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    Ça pousse !

     

    Visite à l'imprimerie au moment décisif du "calage".

     

    Quel que soit ce qu’on pense de l’art ou de la politique, l’idée de liberté reste à mettre sans cesse sur le métier. « La liberté n’est donc pas de faire ce que je veux mais de commencer une action avec courage. »  écrit Hannah Arendt dans La crise de la culture, citation trouvée dans le journal L’Humanité.

    Aujourd’hui, presque tous ceux qui me parlent disent sentir que l’on est entré dans une période très dure, avec la haine qui monte, des injustices, des difficultés grandissantes à s’exprimer publiquement ou en privé sans violence ni tabou, à vivre ou à s’accomplir, avec par dessus tout, des menaces, des drames ou des crimes énormes souvent irréversibles partout et sur presque tout.

     

    Ceux qui ne me parlent pas, s’interdisent et m’interdisent cet échange, et se comportent en complices de la violence de cette société, au besoin en déléguant à d’autres le pouvoir de faire régner concrètement cet ordre violent de l’interdiction de critiquer, discuter, argumenter, fournir des données venant de chercheurs, de l’art, etc.

     

    D’ailleurs lire et débattre est aujourd’hui suspect. C’est dire le mérite des mouvements de protestation massifs qui se développent ces derniers mois, réprimés durement, criminalisés, caricaturés et dénigrés par les médias des dominants et des possédants dont il ne faut en revanche rien dire de la dictature et des malversations qui se chiffrent, cumulées, en centaines de milliards annuels volés à la chose publique, la Res Publica.

     

    Car lorsque un grand banquier qui a menti devant la commission d’enquête sur son implication dans les paradis fiscaux se trouve protégé par le Sénat de toutes poursuites, et lorsque un agresseur ment devant le juge et se trouve protégé par des témoignages fallacieux prenant complaisamment parti à priori pour le dominant, c’est qu’une perversion digne des époques de dictature est en route.

    Une époque de « Dupont Lajoie », du titre de ce film de Yves Boisset (1975), qui fait le récit d’un enchaînement de mensonges à fondement politique et raciste, qui, par la cohésion des lâchetés de proximité, se concrétise par des violences et des injustices en chaine laissées impunies.

     

    Ça pousse !

     On extrait d'une pile d'essai une feuille pour la scanner et régler encore mieux la machine. 

     

     

     

    Ce pose encore plus la question du statut de l’art dans ce contexte. Que les petits bourgeois censurent toute possibilité de critique sociale, n’empêche pas, fort heureusement, Ken Loach de remporter une deuxième palme d’or à Cannes, ni de dire publiquement à voix haute à la remise du prix, son opinion sur l’état de ce monde.

     

    Il aurait pu, comme tant d’autres, se taire et empocher la prestigieuse récompense. Au lieu de cela, toute son œuvre et son propos sont cohérents et ne cherchent pas à mentir sur l’état des injustices. Lui fait surgir « la voix des sans voix », surnom aussi accordé à la fois à l’Abbé Pierre http://www.emmaus-international.org/fr/preserver-la-memoire/biographie-abbe-pierre.html et à Mumia Abu Jamal http://mumiabujamal.com/v2/mumia/mumia-abu-jamal/ , journaliste noir condamné sans preuve aux USA, pendant 37 ans dans le couloir de la mort, encore en prison et maltraité par les services privés de prison et les juridictions racistes US.

     

    Une foule de grandes ou petites organisations militent, s’opposent, proposent, étudient, aident, créent, en résistance contre la violence sociétale reproduite par les stéréotypes patriarcaux et sexistes, ou bien la spoliation des richesses du monde par l’oligarchie financière et les rouages d’entraides entre les plus hautes sphères du pouvoir et de l’argent.

     

    Citons, en m’excusant d’avance de dizaines d’autres excellentes associations oubliées ici : mémoire traumatique http://www.memoiretraumatique.org/ , Générations futures http://www.generations-futures.fr/ , Robin des bois http://www.robindesbois.org/ , Greenpeace http://www.greenpeace.org/france/fr/ , Criirad http://www.criirad.org/, Sortir du nucléaire, http://www.sortirdunucleaire.org/   Survival international http://www.survivalfrance.org/ , Reporterre http://reporterre.net/ et en particulier ceci, pour être dans l’actualité des méthodes de police du président socialiste http://reporterre.net/Un-CRS-a-tire-une-grenade-sur-un-realisateur-et-l-a-blesse-pour-l-empecher-de

     

     

     

    Ça pousse !

     

     

    On vérifie au compte fil et on compare différents degrés d'encrages. 

