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    Alors qu’il apparaît de plus en plus difficile de se parler politiquement entre inconnus ou bien entre personnes qui se connaissent (voisins, collègues, famille), il semble nécessaire de poser les conditions préalables de la reprise possible du débat démocratique constructif entre citoyens :

     

    1. L’une des premières conditions est l’absence de référence distincte à un communautarisme  ou à une religion. Je veux dire par là que l’on ne devrait pas idéalement être immédiatement en mesure d’identifier chez un interlocuteur lors d’un débat, son appartenance religieuse ou communautaire. La manière d’apparaître, de se vêtir, de se tenir, devrait laisser l’attention de tous et de chacun se concentrer sur ce que dit la personne, non pas sur ce qu’elle induit par des signes ou des comportements qui fassent signes, des paroles qui fassent signes. Cela étant, je ne pense pas réaliste d’interdire au départ à quelqu’un qui se donne la peine de s’intéresser à un débat politique, de se déplacer à une réunion publique, de prendre la parole, pour le faire taire ou de le refouler au prétexte qu’il est jugé reconnaissable comme appartenant à un groupe religieux ou communautaire. Cela serait injuste, car il faut au contraire encourager le plus possible de monde, à reprendre le chemin de l’agora. Mais on peut néanmoins  parler comme je le fais ici de cette exigence en la considérant idéalement comme un préalable de bon sens pour engager un débat public et un débat politique. En effet, sans cette forme de neutralité visuelle ou expressive, on ne peut pas facilement faire abstraction de l’appartenance religieuse ou communautaire, et celle-ci vient alors interférer dans la réception des arguments de la personne ; On se dit en l’écoutant : « ah oui mais c’est un …., donc il dit cela ». C’est à dire qu’il n’est pas laissé à l’exposé argumentaire de la personne (par son apparence et la résurgence voyante des rappels de cette appartenance dans son exposé) la possibilité d’apparaître dans son universalité logique, démonstrative, utile à tous. Bien sûr qu’il y aura toujours des clivages idéologiques, des différences de sensibilités religieuses, des diversités d’attachements à des origines. Mais cela doit, par un effort de citoyenneté de chacun, passer au second plan le temps du débat public ou privé. Cette condition remplie (bien que toujours imparfaitement probablement), on pourra espérer commencer la discussion proprement politique dans des conditions saines. Chacun peut d’ailleurs à ce titre faire un petit test dans le cadre d’une assemblée de personnes  au sein de laquelle il se trouve pour entendre et participer à une discussion et se poser la question, en la posant autour de lui  à ceux qui ne le connaissent pas : madame, Monsieur, sauriez-vous deviner, en me regardant et en m’entendant, mon appartenance religieuse, si j’en ai une ou non, la communauté à laquelle je me rattache, si c’est le cas ? Si on devine, c’est que vous n’avez pas tout à fait atteint la condition pour que votre avis soit pris en compte sans l’interférence d’autres paramètres qui ne peuvent que faire jouer d’autres résurgences identitaires primaires. Pour cultiver le débat le plus élaboré politiquement, on devrait le plus possible ne voir que des citoyens. Maintenant je pose la question : quelle est l’apparence ou les apparences optimales du citoyen dans la tenue, les signes et la parole ?  À chacun de nous nous d’y réfléchir !
    2. En deuxième lieu, la discussion devrait si possible ne pas déboucher sur des refus ou interdictions de réfléchir, de penser ensemble ou par soi-même à des idée nouvelles, ou remettant en question la situation politique ou pratique actuelle. Penser, discuter, inventer devraient être des actes « naturels » dans la société des hommes. Si Aristote en son temps a énoncé l’idée que l’ « homme est un animal politique », c’est sans doute que cette dimension politique non seulement est permise aux hommes mais qu’elle leur est intrinsèquement constitutive, qu’elle les fonde en tant qu’hommes. Donc, tout procédé de discours consistant à dénigrer ou mépriser l’effort d’un individu ou d’un ensemble