• En situation

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    Attendu que le marché de l’art fait « abstraction » de l’augmentation de la misère.  Attendu qu’il prospère des  liquidités mêmes dégagées par optimisations fiscales et fraudes instituées par les plus hautes autorités de l’État (au grand désarroi des salariés des services fiscaux, qui, eux, ont un sentiment  juste du rôle de redistribution de l’impôt). Attendu donc que ce marché  constitue dans son ostentation florissante, l’exacte empreinte (en plein) des diminutions (en creux) des moyens des services publics, tels que par exemple - pour ne citer qu’eux hors la santé et le reste - les milliers de postes supprimés aux services fiscaux tout particulièrement dans les services spécialisés dans le contrôle des grandes fortunes (lire avec profit à ce sujet l'excellent livre "Faibles et puissants face à l'impôt" d'Alexis Spire édition Raison d'agir 2012). 

     Alors on peut dire que la situation de l’art aujourd’hui ne peut être détachée des questions politiques les plus urgentes. Voyez vous en un seul, dans ce gratin de l’art, qui s’interposât dans les mondanités pour contester l’aggravation des conditions de vie et d’emploi des plus faibles, phénomène se retrouvant à l’identique dans la santé plus que plantureuse des affaires conclues en art ? 

     C’est ainsi qu’à l’idée de replacer au Louvre, en situation, la Jochollande devant la vraie Joconde, s’est ajouté celle de rencontrer le monde de l’art au sein de ses lieux de travail les plus réputés : institutions, vernissages, foires… Cette fois l’image de la Jochollande devait être accompagnée, sur l’autre face d’un tee shirt, du texte bilingue fort à propos: Payez vos impôts, Pay your taxes. 

     Première étape, l’impression de tee shirts, à la manière de « souvenirs of Paris » : elle a permis de constater en cherchant longtemps, la destruction presque complète de toute fabrication textile française ou qui ne soit pas obligatoirement produite au Bengladesh, là où les plafonds des ateliers s’effondrent sur des milliers d’ouvriers, dont beaucoup d’enfants. La boutique parisienne de  transfert qui a imprimé l’image, imprime effectivement les siens - vendus 5 € avant impression - sur des tee shirts « produits précisément au Bengladesh, dans l’usine qui s’est effondrée » (sic). « Car sinon, les clients – souvent de grosses sociétés de communication -  ne veulent pas mettre le prix pour des tee shirts plus chers» (sic), entendez à un prix qui paierait dignement le travail en France (ne serait-ce que pour les cotisations sociales et de retraite et l’emploi bien sûr). Donc les plans marketing sur lesquels se basent presque tous les coups de pub en situation avec tee shirts, s’effectuent en tuant des gens ailleurs, loin, en les exploitant férocement, et en détruisant implacablement l’emploi en France. 

     Dans cette situation, je ne pouvais me contenter de cette pente de l’économie  facile. J’ai dû chercher encore pour trouver finalement plusieurs fabricants produisant de la très bonne qualité pour un prix plus élevé certes - mais en réalité pour le prix réel tout simplement, n’en déplaise aux spéculateurs. 

     Résultat : Deux tee shirts Armor Lux, produits en Bretagne, 2 x 27, 00 € + 5, 60 € de frais postaux =  + Transfert impeccable recto verso : 2 x 23 = 46,00 €. Prix total : 105,60 € pour deux et 52,80 € pour un tee shirt de belle qualité imprimé recto verso.  

     Ainsi ce commentaire sur un blog dédié à cette question de trouver des tee shirts produits en France (il y a en effet une vraie demande !) confirme mon expérience : http://www.look-zippy.com/fr/blog/2216/production-francaise / :  

     « Je crois que ce que je viens de lire n'est pas forcement juste. En effet un tee shirt fabriqué en France reviendrait au maximum (main d'œuvre, tissus bénef...) à 15 €. Le même fabriqué en Asie coûterait pour le patron beaucoup moins cher, mais nous serait vendu 15 €. Donc il est possible de donner du travail aux français à condition que les patrons acceptent de ne plus se gaver sur le dos des pauvres en Asie. Je fais remarquer que depuis que Moulinex fabrique en Asie, le prix des appareils est resté le même ... » 

     Donc je précise les contacts avec pour commencer celui avec lequel j’ai conclu pour deux tee shirts blancs (mais il y a  quelques autres fabricants français, bien cachés) : FABRICANT ARMOR LUX TEXIPULL : 4 r Verdun 
35300 Fougères / 02 99 94 21 49 / 02 98 90 05 29. Et le transfert impeccable : http://www.textilflash.net/   01 40 60 21 04 / 330 rue Lecourbe, Paris 15ème. 