     

    Dans ce contexte, peut-on regarder l’art comme quelque chose de strictement intact, présenté dans ces « white cubes » de la commercialisation et de la valorisation de l’art définissant un spectateur d’art contemporain idéal comme blanc, riche, éduqué, vivant à l’international, en réseaux d’entraides et de réciprocités policées strictement réservés à sa catégorie sociale extrêmement restreinte ?

     

    J’ai bien peur que non.

     

    Même si j’admire évidemment l’incroyable beauté des œuvres présentées sur le site de la galerie Continua http://www.galleriacontinua.com/ , l’une des plus puissante du monde, on y trouve néanmoins une sorte d’effet de mise sous cloche, de protection de la richesse financière concentrée dans les œuvres, de manière particulièrement aseptisée relativement à l’effroyable densité des violences sociétales en cours.

    Les œuvres dessinées au fusain de l’artiste italien Serse par exemple, http://www.galleriacontinua.com/artist/21/artpieces, ont quelque chose de prodigieusement sensuel, étourdissant de virtuosité. Mais l’ « hyper hyper » réalisme qu’elles déploient est quelque chose qui, reprenant autrement une forme de peinture née dans les années cinquante aux États Unis avec la société de consommation, n’en propose désormais qu’une version neutralisée, focalisée, il est vrai, sur d’incroyables effets de présence visuelle, mais détournés de la société vécue quotidiennement par les gens ordinaires.

     

    Comme si leur puissance résidait dans le fait de demeurer un pur effet de représentation abstraite volontairement centré hors de tout contexte. Ce n’est pas un crime. C’est juste une impression qui rejoint celles de l’émerveillement, ou de l’écrasement, qu’elles produisent au premier abord.

     

    Il y a dans ces œuvres remarquables, quelque chose d’ « abstrait » au sens où ces œuvres se définissent essentiellement par rapport à la convoitise qu’elle ne peuvent manquer de provoquer chez des gens précisément identifiés comme en capacité d’aligner les flux de liquidités nécessaires à leur acquisition, transport, assurance, stockage, présentation et valorisation. Elles sont déterminées à provoquer cette convoitise, enjeu de rivalités entre riches. Ou aussi, il est vrai, entre collections publiques, lorsque celles-ci peuvent suivre, en ces périodes de vaches maigres imposées pour cause d'exemptions d'impôts accordées aux puissants, cette course spéculative. 

     

    D’autres artistes, mondialement célèbres, eux, pour leur engagement politique courageux tel Ai Weiwei http://www.galleriacontinua.com/artist/74/artpieces trouvent dans ce « cadre » magnifique, une forme de commercialisation idéale, mais qui joue en retour relativement en diminuant la capacité de l’œuvre à faire persister une révolte qui pourtant eut lieu et a encore lieu.

    De même, l’incroyable installation de Huang Young Ping, au Grand Palais, reflète le monde actuel plus qu’elle n’en donne une autre issue que celle qui s’impose violemment à nous. Il faut voir cette vidéo sur le site de la réunion des musées Nationaux http://www.grandpalais.fr/fr/evenement/monumenta-2016-huang-yong-ping pour mesurer pourtant tout à la fois la sagesse, la puissance et la prudence admirables de l’auteur.

     

     

    Ça pousse !

     

    Plusieurs essais avant de lancer l'impression.

     

     

     

    N’ayant pour ma part, pas autant de moyens mis à ma disposition que ces artistes internationaux, il me faut faire exister un art par une démarche que je définirais comme minimale.

     

    Non parce qu’il s’agirait de faire revivre le courant du « Minimalisme » né dans les années soixante et qui misait sur des relations spatiales très limitées et épurées entre des matériaux et des dimensions, des masses et des quantités, dans une démarche d’ailleurs contestant ouvertement le marché de l’art et la domination de la peinture lyrique abstraite de son temps.

     

    Plutôt parce qu’une fois constaté que l’art en galeries et en institutions fermées avait, depuis les dernières décennies, passablement épuisé beaucoup de ses potentialités, il faut aller, comme on le dit, pour d’autres raisons, à propos des Impressionnistes du XIXème siècle, « en plein air ».

     

    Ce qui est le résultat à la fois d’un phénomène par défaut et d’une constatation, peut devenir un espace de relations intéressantes entre des questions liées à l’image, à la peinture, à l’espace public et donc aussi à la politique.

     

    Le tirage de l’affiche Mélenchon 2, à partir d’une peinture récente, effectué chez une coopérative d’impression parisienne, est quelque chose de politique puisqu’il vient s’immiscer dans une campagne électorale dont on note déjà le durcissement.

     

    Mais le politique ne se trouve pas tant dans le sujet du portrait que dans le fait de le représenter en peinture. Les équipes rapprochées du candidat, en évitant jusqu’à présent de se positionner clairement en réponse à ce projet qui leur fut envoyé, apportent la preuve qu’il ne peut y avoir la moindre ambiguïté : ce n’est pas du matériel de propagande.