de personnes pour penser la société comme elle est en la critiquant, et en cherchant à lui substituer des formes nouvelles de vie, devrait être bannis. On doit pouvoir, au risque de se tromper, à tout moment se poser des questions, en poser aux autres, leur proposer des idées et entendre les leurs. Le fait que ces idées se rattachent à des courants idéologiques historiquement contradictoires  ne change rien à l’affaire. S’il y a du ressentiment à entendre et reconnaître des idées dont on reconnaît la provenance idéologique, on ne doit pas s’arrêter à les refuser et à les mépriser ; on doit les discuter, les critiquer, les replacer dans leur contexte, avec intelligence, dans un but d’éclairer et non pas de dénigrer.  Ce deuxième préalable acquis, ajouté au fait que toute forme de violence, d’intimidation ou de menace est évidemment à proscrire, on est en droit d’espérer que des gens puissent se parler sans immédiatement entrer dans une lutte destructrice de la possibilité même de s’entendre les uns les autres. Alors, le débat, non seulement peut commencer, mais il peut continuer, assez sereinement.
    3.  Enfin, la politisation de la discussion ne doit pas empêcher les personnes non encartées dans des partis d’y prendre part. Il est regrettable qu’au même titre que l’expertise est le plus souvent présentée dans les médias comme un moyen d’inhiber la participation à la réflexionde chacun, au prétexte que chacun n’aura jamais la compétence de tel ou tel expert, beaucoup de gens s’abstiennent de prendre la parole dans une rencontre politique, ou même de s’y rendre, parce qu’ils ne se sentent pas suffisamment aiguisés pour se confronter à ceux qui parlent tout le temps politique, les militants ou les hommes politiques professionnels. Il est au contraire indispensable que la discussion contradictoire entre citoyens pousse chacun à rechercher des éléments lui permettant d’étayer sa thèse. On oublie trop généralement combien la discussion politique constitue un stimulant précieux à la recherche de documentation : on a rencontré une difficulté à démontrer la validité de ce que l’on disait à quelqu’un ; alors on repart à la recherche d’information probantes. C’est là un moyen formidable de construction et d’assimilation des savoirs. Ceux qui n’ont pas l’habitude doivent pouvoir être entendus, et leur point de vue peut avoir une grande force informative s’il s’appuie par exemple sur leur vécu, leur expérience, sur un champ de compétence qu’ils maîtrisent.
    4. Pour parachever le tout,  une dernière condition préalable qui apparaît consiste à passer de spectateur à acteur de la politique. Cela veut dire qu’à bien choisir, il vaut mieux rater un débat politique à la télévision mais en vivre un soi-même pendant ce temps-là avec d’autres personnes. C’est-à-dire que mieux vaut mille fois être dans l’action (car c’est une action !) de penser politiquement que d’assister passivement à un meeting ou à une allocution télévisée. Il y a tant à faire pour reconstruire une vie politique partagée qu’il faut préférer à toute autre forme de politique suivie (celle à laquelle on assiste sans s’y trouver dans l’action même de créer sa pensée politique propre), celle que l’on pratique soi-même, soit en actes, soit en paroles, soit en pensée, soit en lecture active. À première vue, la première étape de cette reprise de possession de l’espace politique par les citoyens ordinaires devrait être d’éteindre et de jeter leur télévision, car il est prouvé aujourd’hui scientifiquement (Michel Desmurger, « TV lobotomie, la vérité scientifique sur les effets de la télévision » Max Milo édition, 2011) qu’elle détruit les capacités des jeunes et moins jeunes individus à vivre leur vie de manière consciente, saine, active et créative. Pas étonnant avec une telle emprise  de la télévision sur les comportements et les pensées des citoyens, que ceux-ci se trouvent massivement dans l’impossibilité désormais de penser politiquement et d’agir politiquement. Cette dernière condition, plus difficile à réaliser du fait d’un degré inouï d’addiction de la masse de la population, est néanmoins la charpente à une (re)prise de possession de l’espace politique par les citoyens.  

