• http://www.rts.ch/archives/tv/culture/en-marge/3436012-l-attitude-de-l-artiste.html 


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  • Art engagé, engagé à quoi ?

    Que tout art soit engagé par la politique qu’il s’invente n’exclut pas la confrontation à la société qui le porte. L’art doit-il par objets de luxe interposés s’acoquiner préférentiellement avec les puissants et s’ériger en signes du pouvoir en place ? Le projet Des formes politiques s’écarte de cet accommodement : des prospectus de 21 x 13 cm imprimés sur un papier recyclé sont diffusés par des militants dans la rue parmi des gens ordinaires. Cette immédiateté et cette légèreté  matérielle donnent au projet sa forme. À l’interrogation que peut aujourd’hui la peinture ? le projet Des formes politiques répond par un don d’images sans vues mercantiles à un public non trié. Passant de mains en mains, le projet renoue avec un regard sans médiation. L’implication de militants du parti communiste français teste la capacité de ce dernier à trouver de nouveaux moyens d’expression par des projets artistiques. C’est aussi un écart hors des conventions sociologiques du champ de l’art contemporain. Si l’art apporte d’authentiques expressions libératrices de singularités et recompose les perceptions collectives, pourquoi cela ne serait pas un enseignement pour une politique qui se veut émancipatrice ? La société de demain ne sera-t-elle faite que de slogans tantôt publicitaires, tantôt militants ? N’y aurait-il pas place à des pratiques ? Des formes politiques reprend le projet énoncé par le théoricien Harald Szeemann Quand des attitudes deviennent formes (1969), en l’impliquant dans le politique. Et si l’art n’était pas que le fait du prince,… Si les artistes avaient beaucoup en commun avec les manifestations de rue qui attisent un désir urgent d’autre monde : marginaux et impérieux, à tout moment sur le point d’éprendre une foule devenue active, éclairée, inventive.  


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  • Communiqué de presse :

     

     

    Tracts muets et images parlantes

     (Paris, Marseille, novembre / décembre 2012).

     

    Des dizaines de milliers de tracts insolites vont être distribués aux passants de Paris et Marseille. Des militants du Parti Communiste Français ont accepté de porter le projet « Des formes politiques » de l’artiste Joël Auxenfans. Ces reproductions de peintures en tracts ou affiches, exposent les mascarades monstrueuses d’un personnel politique officiel cherchant par diverses imitations réciproques, à atteindre cette fusion par laquelle qui se ressemble, s’assemble.  

    Auparavant, au printemps 2012, en  pleine campagne des élections présidentielles, l’artiste a placardé l’affiche d’un portrait peint de JL Mélenchon, empiétant sur le territoire officiellement accrédité de la politique, et suscitant des réactions d’adhésion ou de rejet quelque soit le « bord » des spectateurs.

    Avec Des formes politiques, face à des images qui à la fois nous révulsent et nous interpellent, chacun est invité à se faire son propre jugement aussi bien d’esthète que de citoyen.

     

    Les projets de l’artiste Joël Auxenfans expérimentent par divers moyens ce par quoi assumer qu’ils entrent bien en regard d’une société maintenant. Ce peut être un projet de reboisement qui mêle art et discussion avec d’autres sur ce que devrait être une forêt, ou pour la nouvelle gare TGV à Besançon la création d’une œuvre interrogeant l’art, l’environnement et la cinétique ferroviaire; ou bien mettre en lumière une exposition par l’action du public sur des machines de fitness comme réflexion sur l’économie mondiale du regard. Ce peuvent être, dans le paysage devenu marchandise, des portraits peints de maisons à vendre qui conjuguent les rêves sociologiquement connotés aux réalités spatiales et sociales du quotidien.

     

    http://desformespolitiques.eklablog.fr/ 

    www.legymnase.biz


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  • Modalités : Il ne s’agit pas d’une commande. La direction de la communication du Parti Communiste Français n’a pas contacté l’artiste Joël Auxenfans pour lui demander de concevoir un projet selon un cahier des charges, en vue de certains objectifs. C’est au contraire une initiative d’artiste. Conséquence, les images sont libres de toute influence. L’artiste a fait ce qu’il voulait et a envisagé progressivement l’idée de coopération productive. S’il lui fallait un budget de production pour éditer ces dizaines de milliers de tracts reproduisant ses propres peintures, il fallait donc un financeur qui soit aussi diffuseur pour servir d’interface avec le public. Cela supposait de passer par une structure militante, avec des bénévoles qui croient en un tel projet.