    Une fois le matériel prêt, le premier rendez-vous fut le Louvre. L’idée de se positionner devant la Joconde a éveillé un léger soupçon des gardiens. La phrase « Payez vos impôts » nous a d’ailleurs valu la remarque : « c’est limite… ». Demander à tout le monde de payer ses impôts, c’est - en effet - limite ! Quelques personnes, parmi ces milliers de touristes étrangers, ont tout de même reconnu notre président Joconde, et souriaient à l’inscription « Il.H.O.O.Q. ». 

     Puis comme l’occasion se présentait, on a pu s’introduire quelques minutes plus tard au vernissage de la nouvelle exposition au Musée du Jeu de Paume. Là, la sociologie est nettement différente puisqu’on fraie avec le nec plus ultra des galeries et des institutions (Beaubourg, etc…). En fait là, personne ne remarque rien. Nous aurions pu nous présenter avec des slogans abominables, rien n’aurait été remarqué. Cela tient probablement au fait assez simple, que, dans ces lieux, les présents ne voient proprement que les interlocuteurs qu’ils ne doivent en aucun cas rater, ceux qu’il leur faut saluer, ceux qu’il leur faut connaître, dans le cadre de leurs relations mondaines, qui sont par conséquent des relations de travail et aussi par conséquent des relations amicales. Car si les bons comptes font les bons amis, ils font aussi ce « beau monde ».  

     

     

     

     

     

     

    https://www.facebook.com/photo.php?v=216489835141571&set=vb.100003416670109&type=2&theater

     

     

     


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    Lorsque la charité sert d’alibi pour s’interdire tout débat de fond.

     

    La course Odysséa rassemble chaque année des bénévoles pour courir et rassembler des fonds pour la lutte contre le cancer. Quelques centaines de milliers d’euros sont ainsi rassemblés chaque année. De nombreuses initiatives de ce type existent, dans divers domaines de solidarité, santé, aide, formation.

    Il y a une différence entre les associations, avec un bureau élu qui doit des comptes sur sa gestion et ses orientations, et les fondations, sans instances élues, qui fonctionnent fatalement avec plus d’opacité.

    Il a déjà été écrit ici combien la notion de fondation, pourtant souvent utile (et j’en sais quelque chose), présente l’inconvénient d’être une justification à des politiques d’optimisation face à l’impôt. Autrement dit, des grandes fortunes trouvent un intérêt stratégique, communicationnel ou financier supérieur à investir dans un fondation plutôt que de simplement payer leurs impôts d’une manière anonyme. « Je donne 3, et tout le monde le sait au lieu que je doive donner 10 et c’est simplement mon devoir. » Telle semble être la devise des décideurs de placements en fondation.

     

    Toutefois lorsque jour après jour, des nouvelles comme celle-ci tombent : « La contribution de 1% sur l'excédent brut d'exploitation des entreprises est donc enterrée. Cette mesure, assez technique, consistait à taxer d'avantage la marge que le résultat pour récolter quelque 2,5 milliards d'euros. » (France Info 6.10.2013), on peut craindre que le dévouement à courir à Odysséa pour rassembler 200 000 euros ou même davantage devienne finalement un exercice de style en vertu personnelle parfaitement inopérant eu égard aux sommes énormes qu’on laisse ainsi au même moment détourner d’un même usage. « Je me bats pour collecter 2, mais je m’interdis d’empêcher le détournement de 2000 » semble être la devise des participants à odysséa. Là est un peu la faiblesse de cette attitude strictement caritative refermée sur elle-même. Cette incroyable faiblesse des institutions de bienfaisance pour s’attaquer à la source des problèmes qu’elles entendaient traiter est une tradition qui remonte à longtemps, ne serait-ce qu’au XIXème siècle pour commencer, lorsque la violence des rapports d’exploitation sur la multitude par les détenteurs du capital s’exprimait sans frein à une échelle totalisante (il ne s’agissait pas alors de parler en cela de totalitarisme pour des raisons que j’attends). Les mêmes associations de bienfaisance, le plus souvent fondées et tenues par des membres des familles des dominants, ou par le clergé qui en était un rouage efficace (« La religion est l’opium du peuple » n’est pas une vue de l’esprit de Marx), regardaient avec la plus grande hostilité les associations ouvrières qui se montaient laborieusement pour se défendre d’une exploitation féroce. La charité servait donc bien, par delà les aides concrètes apportées, d’alibi pour justifier l’intensification juridique et politique de l’exploitation économique la plus violente. Elle servait de dérivatif à l’envie de bien faire de bonnes âmes. Elle contribuait à désactiver chez beaucoup de gens honnêtes le sens de l’injustice.

