• Joël Auxenfans 2015. Affiche. 

     

     

    Dans le blog de Jacques Sapir (http://russeurope.hypotheses.org/3758 ), on peut lire un article du 23 avril 2015 et intitulé "Crise de la démocratie et souveraineté", dont voici un extrait de la partie finale: 

     

      

    "La souveraineté apparaît au cœur de ce qui fait société. Et ce n’est sans doute pas un hasard si nous avons le sentiment que cette société se délite dans la mesure ou la souveraineté n’est plus respectée. La dimension a-sociale d’un certain nombre de conflits qui traversent la société française en témoigne. Pourtant, cette multiplication des conflits n’est pas en soi un indicateur suffisant. Toute société est fondée tant sur la coopération que sur du conflit. C’est plutôt la nature de ces derniers qui pose aujourd’hui problème.

    La guerre civile froide serait elle l’avenir qui guette nos sociétés, et en particulier la société française ? On peut le craindre à la lecture de la presse qui décrit une société livrée à l’anomie. Le délitement de la société que l’on constate maintenant plusieurs années, pose abruptement, et au premier chef, la question du « vivre ensemble ». Devant la montée de cette anomie[1], nous sommes renvoyés à cette interrogation majeure : qu’est-ce qui « fait société » ? Plus encore, pouvons nous nous poser la question de « ce qui fait société » sans nous poser en même temps la question de savoir dans quelle société nous voulons vivre ?"

     

     Cet excellent éclairage de la situation nous oblige à regarder ce qui est déréglé dans  les relations entre les gens. Cette généralisation d'une quasi impossibilité de parler politique dans son voisinage autrement que sur le ton obligé d'un culte de la grossièreté, de l'approximation et de la violence des idées, conduit tout droit à la violence physique. 

     

     

    En panne

    Joël Auxenfans. Affiche. 2013. 

     

    Je place également ici cette peinture  ci dessus (réalisée à partir du film de Cassavetes "Shadows") en projet d'édition d'affiche, parce qu'elle correspond à ce que chacun est menacé de vivre un jour ou l'autre dès lors que se "délite", comme le dit si bien Jacques Sapir, la capacité des gens à partager ensemble dans le respect des différences, les questions qui les concernent tous et chacun.

    Le passage à l'acte de violence est le recours de ceux qui n'ont plus les capacités psychologiques et intellectuelles à supporter un conflit formalisé par le débat argumenté, inlassablement reconduit au cours du temps quotidien, comme un tissu se frayant une étoffe entre chaine et trame, la navette de la parole et des recherches d'accords ou de désaccords les plus justes et les plus éclairants, agissant comme le sang non pas répandu de la violence, mais comme celui qui irrigue le corps social tout entier.  

     

    Or, poussés à bout par leur propre aveuglement politique, ne supportant plus aucune différence construite ou simplement  existante, ni plus aucune persistance du débat, ce nombre croissant d'individus recourant à la violence, soutenu par une passivité sourcilleuse de son quant à soi petit bourgeois, inlassablement inculquée par le tambourin médiatique et imposée par le harassement au travail, cette "équipe", donc, pourrit la possibilité de la politique et avec elle le vivre ensemble.  

     

    Ne reste plus à ce monde d'asservis volontaires, qu'un côtoiement triste, aseptisé, asphyxié, permettant avec une facilité inouïe, l'aggravation sans limites des multiples exploitations dont les puissants se sont désormais rendus capables. 

     

     

     

     


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    la forme anti-commune du traitement de l’information.

     

    la forme anti-commune du traitement de l’information.

     

    la forme anti-commune du traitement de l’information.

    Comme Jean-Luc Mélenchon, Pierre Laurent a droit à un traitement de faveur des metteurs en page de France Info, comme en général des autres médias officiels. Comparez ces trois photos collectées sur le site de France Info ce même jour à la même heure : vous avez deux apparatchiks du fatalisme de l’austérité patronale, M. Gallet d’une part et M. Sapin d’autre part, qui ont droit chacun à une photographie bien centrée, bien cadrée, valorisante. Ce traitement visuel les fait passer pour « naturels », « nécessaires », « compétents », « incontournables », neutres et impartiaux. Leurs prêches pour les licenciements facilités et la destruction du service public de la radio passe par ce moyen pour un processus inévitable, valable, bien étayé, sûr…

    En revanche lorsque l’on regarde dans le même site à la même heure l’image de M. Laurent, on voit une image recadrée à l’extrême, le visage n’est pas entier, il semble sortir de l’image, et même il semble se noyer, sombrer littéralement ; Or la position corporelle d’origine de Pierre Laurent n’était pas ainsi lors de la prise de vue du photographe. C’est donc celui-ci ou bien la rédaction de France Info qui a choisi, soit de procéder à ce cadrage, soit qui a choisi cette image parmi des centaines d’autres.

     

    Je ne vais pas ici faire l’innocent et découvrir qu’une photographie ne se contente pas de restituer la réalité. Je sais que la photographie interprète au même titre que n’importe quel moyen d’expression visuel. Toutefois n’y a-t-il pas quelque chose d’un peu appuyé dans la manière dissymétrique par laquelle l’image photographique accompagne un sujet : les libéraux qui prônent l’austérité et les licenciements ont des photos stables, inébranlables, objets d’aucune liberté d’interprétation ou de critique.