     

    De même, le fait de vendre des affiches reprenant une peinture relie autrement et presque sans médiation l’œuvre d’art à une forme de public ouverte. Mais je n’idéalise pas ce dispositif ; il fait exister un travail à un certain moment et d’une certaine manière, c’est tout.

     

    Parmi d’autres projets en cours, tournés eux vers l’agriculture biologique, celui-ci accompagne de nouveau, après 2012, « la campagne » de 2017.

     

     

     


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  • Que demande… la grande fatigue ?

    Je relaie ce visuel éloquent qui parle peut-être aussi assez bien de deux manières de faire de la politique. 

     

     

     

     

     

    Il est autant de formes politiques que de manières de les formuler et de les vivre.

    Disons que le dépliant du PCF en direction de 500 000 citoyens pour préparer la « primaire à gauche » en est une http://www.pcf.fr/sites/default/files/exe_3_volets_consultation_stc.pdf .

    Et éloquente !...

     

    Voici donc ces questions prémâchées, qui seront « synthétisées au niveau national et rendues publiques ». Le problème de ce type de questions est qu’elles laissent sentir au participant à la consultation qu’il est un cobaye un peu niais, et que l’intention du questionneur est cousue de fil blanc.

    Il n’est pas possible de croire un instant que l’organisateur de la consultation est dans une posture cherchant à faire parler la réalité de manière méthodologiquement scientifique. Ou si c’est le cas, c’est en soi une faute que les données relatives à la méthode d’investigation et à sa fiabilité ne soient pas accessibles, mêmes succinctement, comme une forme d’honnêteté envers le participant ou le lecteur.

    Or cette honnêteté n’est pas là ! Qui a formulé les questions, au nom de qui ou de quoi, et avec quelle validité intellectuelle ? Quelle expérience reconnue, quelle aide et assistance universitaire, de recherche, ou simplement sur quelle références académiques ce questionnaire se base –t-il (cela aurait pu être même indiqué en petit en annexe, par exemple, « questionnaire élaboré grâce à l’assistance et la bienveillance du laboratoire de sociologie de X…ou Y… ou avec l’aide de tel ou tel institut de sondages… », etc.) ? Rien.

    Le PCF et sa direction sont donc capables, tout seuls, de gérer, formuler, instaurer les paramètres de collecte de données pour sonder un large public (500 000 personnes). Ils n’ont besoin de personne. Alors pourquoi adressent-ils ce questionnaire en direction du peuple ? Réponse : pour faire semblant !

     

    En cela le projet politique suinte littéralement du questionnaire dans sa forme elle-même : la direction du Pcf ne cherche surtout pas l’aide d’autres acteurs éventuellement utiles et valorisant son initiative, apportant un autre regard, plus scientifique, plus à même de faire parler en effet les citoyens au travers d’une enquête spécifiquement axée sur la question de la « demande du peuple ». Ceci est dit pour la forme et le cadre.

     

    Voyons le contenu : les réponses doivent obligatoirement, pour permettre sans doute une "synthèse au niveau national", être au nombre de trois prioritaires. Or les priorités se chevauchent et surtout il est très difficile de dire avec précision quelles sont les priorités au sein de l'offre. Car ces mesures ou ces arguments idéologiques se recoupent en de nombreux points et ne peuvent pas laisser facilement « sacrifiés » les autres arguments ou propositions.

    On voit qu’il s’agit d’un jeu qui se mord la queue, dans lequel les réponses sonnent comme des mantras ou des formules toutes faites, comme pour apprendre par cœur plus que pour vraiment connaître les avis des citoyens consultés. La forme de ce questionnaire est très fermée, sous des apparences ouvertes qui s’avèrent trompeuses. C’est le double contraire des questionnaires que posaient les équipes de Pierre Bourdieu et que posent certains de ses successeurs ; ni vraiment qualitatif, ni vraiment quantitatif car on a affaire à de très nombreuses questions mais allant presque toutes dans le même sens.

    Il faut lire de Bourdieu son cours au Collège de France qui vient de paraître « Sociologie générale volume1, cours au Collège de France 1981-1983 » publié chez Raisons d’agir Seuil 2015, avec une belle couverture du graphiste co-fondateur de Grapus Gérard Paris-Clavel. Cet ouvrage fait comprendre le degré d’exigence intellectuelle et méthodologique qu’il faudrait avoir et les liens avec les chercheurs qu’il faudrait générer si l’on avait vraiment le souhait de produire de la connaissance sur le peuple aujourd’hui en France de manière opératoire. Mais ce n’est évidemment pas là visiblement l’intention de la direction du PCF. C’est de la poudre aux yeux.