     

    J’ai pu faire dernièrement l’expérience sociologique test auprès de voisins de ma résidence dont plusieurs informaient et invitaient à cette course en joignant le lien Internet. Après une première remarque critique il y a un an qui m’avait valu l’interdiction par dénonciation publique par quelques voisins bien élevés de mes « mails politiques », j’ai renouvelé ma tentative d’exprimer un son de cloche moins consensuel. J’ai écrit ceci : 

    « En courant, gardez en tête que le montant des sommes soustraites chaque année par les grandes fortunes à la contribution nationale s’élève à plusieurs centaines de milliards d’euros*1, largement de quoi combler le trou de la sécu (18 milliards), des retraites (6 milliards) et financer une recherche*2 de pointe dans tous les domaines.

     

    (*1 exemples: exonérations de cotisations sociales patronales 30 milliards, non déclarations des accidents du travail 350-750 millions, Crédit Impôt Recherche 6,4 milliards, dividendes du CAC 40 taxés à moins de 8% (contre 33% pour les PME), évasion fiscale 60 à 80  milliards, optimisation 170 milliards de niches fiscales, et dès 2014, le CICE “sans aucun contrôle” (sic ! dixit Moscovici) 20 milliards... Ces sommes créent la dette, que l’État souscrit... à ceux qui n’ont pas payé leurs impôts et en font une rente au détriment de la population)

    ( *2 recherche médicale que les grands labos délaissent pour des placements financiers avec les aides de l’État, et avec sa bénédiction).

    Lecture recommandée: Alexis Spire, Faibles et puissants face à l’impôt, collection Raison d’agir 2012, à la médiathèque de Montrouge...

    Aussi je suggèrerais volontiers à la course Odysséa l’an prochain de proposer à ses participants d’arborer massivement des tee shirts marqués de “ MILLIARDAIRES, PAYEZ VOS IMPÔTS !”. Alors, j’en serai !!

    Amicalement, »

    Et j’avais ajouté aussitôt :

    « J’oubliais !!
     
    Pour la 3e année consécutive, les collaborateurs de Natixis participent à la course Odysséa !! Évidemment ! »

    C’est à dire qu’après recherches sur Internet, je dévoilais que les requins de la finance envoient chaque année sur la course caritative apolitique leurs « collaborateurs » faire de la propagande marketing pour les marchés financiers, comme si ceux-ci n’étaient pas responsables en grande partie de l’assèchement des budgets publics dédiés à la recherche et à la santé …(http://www.humanite.fr/social-eco/trading-hautes-frequences-la-guerre-des-millisecon-550493 ) 

     

    Cette initiative formulée avec des éléments chiffrés, m’a valu plusieurs réponses hostiles, dont pour certaines la grossièreté le disputait à l’hystérie haineuse. Comme quoi, la charité, et la vertu séparées du politique, ne servent à la petite bourgeoisie qu’à montrer les crocs dès que le saint système est critiqué dans son mécanisme de production des misères de masse.