    Un dirigeant d’une des formations du Front de Gauche est montré littéralement hors cadre, comme sombrant hors de la représentation. Pour une formation politique qui, prise dans son ensemble, totalise environ 11 % des voix exprimées aux élections départementales, et plusieurs millions d’électeurs, il y a là un mépris et un travestissement de l’information flagrant.

     

    Bien sûr, il m’arrive aussi de voir sur France info des dirigeants de droite, en général dans le cas d’articles couvrant des cas de corruption, avec pour eux aussi des cadrages assez partisans, qui peuvent même me faire sourire. Mais il y a ici, avec l’image donnée de M. Laurent, comparée à celle de deux acteurs de l’austérité officielle, quelque chose de manifeste bien que cherchant à passer discrètement, occultant le procédé rhétorique employé.

     

    Sans doute suis-je sensible à ce procédé puisque moi aussi je suis ouvertement de parti pris ; mais mon parti pris, lorsqu’il s’exprime artistiquement, se veut visible dans son artifice, tandis qu’ici, le parti pris se dissimule derrière la prétendue « neutralité » de la photographie de reportage (qui n’existe absolument pas, évidemment). Elle vise à passer pour une évidence incontestable.

     

    D’autre part ces images ont quelque chose d’univoque. Elles nous montrent l’un des personnages de manière ridicule et quasi ruinée, tandis que deux autres reçoivent un traitement valorisant : la photographie du jeune M. Gallet, est un mélange de photographie de mode et de portrait politique très flatteur, type de traitement auquel à droit systématiquement aussi le jeune M. Macron. En fait ces images nous montrent un capitalisme puissant, élégant, indestructible, éternellement renouvelé.

     

    Pierre Laurent, lui, est cadré comme une épave qui sombre, les yeux égarés, suffoquant, regardant un ciel gris indifférent, chaviré (et pour cause, puisque c’est un cadrage voulu !), emporté, sans espoir.

     

    Se pourrait-il qu’il existe une manière un tout petit peu honnête de montrer des personnalités et qui ne soit pas aussi stupidement réductrice ? Les photos de presse doivent-elle à ce point faire un jeu tautologique avec le sens unilatéral des articles de l’opinion des dominants - qu’ils soient gouvernementaux ou appartenant (dans l’assentiment général des citoyens pourtant sourcilleux de liberté) à des milliardaires privés ?

     

    Il existe des liens vers la critique des médias et de ce traitement qui prend les gens pour des imbéciles : http://www.acrimed.org/ ou encore https://opiam2012.wordpress.com/2013/09/26/diabolisation-visuelle-de-melenchon-dans-les-medias-77/ , ou encore http://www.observatoire-des-sondages.org/. On y voit le même mécanisme à l’œuvre : des choix éditoriaux, et en particulier sur l’image, ou sur les sondages, qui privilégient le monde des privilèges économiques en place, et donnent une caricature des personnes engagées dans une critique du système économique, politique, institutionnel, médiatique.

     

    Lorsqu’un M. Moscovici, littéralement le domestique du MEDEF lorsqu’il était ministre de la montée du chômage et des cadeaux aux grandes fortunes, se trouve propulsé à un rôle clé à la commission européenne pour menacer et donner des leçon aux élus grecs, on peut parler de système en place.

     

    Beaucoup de gens semblent s’en contenter, ou n’envisagent pas, tout du moins, de  regarder cela avec un soupçon d’analyse critique rationnelle. On est placé dans une situation apparemment statique, qui enfonce les malheureux et propulse les avantages des quelques plus riches dont les chiffres de la domination mondiale ou nationale progressent rapidement d’une manière à la fois incontrôlable et obscène.

    Les études des gens qui ont pu en suivre semblent leur servir à "servir", ou à ne pas pouvoir mettre en question un système de domination de plus en plus destructeur.

     

    Les témoignages de chercheurs comme M. Bouguignon en micro biologie des sols (voir son témoignage dans le film de Marie Monique Robin « Solutions locales pour désordre global »), M. Lordon en économie, ou de Annie Thiebaud-Mony dans la recherche en sociologie des sciences sur les mécanismes de déni et de mensonge industriels et gouvernementaux, envers les toxicités massives des produits les plus répandus à l'insu des gens pendant des décennies (essence au plomb, amiante, nucléaire, agro toxiques, etc.), montrent que le champ scientifique est l’enjeu d’une guerre idéologique pour empêcher de continuer leurs recherches en toute indépendance les personnes qui critiquent les argumentaires des intérêts industriels, privés ou gouvernementaux.

    C’est la guerre des puissants contre les pauvres, là aussi.

     

    Les puissants sont beaucoup mieux conscients de leurs intérêts, et mieux organisés. Même entre concurrents, ils s’entraident !

    Les gens ordinaires se laissent, eux, démobiliser par leur média habituel. Ils ne remarquent plus tout ce qu’il y aurait à remettre en cause. Ils sont trop occupés à survivre dans ce monde qui les met hors d’haleine et hors d’eux-mêmes, jusqu’à regarder sans rien dire le défilé des centaines de migrants en totale détresse, morts noyés chaque semaine en Méditerranée, hommes, femmes et enfants.

    Et accepter sans mot dire les paroles de M. Sapin, répétant qu’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde. Alors que cette misère mondialisée provient tout droit des décisions politiques et économiques de ces mêmes personnes qui parviennent à se placer, des décennies durant, en s’entraidant, hors de tout jugement politique et judiciaire de leurs contemporains.

     

     

     


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