• Une distribution inattendue accompagne l'ouverture du Mucem, à Marseille. 

    Sur ces "tracts", les personnels les plus en vue de la "scène politique" sont mélangés au gré de leurs affinités. Les monstruosités qui en découlent constituent un thème de peinture et de distributions en direction du public non trié de la rue, et celui plus ciblé des inaugurations. 

    Ainsi à un mois et demi de distance, l'ouverture de la rétrospective de Keith Haring "the political line" au musée d'art moderne de la ville de Paris et l'inauguration du Mucem, voient se répondre des actions dans lesquelles se mêlent le militantisme - il s'agit de militants du Front de Gauche et du parti communiste - et des oeuvres d'art aux prises avec la rencontre d'un public sans médiation institutionnelle.

     Autant cette expérience interroge le responsabilité et le champ d'action  culturel d'une organisation politique qui revendique d'autres pratiques politiques et culturelles à inventer, autant elle revisite l'héritage de l'art "engagé" pour tester s'il est possible de résister à l'érosion poétique qui toucherait fatalement une oeuvre affrontant les enjeux critiques de la société en crise.

    Que le politique et l'art soient aujourd'hui amenés à sortir des chemins tracés, des classements et des cloisonnements, tend à rendre le public acteur d'une critique sociale et artistique immédiate : celle qu'il est amené à se construire par ses moyens propres.

     

    Un grand merci aux militants de Marseille et longue vie au Mucem !! 

     

     

     

     

     


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  • « En fait, tous les français sont des produits croisés, et recroisés, et surcroisés de milliers et de milliers d’alliances hétérogènes. Et nul ne saurait se pencher sans un sentiment de trouble profond sur ce gouffre du passé, sur cette suite prodigieuse d’unions et de rencontres, de rapts et de violences, de hasards heureux et de misères subies dont il est finalement, après des millénaires, l’aboutissement imprévu.


    Évoque devant toi la masse formidable de tes ancêtres. Songe que tu as deux parents ;  quatre grands-parents ; huit arrières grands parents ou si tu préfères, huit bisaïeux et seize arrière-arrière-grands-parents ou trisaïeux, dont, pour employer la formule consacrée, le sang coule dans tes veines ; songe que j’arrête l’énumération au quatrième degré en remontant, mais qu’elle continue sans arrêt ; que le nombre des personnes, hommes ou femmes, dont nous descendons ne cesse de croître avec une prodigieuse rapidité ; que cependant nous ne savons encore rien, ou à peu près, sur la façon dont se transmettent à leurs descendants directs, dans le détail, les caractères des ancêtres, leurs qualités, leurs défauts, leurs vices de corps et d’esprit, etc. ; que dans les 256 personnes (128 hommes et 128 femmes) qui sont tes aïeux à la huitième génération seulement, il y a évidemment de tout, au point de vue des provenances, des caractères physiques et des tempéraments - dans les villes surtout, j’imagine, où le brassage des populations est plus intense que dans les campagnes. Pense à tout cela, et dis-toi que tu n’as aucune raison de choisir parmi ces être humains (dont les uns étaient grands et les autres petits, d’aucuns irritables et nerveux, d’aucuns flegmatiques et placides, ceux-ci blonds et ceux-là bruns, ceux-là robustes et ceux-ci chétifs) tels ou tels dont il te plairait de te réclamer spécialement et de penser, sans aucune raison, que tu reproduis les traits et les caractères ; car comment saurais-tu faire ce choix puisque, sauf exception très rare, tu ignores tout de tes ancêtres au delà de la troisième génération ; que, par exemple, tu ne sais rien de celle qui fut ton aïeule à la huitième génération et qui naquit en 1680 – ni même de cette autre qui naquit en 1800 et qui fut l’arrière-grand-mère de ta grand-mère…


    Auquel des types physiques que nos anthropologues sont si fiers d’avoir isolés appartenaient-elles l’une et l’autre ? Et leurs maris ? Des Nordiques ? Des Alpins ? Mystère. Tu n’en sais rien. Seuls quelques rois, quelques Grands  de ce monde ont des données (et bien incertaines) à fournir sur ce point, parce qu’ils disposent de portraits de famille et de documents, bien difficiles d’ailleurs à exploiter. Alors ?

     
    Alors nous sommes des sang-mêlés. Ne parlons pas de race pure. Un anthropologue suisse conclut : « Pour les ethnologues, la France se présente comme une synthèse de l’Europe ». Et il ajoute : elle paraît contenir plus de types ethniques que l’Italie même. » Faut-il gémir sur cette richesse, sur cet étonnant afflux de races sur le sol français ? Certes non. Nous sommes des sang-mêlés et c’est très bien ainsi…


    « Comment, très bien, me diras-tu ? Cependant on prend grand soin de sélectionner les animaux. C’est qu’on estime, évidemment , que ceux qui sont « purs de race » valent mieux que les autre, les mélangés ? » - Sans doute. Mais le problème n’est pas le même pour les hommes et pour les bêtes. S’agissant de celles-ci, on se propose d’atteindre un but économique précis. On cherche à obtenir des espèces spécialisées dans une sorte de production particulière. Ces moutons sont pour la viande, mais ceux-ci pour la laine. Ces vaches pour le lait, celles-ci pour la reproduction. Telles poules, produits d’une sélection rigoureuse, pondent beaucoup ; ces autres, qui pondent peu, ont la chair délicate et grossissent rapidement.