     Par exemple, comment peut-on lutter efficacement contre le cancer si dans le même temps où l’on rassemble des fonds pour la recherche, on reste indifférent, passif ou violemment hostile lorsque  quelqu’un apporte des informations concrètes sur les multinationales agro alimentaires et leur profits ahurissants effectués en empoisonnant massivement l’environnement, les salariés et les consommateurs. « Malheur à quiconque ose éclairer ses concitoyens ! » (Robespierre, L’affaire du paratonnerre de saint Omer 1783, cité dans Georges Labica, Robespierre, une politique de la philosophie, La Fabrique éditions 2013). Là encore, le crédo est «  je contribue à aider pour 2 mais j’interdis violemment que l’on empêche une dégradation de la situation pour - 2000 ». Rappelons que concernant la santé publique, une enquête de Bruxelles a démontré que le coût supporté par la société civile européenne des usages massifs et répétés de poisons perpétrés par les multinationales de l’agro business sur les sols, les animaux, les aliments et les espaces, s’élevait à 26 milliards annuels. 26 Milliards payés par la collectivité, détournés d’autres destinations utiles (d’ailleurs dépensés en grande partie auprès des mêmes labos privés pour les médicaments) et qui ne sont pas répercutés sur le prix de vente des produits issus de cette agriculture chimique. Autant dire qu’il s’agit d’un double pillage de la société civile : 1 ; dans la falsification du prix et donc dans la tromperie sur la viabilité effective de cette économie 2 ; dans les conséquences sanitaires, environnementales et sociales  de ces produits, conséquences pour lesquels les responsables (pollueurs industriels de l’agro alimentaire) ne contribuent pas du tout à hauteur de leur impact de nuisance réel.

    Donc cette expérience, avec ses agréments et désagréments (s’exprimer malgré un interdit est toujours jouissif, mais recevoir en retour les crachats attendus ou moins attendus est moins plaisant), révèle un peu plus encore la maladie, le cancer, dont souffre le politique. Il n’est plus possible aujourd’hui sans se faire incendier et livrer au pilori, de s’exprimer clairement entre voisins, collègues ou même dans la rue, sur une critique nécessaire des aberrations du système économique en place.

    Ce qui nous rappelle à l’article précédent « Auxiliaires avoir, auxiliaires être ». Les auxiliaires du systèmes, travaillant (car il faut bien gagner sa vie) dans différentes instances représentatives du pouvoir décisionnel, de contrôle, de l’économie et de la finance (organisme financier privé, média privé, sociétés privées de  construction et spéculation, labo privé, …), se croient obligés d’être les défenseurs du maître dont ils sont devenus, à l’insu de leur plein gré, les serviteurs consentants, voire les farouche militants (sans aucune justification objective correspondant à leur situation sociale réelle, étant simples salariés corvéables et jetables).

    Ceci appelle une conclusion : Lorsqu’un faible, dans sa misère, est conduit à voler, c’est mal, mais logique et compréhensible. Lorsqu’un puissant, dans son immense puissance, s’arroge le droit de voler, c’est mal, mais c’est logique et attendu, vérifié tout au long de l’histoire. Mais lorsqu’un « moyen » s’acharne à défendre le puissant et à écraser le faible, pensant trouver là le salut pour lui-même et en plus sauver quelques miettes, alors c’est là l’une des choses les plus méprisables qui soient. Compréhensible aussi (presque tout peut  se comprendre si on accepte de s’y intéresser honnêtement et sérieusement), certes, mais méprisable tout de même. 

    Un dernier point pour rester positif:  

    La charité fait passer quelque chose qui relève du droit pour le fruit d'une bienveillance et d'une grandeur d'âme d'heureux élus généreux, ce qui camoufle en fait une injustice sociale par du capital symbolique pour "cette société où l'on aide les pauvres", alors que dans le même temps on les prive de leurs droits (ici à être bien soignés avec de la recherche bien financée). Et puis soyons sérieux, échanger, parler, n'est pas nécessairement incompatible avec l'action concrète. Au contraire, on éclaire l'action, on l'oriente,... on la réfléchit !! Donc stop à ce mur du silence petit bourgeois contre la politique !

     


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    Ma maxime personnelle :

    Si l’on mesure une société à la manière dont sont traités les faibles, les femmes, les enfants et l'environnement, on mesure aussi le projet d’un mouvement politique à la manière dont ce dernier traite les images.