     

    Il me sera évidemment répondu que les conditions d’urgence et de manque de moyens expliquent cette faiblesse qualitative. C’est l’argument perpétuellement employé, même en période plus faste. Je peux comprendre que l’on veuille malgré tout, malgré les difficultés et l’urgence, aller tout de même dans un sens et produire quelque chose. Mais on ne peut pas croire que l’état des liens avec le « peuple des chercheurs » soit aussi distendu, voire aussi défiant. C’est en soit un constat consternant sur l’état de santé relationnelle d’une direction politique avec le reste de la société, aussi bien celle des chercheurs que celle du peuple.

     

    Bref, ce document ne produit pas de l’intelligence mais du rabâchage, non pas de la pédagogie mais de la répétition, et en faisant mine de questionner les gens du peuple, la direction du PCF appose en fait partout le sceau de ses propres options. C’est en fait sans le dire un simple matériel de propagande au sens le plus banal et mécanique (genre matraque) du terme et il semble illusoire de croire que cela va « faire remonter » des options politiques fondatrices inédites, « venues du peuple », peuple conçu comme force de proposition. Au contraire, le peuple est traité comme infantilisé puisqu’on lui demande de répondre à un questionnaire ou tout est joué dans un sens comme dans un autre.

     

    Triste démocratie, même au PCF.

     

    Comment, d’autre part, pourra-t-on justifier un tel retard pris vis-à-vis de la proposition de JL Mélenchon (qui, elle, percute et rebondit), et au nom de prétextes fallacieux ; comme ce questionnaire dont le titre lui-même, voulant jouer sur les mots, signifie au sens propre « ne nous cassons pas la tête », car c’est bien là le sens habituellement compris par les gens de cette expression « que demande le peuple ». On pourrait le dire pareillement par « pourquoi en faire plus ? ». C’est dire le degré de mépris involontaire envers l’enjeu politique qui entoure cette démarche par son titre même.

     

    En cela le PCF est influencé, sans recul critique et inventif, par les méthodes des sondeurs commerciaux, de la pub, du marketing et des votes en ligne. On sent que l’irréflexion, la précipitation, la panique même, et enfin et surtout la peur de créer et assumer de l’inattendu inspirent cette initiative qui s’inscrit dans un premier faux pas difficilement défendable : aligner le calendrier du PCF sur celui de primaires à gauche qui sont une importation par le PS en 2011 d’un pur produit de la politique dénaturée des États Unis dont chacun sait que les principaux « votants » sont les lobbies militaro industriels qui financent les campagnes des deux bords (excepté Sanders, et c’est tout à son honneur).

    Ici donc la représentation, au sens de capacité à inscrire un projet politique dans le show et l’entertainment, bat son plein. Et le PCF ne trouve rien de mieux que de s’y aligner ! Cela fera date dans l’histoire communiste.  

     

    Pourtant, des ouvrages comme le livre « Commun; essai sur la révolution au XXIème siècle » de Pierre Dardot et Christian Laval, paru aux éditions La Découverte 2014, apportent un éclairage nourri sur la question des visées, des formes et des moyens à employer pour orienter et enrichir la révolution politique à laquelle le peuple aspire souvent à son insu. Comme le plus souvent, ce n’est pas le chemin pris. On s’y est habitué. Et c’est mortellement triste…

     

    Quand verra-t-on une direction qui serait capable de ne pas chercher à « noyer le poisson », mais plutôt de rebondir sur les opportunités de la réalité sociale. Au lieu de plaquer une rhétorique mortifère et redondante sur le mouvement social en répétant sans cesse que tout doit venir du mouvement social en même temps que tout est fait pour le décourager, il serait plus courageux et dynamique de jouer de la dynamique rassembleuse de Jean-Luc Mélenchon, en l’appuyant d’ores et déjà de toutes les forces disponibles. Mais non, au lieu de cela, on va faire un faux questionnaire pour de fausses propositions du peuple, qui, on l’imagine facilement, fera le dos rond devant cette entourloupe loupée.

     

    Cela sent tellement le stratagème de prophylaxie pour se préserver de la fécondité politique de l’inattendu que l’on pense décidément à une volonté de préservation de positions de pouvoir plus que d’une quelconque envie de faire naître une dynamique sociale. Elle a lieu de toute façon en dehors de ce cadre, soit par les manifestations contre la loi El komri, soit par les Zadistes et les agro écologistes de terrain, soit par les assemblées Nuit debout, soit par le film Merci patron !, soit par la proposition de Jean-Luc Mélenchon.

    Mais une fois de plus, la direction du PCF est à côté, et même pire, à ne pas laisser de marge créatrice, elle sclérose sa propre capacité à comprendre et à répondre à ce qui se passe. Deux pas en arrière des masses, dirait-on, et le pied enfoncé sur le frein !

    Bon courage tout de même.    

     

     

     


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