    Comment aujourd’hui des militants croient utile de s’investir personnellement dans ce projet alors qu’aucun slogan ou texte reprenant les mots d’ordre de campagne politique en cours au parti communiste ne s’exprime sur le support distribué ? C’est, à mon avis, que le message assumé est ailleurs : 1) Dans le fait de laisser une liberté à un artiste. 2) Dans le fait de laisser une liberté d’interprétation à un public. 3) Dans le fait de courir justement un risque de n’être pas totalement compris.

    Ces trois éléments, replacé dans l’histoire du parti communiste, constituent des points de tension. 1) On se souvient du portrait de Staline par Picasso et défendu par Aragon. 2) On sait, quelque soit le niveau hiérarchique au parti communiste, la crainte de trahir la ligne officielle ou de ne la point défendre suffisamment ; en gros, de « s’écarter ». 3) On sait l’utilitarisme dans lequel le parti communiste « exploite » l’image, tout autre projet spécifiquement artistique étant davantage soutenu comme art, hors de l’action militante.

    C’est sur ce point précis que porte l’expérimentation (qui se pense aussi donc comme erreur possible, mais au moins testée dans la réalité). Si les choses sont à ce point séparées, l’art étant de l’art et la révolution étant la révolution, ces deux choses n’ont rien à partager. Elles ne peuvent se recouvrir nulle part. Or le but ici est de voir justement comment se passe un bref moment de recouvrement définissable ainsi : a) l’artiste est convaincu que sont travail avec ces militants est de l’art. b) les militants sont convaincus que leur action avec l’artiste demeure politique.

    Si un doute suffisamment puissant s’immisce dans le projet, et que l’artiste ne perçoive plus cette action comme son art, ni les militants ne perçoivent cela comme leur politique, alors tout s’arrête et le projet ne peut avoir lieu.

     

    Il y eut des précédents, telle cette lithographie du peintre américain Roy Lichtenstein datant de 1983 intitulée « Against apartheid » (http://www.rogallery.com/Lichtenstein_Roy/lichtenstein-against-aparthied.htm). L’artiste n’avait strictement rien changé à son langage ni à ses recherches, et avait nommé sobrement l’œuvre en créant un pont avec la lutte de son époque contre l’apartheid. Cette lithographie ne soutenait pas l’action du parti communiste mais une cause hautement politique, et à laquelle le parti communiste prenait une part active.

    Le problème de cette méthode déjà employée est de ne donner qu’une caution d’autorité par la signature d’un artiste renommé à une lutte très difficile. Fernand Léger ou d’autres artistes eux aussi célèbres ont aussi apporté un soutien au parti communiste, en laissant ce dernier utiliser l’image produite par l’artiste. Mais le travail lui-même de l’artiste n’est pas spécifiquement incarné au travers de cette expérience. Elle s’y est prêtée, elle ne s’y est pas engendrée.

    Ici le cas est différent. N’ayant pas la célébrité de ses prédécesseurs, Joël Auxenfans se sert plutôt de cette expérience comme un moyen de continuer son travail et la diffusion de son œuvre auprès d’un public considéré largement. Il sait que le parti communiste a depuis des décennies un déficit de relation avec le monde artistique contemporain pour ses visuels. Il sais qu’hormis quelques grands noms de l’art (Ernest Pignon Ernest, …) ou du graphisme  (le groupe activiste de graphistes Grapus dans les années quatre vingt, Michel Quarez plus récemment et exceptionnellement), peu d’artistes dialoguent avec le parti communiste au sein même de sa production d’images. S’il n’est pas isolé dans le monde artistique, et si par exemple la Fête de l’Humanité témoigne chaque année d’une vraie contribution réciproque pour la culture, si les municipalités communistes ne ménagent pas leurs efforts pour porter une relation de travail sérieuse avec le monde l’art, il n’y a pas de coopération au sein de créations visuelles proprement politique. Peut-être parce que cela n’est en effet pas praticable, et que chacun doit rester sur son terrain. Peut-être pour d’autres raisons, habitudes ou craintes…