    Et ma conclusion :

    La nouvelle société n’est pas pour demain…

     

     

    J’ai connu les premières fêtes de la musique, il y a trente ans. Je jouais moi-même beaucoup de l’harmonica dans le métro, plutôt bien. J’y accompagnais de multiples inconnus, spontanément, au hasard des rencontres, des affinités, il y avait des rendez-vous en certains points du centre de Paris. Percussionnistes antillais ou africains, berbères, guitaristes rock du feu de Dieu, américains géniaux (Philip de Los Angeles qui chantait tout le répertoire des Beatles avec une vibration divine dans la voix et un autre américain au son guitare démentiellement rock, que je retrouvais sur le parvis de la gare Montparnasse pour des duos d’un blues rude et farouche) ; il y avait Diabolo qui jouait de l’harmonica seul puis avec moi, avant de s’envoler par la suite, en déguisement de panthère, avec le groupe de Jacques Higelin. Quelques-uns étaient accros à la drogue dure, et parvenaient à s’en sortir ; une épopée… J’ai eu ainsi de vraies amitiés, à même la ville, le métro et la musique. J’avais vingt ans.

    Puis est arrivée cette « fête ». D’abord simple récupération et concentration évènementielle de la musique spontanée qui existait déjà tous les jours, cette fête en est arrivée à devenir une grosse machine, avec des grandes scènes, des sonos, des groupes programmés… Plus rien à voir avec la simplicité populaire de la musique qui se jouait partout, celle des musiciens et des bateleurs. À croire, avec le recul, que cette fête était finalement destinée à canaliser, à contrôler l’émergence de l’envie de jouer, à assécher la dimension incontrôlable, diffuse et permanente, rebelle, de cette musique parisienne. D’ailleurs à partir de ce moment, jouer de la musique dans le métro ou dans la rue est devenu interdit. Cela accompagnait une augmentation du trafic voyageur du métro, puisque la banlieue s’élargissait sans cesse. Et puis la pauvreté augmentant, l’aspect euphorique du musicien a été remplacé par une mendicité assez lancinante, de mauvais musiciens ont pris la place des autres. Cela devenait une nuisance. Là dessus, la fête de la musique a continué son essor, son règne. Désormais la fête de la musique est une énorme usine à sons, par laquelle le public, de musicien qu’il avait pu être auparavant, est devenu complètement consommateur de festivités organisées entièrement à sa place.

     

    Un phénomène similaire est survenu avec Nuit Blanche, il y a onze ans. Inutile de chercher à faire le rabat joie, le principe de Nuit Blanche a quelque chose de séduisant, d’excitant. Cette course d’un lieu à l’autre de Paris toute la nuit pour voir des choses étonnantes, des créations d’artistes contemporains, franchement, qui pourrait s’en plaindre ? J’ai même pu participer hors programme en 2007 avec mon Gymnase  (voir www.legymnase.biz )  devant le musée du Montparnasse et à la Heartgalerie rue de Charonne, il y a six ans.

    Toutefois, d’années en années, le programme donne l’impression de s’être énormément chargé, cela devient quelque chose de hors échelle. Bien sûr qu’il faut être en mesure de recevoir en divers points de la ville les dizaines de milliers de visiteurs que l’on a préalablement motivés. Et Paris est une des plus grandes et belles villes du monde : il faut donner le ton. Ce qui me frappe tout de même dans cette débauche programmatique, c’est le rôle attribué aux parisiens : Bon enfant par envie de distractions ou affuté pour l’art contemporain, ce public est une masse en déplacement. Mais est-il un peuple en action ? Là encore, tout est tellement prévu, programmé, professionnel, il y a tellement peu de surprises hors les attractions et les éventuels incidents périphériques, que l’on voit là une sorte de canalisation conduisant des flots de gens en divers endroits de la capitale ; certains branchés, d’autres moins.  Et qui est ce public de nuit blanche ? En a-t-on une idée sociologique ? Au prix où sont les consommations dans les bars, et les restaurants de Paris, au prix du m2 du logement (C’est le jeune chef de file communiste élu à la ville de Paris Ian Brossat qui a donné comme image « une feuille A4 rapportée au prix au mètre carré équivaut à 522 euros contre 218 euros il y a 10 ans »), les gens modestes ne vont pas trainer à Paris cette nuit. Ils ont en plus, lorsqu’ils ont un, ou des emplois (généralement précaires ou mal payés), un besoin physique de repos considérable. Et puis je sais comme enseignant d’arts plastiques en collège, que peu de gens sont au fait de l’intérêt de voir de l’art contemporain, de suivre des tables rondes avec des curateurs ou des critiques. On peut bien sûr le regretter, ce que je ne manque pas de faire, mais c’est un fait. Et cela réduit d’autant les chances de voir là une véritable « démocratisation de l’art ». Donc ce public vient d’ailleurs. Jeune en grande partie, éduqué, voir branché, ou bien en famille (j’ai vu cela), mais quelle famille ? Quel milieu social ? À voir l’élargissement de nuit Blanche aux galeries les plus pointues du marché de l’art, il s’agit peut-être d’une foire « by night », en tout cas c’est la continuation des affaires. Aussi lorsque la candidate socialiste Anne hidalgo a déclaré vouloir organiser après son élection les « 24 heures du périphérique », on peut se demander à quels parisiens s’adresse cette proposition alléchante. Comme quoi le vivier électoral sur lequel mise aujourd’hui un candidat socialiste est une mouvance suffisamment riche pour pouvoir vivre à Paris intra muros et suffisamment passionnée par ces surprises parties géantes pour en faire un but dans l’existence.