     

     

     


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    Comme il se doit dans le mécanisme des préjugés, c’est sans même s'en rendre compte qu’un voisin, en mon absence, terminait un de ses laïus par l’expression « …comme tous ces fonctionnaires ». Autrement dit, tout fonctionnaire est par définition l’objet d’un soupçon : celui d’être un paresseux, un profiteur, un incompétent, un planqué, un poids pour la société.

     

    Ce point de vue part d’une position sociale différente, celle d’un actif de profession libérale, qui, lui, paie les URSAF, et doit toujours faire ses preuves pour gagner encore de quoi vivre par la suite, à la différence de « tous ces fonctionnaires »,  qui une fois recrutés, c’est bien connu, n’en « foutent pas une »…

     

    Sans parler de la violence d’une telle affirmation fondée sur le préjugé de principe, il faut regarder de plus près comment fonctionne un tel jugement :

    Premièrement, pour bien travailler, il faudrait risquer tout la temps la porte, ou la faillite. Quelqu’un dont l’emploi est sécurisé est donc forcément perçu comme tenté de paresser, de perdre la stimulation première, celle de la sanction de perte d’emploi, pour effectuer son travail efficacement.

     

    Deuxièmement, il n’est pas imaginé un seul instant dans cette affirmation, que précisément des gens puissent aspirer, pour justement bien faire leur métier, être débarrassés de l’exigence de rentabilité immédiate. Par exemple une sage femme, si elle peut vouloir être reconnue (voir la manifestation d’aujourd’hui à Denfert-Rochereau) dans son statut et son salaire, pour la valeur de son travail - qui n’est rien de moins que donner la vie – veut par dessus tout ne pas avoir à penser « combien je rapporte aujourd’hui ? » pour se consacrer au mieux à l’accueil des femmes enceintes et les aider au mieux à accomplir ce moment suprême de vie.

    De même un enseignant, s’il veut un salaire décent (cela fait dix ans sans la moindre augmentation, avec pourtant une vraie inflation), ne cherche pas à gagner plus en faisant son travail. C’est même par définition un travail qui demande de se désintéresser totalement de cette question. Le principe fondamental de l’enseignement est le désintéressement, la transmission ayant à elle seule, une problématique d’une complexité largement suffisante à occuper un professionnel dévoué.

     

    En revanche, examinons comment fonctionne celui qui doit gagner sa journée à tout prix, dégager du bénéfice, ce travailleur libéral, à la merci de tout retournement de fortune. Pour continuer et survivre, il devra sacrifier souvent sa vie de famille, voir peu ses propres enfants. A-t-on une idée du coût pour la société du nombre d’enfants en déficit de présence de leurs parents pour cause de travail surchargé ? Cela est difficilement chiffrable ; mais le coût en désarroi, en perte de repères pour ces enfants, que l’enseignant (tiens, voilà de nouveau l’enseignant fonctionnaire inutile) reçoit ensuite et doit aider, avec des classes à 32 élèves, à retrouver confiance, à ne pas perdre trop de chances de réussites académiques, doit être tout de même impactant sur la société.

     

    Comme ces agriculteurs non bio, qui se vantent d’avoir une affaire qui tourne, sans s’embêter avec  ces critères d’agro écologie, qui se gaussent de paysans bio qui échoueraient, et qui pour leur part, aspergent allègrement leurs champs de Roundup ou autres poisons qui filent un peu partout dans les nappes phréatiques, l’air, les alentours, sans évaluation précise des dangers. Savent-ils que leur action non répercutée sur leur prix de vente ni sur leur chiffre d’affaire, coûte à l’échelle européenne à la société civile,  26 milliards d’euros chaque année en maladies, en destructions de biotopes, d’abeilles et autres insectes polinisateurs, en pollutions irréparables, laissées aux générations futures sans remèdes ? Et bien non, ils ne le savent pas ni ne veulent le savoir. Ils sont juste contents de leur affaire, de la viabilité arithmétique et économique de leur business, au mépris de tout le reste.

     

    Donc à y regarder de plus près, on s’aperçoit que la considération de la profitabilité exclusivement économique comme sanction suprême de la viabilité d’un statut ou d’une activité, est plus toxique qu’il n’y parait. Il faudrait en fait se demander si en effet la dignité d’un homme ne réside pas supérieurement dans le seul fait qu’il aime son métier pour bien le faire, et qu’il n’a pas d’intérêt autre à l’effectuer que le plaisir qu’il trouve à rendre service aux autres, à résoudre des problèmes dont il se sent capable de trouver avec d’autres les réponses.

    Ainsi notre agriculteur non bio ferait peut-être mieux d’être un fonctionnaire de l’agriculture, qui avec des dizaines de milliers d’autres collègues fonctionnaires, ayant réglé le problème de leur survie une fois pour toute, plutôt que de s'obséder de rendre du taux d'intérêt aux banques prédatrices, se poseraient enfin les bonnes et les vraies questions. À savoir, comment faire pour produire, sans détruire l’environnement, une quantité et une qualité suffisante pour mes concitoyens, tout en améliorant les biotopes et la biodiversité, la qualité des paysages vus et partagés par tous. Et sans empoisonner personne !!...

    Donc on voit la perversité du raisonnement libéral qui consiste à ne présenter comme seule dignité la forme de travail précarisée et de rentabilité comptable, alors même que celle-ci ne prend nullement en compte ou pas assez en compte, le sens du travail pour lui même et le service qu’il rend, ni les répercussions sur les autres de leur éternelle course au fric.