    Les artistes évitent sans doute d’être catalogués « communistes », ce qui aurait, à leurs yeux, des conséquences négatives pour leur carrière ou bien pour préserver une lecture ouverte de leur travail. Le parti communiste, dans ses sphères militantes comme dirigeantes, ne reconnaît pas à l’art une faculté particulière à créer un événement qui puisse incarner efficacement une idée politique. Ce qui d’ailleurs pourrait être  interprété comme une forme de respect pour la spécificité de l’art. Et peut-être en effet y a-t-il un piège inévitable pour l’art à se mêler de politique. Et inversement, la politique ne peut parvenir sans affaiblissement réciproque, à instrumentaliser l’art.

    C’est pourquoi le projet prend ce risque de transgresser ce cloisonnement.

    Quelle leçon en sortira ? Avant même de mesurer la réception du projet par le public et par l’organisation communiste elle-même, ce qui restera une opération très aléatoire, on peut imaginer qu’une franche liberté accordée à un artiste est en soi une bonne nouvelle. On appréciera la confiance qui a pu laisser venir à la lumière du public une idée apparemment farfelue : ces images monstrueuses de figures politiques mutantes et mélangées, arrivant dans la rue par d’autres biais que les nouvelles officielles même militantes, ont-elles un lien avec la politique et avec l’art ? Cela est plausible ; et cela demande à être considéré comme réel, puisque physiquement présent entre les mains des passants. Il reste donc à saluer ce qui entre des acteurs de l’art et de la politique, s’est joué ici pour envisager autrement et l’un et l’autre, le temps d’une vision.

     


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  • Des formes politiques

    L’art, dans son contexte commercial, sophistique la rareté. Prendre le contre pied par l’édition d’œuvres multiples tels que tracts ou affiches, court-circuite la relation au public. Normalement, c’est un lieu d’exposition qui valide et introduit le travail. Mais quels publics touche-t-on par ce système conventionnel, si ce n’est cette fine frange de population qui, déjà pratiquante, fréquente à outrance les « temples » de l’art, comme abandonnant à ses destinées le monde réel ? L’amour de l’art qui anime le projet choisit d’aller vers le « tout venant », misant sur la rencontre inattendue de personnes sans privilèges avec une image, pas seulement pour rencontrer les masses mais pour croiser leur irremplaçable et conflictuelle qualité. La forme « tract » de ces reproductions rappelle les militants habités par cette urgence politique à solliciter l’attention. Pourtant la peinture n’est, elle, en apparence, nullement censée être dans l’urgence, ou pas la même urgence. D’une reproduction de peinture que l’on reçoit en pleine rue alors qu’on vaque à ses occupations, que voir ? Peu de chose sans doute. Mais qui aujourd’hui dispose du temps de regarder quoique ce soit, même en art ? Les collectionneurs, au mieux, se ruent par avions entiers de foires internationales en foires internationales. On choisit ici de reprendre terre, déplaçant cette relation vers le passant ordinaire en banalisant la rencontre sur un support de propagande. En 2012, l’affiche de JL Mélenchon (350 exemplaires affichés dans Paris) a été regardée, et visiblement appréciée sourires ou grimaces aux lèvres, sur des registres contradictoires, par des dizaines de milliers de personnes, principalement lors de grandes manifestations. Il fut le seul parmi les autres, la tête sur les épaules, à ne pas être ostensiblement coupé du corps ou défiguré. Cela valu à l’image divers soupçons d’un certain réalisme, que personne ne remarquait sur les photographies officielles. Relation directe, circuit court, ces mots empruntés aux cultivateurs agrobiologiques s’adaptent parfaitement à l’expérience. Le but n’est pas de se priver des acteurs classiques de la promotion de l’art mais prolonge cette relation par des apparitions in situ dans le social : faire des gens ordinaires des critiques d’art et de politique, et c’est pourquoi le recours à ces visages de la « représentation » politique n’est pas qu’une anecdote. Les monstres politiciens règnent. Ils nous occupent. Ils détournent la parole publique vers leurs avantages privés, substituant au demos leur démon de conservatisme, en collusion avec les puissants qui ravagent et accumulent. Ils obstruent l’horizon politique : c’est l’écran ! C’est le sujet à peindre !
       


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