     

    Il y aurait moyen de penser une orientation des financements de la culture qui n’aille pas à ce point vers le divertissement. Le même argent pourrait aller à un autre usage, d’une autre manière, et impliquer autrement les gens modestes pour les sortir de leur télé. Cela reste justement à inventer ; une œuvre quoi !

     

    Donc ma sensation de plus en plus précise est que Nuit blanche ainsi que la Fête de la musique servent à endormir. Et les artistes là dedans ? Difficile de résister lorsque l’on cherche à tout prix à exister sur le devant de la scène, de ne pas chercher à obtenir une place sous les projecteurs lors de Nuit blanche. Mais à qui sert Nuit blanche, sinon aux politiciens ? 


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    Conversation sur un oreiller

     

     

    -        Mais mon chéri, tu sais qu’il peut nous faire beaucoup de mal cet homme, dans la situation où il se trouve et avec ce qu’il peut dire sur toi, enfin sur nous ?..

    -        Je sais ma chérie, je sais. Tu ne crois pas tout de même que je n’y ai pas pensé ?!

    -        Oui mais alors, que comptes-tu faire ?

    -        J’ai ma petite idée…

    -        Non tu ne vas tout de même pas…?

    -        Si ! … Il le faudra tôt ou tard, il a acquis désormais une trop grande capacité de nuisance, tu sais. Il faut l’intercepter et… passer à autre chose.

    -        Mais il t’a pourtant bien aidé il n’y a pas bien longtemps ?

    -        Oui mais c’est une autre histoire, c’est du passé, et justement, il faut faire disparaître cela.

    -        Mais alors comment comptes-tu t’y prendre ?  Chéri tu me fais peur. Je sais que tu es fort, mais c’est risqué tout ça ; cela peut se savoir.

    -        Ne t’inquiètes pas, les gens ne voient presque rien ! il y a un tel tumulte dans tous ces évènements. Un incident de plus, personne ne le remarquera.

    -        Mais qui peut faire cela pour toi ?

    -        Mais ma chérie,... il y a dans ce pays des hommes d’élite, capables de ce genre de choses, avec toute la discrétion qu’ils savent garder dans leur fonction.

    -        Bon, si tu es si sûr, je te fais confiance.

    -        Comme toujours ma belle ?

    -        Comme toujours !

     

    Il y a dans cette histoire inventée comme un souvenir des dialogues secrets de Macbeth. Le complot, le crime, la croyance en l’impunité ; et surtout le dénouement, qui demande  encore à s’accomplir,  consistant en cette « forêt qui marche »  - signe ultime de la fin de la tyrannie. La forêt qui marche, ce sont chez Shakespeare les soldats de l’armée unie, couverts de feuillages, qui avancent vers le château de Macbeth pour abattre le tyran. Cette forêt, pourrait être pour tous ceux qui aiment à espérer entre les lignes, le peuple uni, qui avec la ruse démultipliée d’individus inventifs et  la puissance de la conviction, pourrait un jour renverser la tyrannie (de la finance). Mais ce jour, avouons-le comme un appel, ne se dessine pas encore nettement !!...


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