    Cela nous fait dire que bon nombre de gens qui s’affirment entrepreneurs, chefs d’entreprise, travailleurs en libéral, devraient pouvoir avoir la possibilité de réfléchir à deux fois avant d’affirmer, à grands cris méprisants, leur amour de la course à la profitabilité. Puisque ce sont ces gens-là qui consciemment ou non,  fabriquent, diffusent, ou obtiennent pour eux-mêmes des profits dont la face cachée de la médaille est souvent la souffrance d'autres, la destruction d’autres richesses pourtant viables et valables, ou tout bonnement la mise en péril de toute la planète et des sociétés humaines. 

    Si l’on peut comprendre qu’aimer gagner de l’argent soit une forme d’accomplissement pour certains en demande d’indépendance financière, il ne faut pas oublier que l’indépendance n’existe pas vraiment et que chaque décision économique ou technique, stratégique, prise par quelqu’un dans l’exercice de son métier a des répercussions en bien, en mal ou en tragique, sur d’autres gens que l’on connaît ou non. Et qu’il y a là une grande ingratitude et une grande violence, après que la société vous ait porté jusque vers l’âge adulte, de lui répondre en fin de compte par la puissance de nuisance égoïste, l’avidité de positions de pouvoir ou très rémunératrices, au détriment de la vie, des ressources et des équilibres de toute la société. 

    Les financiers qui règnent sans partage sur le monde d’aujourd’hui, seraient les premiers à devoir rendre des comptes sur l’empreinte sociale, économique, écologique et leur prédation permanente et exponentielle. Ils devraient eux aussi être notés par leur concitoyens, comme on note un fonctionnaire, et rapidement être mis hors d’état de continuer à nuire, en restituant tout ce qu’ils ont ainsi gagné indûment, et, en retrouvant une condition modeste, consciencieuse et dévoués à la cause du service public, devenir des fonctionnaires, interdits d’entreprendre quoique ce soit au détriment des autres ! 

     

     

     


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  • L'affiche politique de 1920 à aujourd’hui ; le politique, l'artiste et le publicitaire : coexistence et frictions.

    L’opinion aujourd’hui n’est plus formée par l’art engagé mais principalement par des médias commerciaux surpuissants. En ces temps de déprise politique, Joël Auxenfans reproduit ses propres peintures en affiches ou tracts, qu’il colle ou distribue. Interrogeant la place de l’art dans la politique et réciproquement, il a invité Luciano Cheles, historien de l’art, Romain Ducoulombier, historien, et Maxence Alcalde, critique d’art et blogueur, pour échanger sur cette question qui ne date pas d’hier : entre le publicitaire, le politique et l’artiste, quelle coexistence et pour quelle efficacité ?

    Table ronde à la salle de conférences des Arts décoratifs (80 places ; il est préférable de réserver), 111 rue de Rivoli paris 1er, Jeudi 23 janvier 2014 de 18h à 20h30.

     


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    Collage N°2 (bis), observations

     extrait de montrougemieuxsansmetton.eklablog.fr , blog expérimental local

      

    Le collage N°2 ayant recouvert des affiches UMP, une autre équipe de soutien de M. Metton, plus officielle celle-là, s’est mise au travail et a collé les affiches de l’UDI. Nous avons donc recouvert ce nouveau collage, non dans un esprit purement polémique, mais pour expérimenter  la visibilité des affichettes noir et blanc « Montrouge mieux sans Metton ». 

     Avant de coller, j’ai pris quelques photos des affiches existantes. Procédons à une petite analyse d’image : 

     

     

     

    Le panneau regroupe, avant d'être recollé, les affichages de l'UMP et de l'UDI qui sont dissemblables par la forme, mais convergent vers le même objectif politique: l'assimilation aux objectifs politiques de la classe des ultra riches, ceux qui gagnent 1000 à 2000 fois ou plus que n'importe quel citoyen ordinaire. 

     

     

      Les affiches de l’UDI procèdent d’une autre démarche, mais qui ne semble pas plus ambitieuse quant à l’idée que l’on s’y fait des citoyens.

     

     

     

    Les affiches de l’UMP d’abord (voir 1ère photo). On ne peut que constater l’indigence créative et graphique dans laquelle ces affiches entretiennent le spectateur. Gros caractères, pauvreté des signes, des rapports de couleurs, de la syntaxe, et surtout enfermement dans un premier degré agressif, sans aucune distance. Le langage est réduit à sa plus simple expression : « Hollande, échec sur la morale, rejoignez l’UMP » avec le logo. On sent que la philosophie générale du projet politique est le « coup de marteau », ou la matraque si vous préférez. Je ne prétends pas que l’UMP soit le seul parti à matraquer le spectateur. Je constate seulement que ce parti recourt volontiers à cette rhétorique abrutissante. 

