que seuls leur passion, leur compétence et leur travail obsèdent, distraits à tout ce qui à trait à l’humanité en général ; Il y a les parents de familles nombreuses, entièrement dans un fonctionnement familial auto centré ; il y a ceux qui se voient appartenir à la classe riche, avec bijoux, coiffure blonde plaquée, vêtement d’une certaine coupe et d’une certaine étoffe, mocassins, polo sur les épaules à la manière « décontractée » de l’université d’été du MEDEF ; Il y a ceux chez qui la violence affleure à chaque instant dans le masque du visage crispé, verrouillé, le regard ulcéré, que ce soit un type sanguin impulsif ou un faux placide inquiétant ; Il y a ceux qui sont tellement enfouis dans une jeunesse ou une amourette qu’ils ne voient strictement rien d’autre que leur propre bien-être, sans égard pour rien, tout glissant sur eux comme la pluie sur un imperméable ; il y a d’autres types qui échappent à la description… 

     

    Bien qu’évidemment il y ait une injustice à juger les gens sur l’apparence – qui plus est fugace – et que probablement il y ait une marge d’erreur importante qui fait que quelqu’un d’apparence bougonne pourrait se révéler enjoué et vif, plaisantin et pertinent, cela m’aura évité peut-être le désagrément et la fatigue d’affronter des formes diverses d’hostilité. En revanche, j’ai pu identifier deux ou trois profils types de personnes encore capables de prime abord de regarder autour d’eux, d’entendre et de répondre, avec un peu de cordialité ou même d’humour. Il s’agit majoritairement de couples avec un ou deux enfants en bas âge, ou un père ou une mère seule avec la poussette et un petit, ou bien encore des femmes plus âgées, mais alertes, curieuses avec, disons, une conscience, une curiosité. Ces dernières catégories positives, comptent pour environ un huitième des gens croisés dans ma ville. Autant dire que la citoyenneté est bien malade ! Compliments aux survivants !! Qu’ils croissent et se multiplient !!!...

     

     

     

     


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    Collage de la Joconde à Paris

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