     Les affiches de l’UDI procèdent d’une autre démarche (voir photo), mais qui ne semble pas plus ambitieuse quant à l’idée que l’on s’y fait des citoyens.  Ici, l’ensemble de la surface est une image, qui fait le fond de l’affiche. Image illustrée pour la grenouille qui évoque je suppose l’environnement planétaire ; photographie pour l’autre, qui représente, je crois, la chute du mur de Berlin à la fin des années 80. Le titre accrocheur est tourné en interrogation et commence chaque fois par « envie » ou « besoin ». « Envie d’Europe ? » ou bien « Besoin d’avenir ». La réponse est la même : « rejoignez la famille de l’UDI ». On peut dire que ce sont là des procédés empruntés au langage publicitaire : slogans simplistes, plutôt rassurants et séducteurs, qui débouchent tous vers la solution unique, le parti UDI, présenté comme le produit miracle.  

     Ces deux démarches se situent ouvertement à droite politiquement, mais par des voies différentes : une brutalité réductrice du langage et du graphisme d’un côté (UMP), une forme directement reprise du monde publicitaire, dans lequel baigne déjà la majorité des citoyens de l'autre (UDI) ; ton martial d’un côté, séduction un peu creuse de l’autre. Dans les deux cas, on discerne une démarche typiquement manipulatrice : caricature de l’adversaire et mauvaise foi pour l’UMP (comme si la question de la morale de Sarkozy et ses amis ne posait pas un gros problème visible comme le nez au milieu du visage à l’UMP), politique marchandise, tout en mièvrerie, prenant les citoyens pour des enfants consommateurs chez l’UDI. Ces deux partis, adoptent ici deux stratégies différentes pour imprimer leur vision dans le paysage, mais ne manquent toutefois pas une seule occasion de gouverner ensemble pour mener la même politique au service des ultra riches.  

     Reconnaissons que les autres partis, qu’ils soient socialiste, communiste, écologiste, front national ou groupusculaires, n’ont pas une meilleure manière d’afficher leur politique. Partout ou presque, règne une même réduction de l’affiche à un seul message martelé par des slogans ou des formes ingrates et sans générosité. Je dirais, moi qui suis plutôt très à gauche, que la médiocrité des affiches de la droite semble cohérente à son projet de société, tourné vers l’autoritarisme, la soumission au dogme économique libéral, l’exploitation des gens ordinaires par une minorité qui impose ses intérêts financiers, l’intoxication de la planète, le culte de l’argent… tout cela n’a pas besoin d’une communication demandant au citoyen de se poser des questions et de faire preuve d’esprit  et d’invention d’un autre monde.  

     En revanche, les affiches des partis authentiquement à gauche, qui prônent une société de la participation des citoyens à la décision publique, à l’invention d’autres modes de production libérés de la domination de la finance, devraient logiquement être d’une autre nature, laissant davantage de création vraie, de liberté d’expression et de recherche, amenant le spectateur à se poser des questions, à raisonner, à créer. Or ce n’est pas le cas. Les affiches de ces courants d’idées prétendument novateurs et libérateurs sont très souvent aussi réductrices que celles des partis conservateurs. 

     Contre de ce matraquage stupide (celui de l’UMP), ce consumérisme politicien niais (de l’UDI),   et  contre toutes les formes d’appauvrissement visuel et sémantique du paysage politique, enfin pour éveiller les citoyens à la possibilité – et même à l’urgence ! –  de se mêler de leurs affaires,  l’action « Montrouge mieux sans Metton » est conduite avec un autre type de dessin.  

     Le graphisme et la démarche générale du projet font le pari, avec peu de moyens (une couleur noir sur fond blanc, photocopies ordinaires) de donner à voir autre chose qu’une brutalité grossière de propagande ou une manipulation publicitaire abêtissante ; faire voir quelque chose qui n’oblige pas le spectateur à penser une seule chose et toujours pareil ; mais au contraire qui laisse au spectateur ainsi qu’à l’image une certaine liberté. Qui lui laisse un espace d’appropriation.  

    C’est-à-dire que la forme de l’affichage « Montrouge mieux sans Metton » serait cohérente à une certaine idée de la politique exprimée vers tous les citoyens : faites de la politique, c’est à dire trouvez par vous-même, en en parlant entre vous, ce qu’il y a à penser et à faire ! Donc l’aventure de « Montrouge mieux sans Metton »  tient autant au développement politique qu’il entend mettre en mouvement dans la ville, qu’à la création d’un paysage visuel immédiat d’affiche, qui vive et évolue dans le temps, à l’image de la politique authentique, qui n’est autre que création et invention de soi avec tous les autres. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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