    Soit. Mais en admettant qu’il soit possible qu’on fasse avec les hommes ce qu’on fait avec les bêtes, une question se pose : l’idéal, pour les membres d’une nation, serait-il de présenter, développée à l’extrême, une seule et même aptitude physique ou morale ? ce serait absurde – et d’ailleurs impossible. Car les hommes n’en sont point encore à se laisser marier d’autorité par des vétérinaires humains tout-puissants, maîtres absolus des unions et des croisements – et les réglementant d’ailleurs au nom de quoi ? de la science ? Mais je répète que nous ne savons rien encore, ou presque rien de tout cela… En attendant ?

      
    En attendant, bienheureux l’homme qui est le résultat d’une extrême profusion de croisements divers. Car il risque d’avoir des aptitudes variées. Des dons multiples, hérités d’ancêtres très peu pareils. Et j’ajoute : bienheureux le groupe, bienheureuse la nation qui n’est pas « pure ». Car dans la variété des types d’individus qui la composent, elle risque de trouver des citoyens et des citoyennes capables de faire face à toutes les difficultés, à toutes les épreuves que la vie réserve à un groupe d’hommes organisés en nation. Et c’est tant mieux pour elle. Ce n’est pas la monotonie d’un seul caractère, d’une seule aptitude, qui fait la richesse d’un peuple. C’est la diversité des moyens. Le contraste des tempéraments. L’opposition des natures. »



    Lucien Febvre et François Crouzet, Nous sommes de sang-mêlés, manuel d’histoire de la civilisation française, présentation de Denis et Élisabeth Crouzet, éditions Albin Michel 2012. « Un manuscrit retrouvé de 1950. Un événement. »


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    Qui jubile ? Aujourd’hui qui jubile ? Vous les voyez, les gens, jubiler ? … , ceux qui rentrent du travail ou font leurs courses ? ( excepté aux jeux du stade qui sont justement faits pour suppléer artificiellement l’absence de cette jubilation, voire la désespérance, dans la vie). Personne ne jubile aujourd’hui, sauf … Les bénéficiaires de l’ANI nouvellement adoptée à vote forcé (disposition dont n’ont pas été victimes les opposants au mariage pour tous) ; ces heureux gagnants, heureux propriétaires d’actions, vont pouvoir licencier par trains entiers sans motif valable, tandis que les délais de recours trop courts les mettront à l’abri des actions juridiques des salariés défendant l’activité. On pourra désertifier et paupériser à gogo ! Partant, le travail, pour ceux qui en ont encore, deviendra encore plus un champ de délire managérial accentué (« …tué ! » répondit l’écho).

    Pourtant,

    « à un moment où la part intellectuelle du travail a énormément progressé, jusqu’à devenir quasiment exclusive dans un certain nombre d’activités, la tentative de la tayloriser  bute sur l’aspiration de chacun à exercer pleinement sa qualification, y compris dans ses capacités d’expressions et d’intervention démocratique sur son propre travail, ses tenants et ses aboutissants. Comme le constate Yves Clot :

    « (…) La source principale des problèmes de santé au travail est l’impossibilité dans laquelle on se trouve de faire quelque chose qui soit défendable à ses propres yeux. Dans beaucoup de situations professionnelles, les salariés sont amenés à effectuer des tâches qui ne sont pas complètement défendables à leurs propres yeux et dont ils n’ont pas envie de parler le soir en famille, à leurs enfants, à leur conjoint… Ce problème de travail de qualité – ou de la qualité du travail –n’est pas celui de la qualité de vie au travail. En situation professionnelle, on se « rétrécit » lorsqu’on ne peut pas tirer un peu de fierté de ce qu’on fait. Ce rétrécissement est préjudiciable à la santé. » (Yves Clot, intervention lors du colloque « une politique du travail », Fondation Res Publica, 9 Janvier 2012.)

    La réduction de la performance à sa dimension financière, au détriment du travail bien fait et du plein exercice de la qualification de chacun, est un contresens au plan humain et économique. » (Laissez-nous bien travailler ! Manager sans Wall street, Marie José Kotlicki Jean François Bolzinger, éditions de l’Atelier, Paris 2012, p 56)

     

    À  l’autre bout de la chaine, se trouvent les enfants en difficulté scolaire ; « ceux dont on n’attend rien ». Pour Régis Félix, Militant à ADT Quart monde, ancien professeur et principal de collège pendant de nombreuses années, amener ces enfants en échec vers les savoirs scolaires demande que l’ « on s’appuie d’abord sur la conviction que tous les enfants sont capables d’apprendre des savoirs complexes. Mais pour permettre cet accès, les enseignants doivent s’ouvrir à un modèle qui leur est souvent inconnu. Aujourd’hui quand un enfant de milieu défavorisé arrive en classe, on lui demande d’abandonner sa culture familiale et de quartier, pour entrer immédiatement dans la culture académique de l’école. On ne s’appuie pas sur les compétences qu’il possède, on les nie, voire les méprise, tout en exigeant qu’il apprenne le théorème de Pythagore…Tiraillé entre sa famille et l’école, l’élève se retrouve dans un conflit de loyauté et ne peut apprendre. Le rôle de l’enseignant doit être de valoriser la parole de l’enfant le plus en difficulté. Il faut lui faire confiance, partir de son vécu, lui laisser le temps de s’exprimer pour qu’il devienne acteur de son savoir. »

    http://www.humanite.fr/societe/regis-felix-priorite-aux-plus-exclus-541914

    (Tous peuvent réussir ! Partir des élèves dont on n'attend rien. Régis Félix, Éditions ADT Quart Monde, 2013)

    Cette évidence que l’école devrait « partir des plus en difficulté » est bien vite oubliée, lorsque l’on doit mener des cours dans la réalité d’un collège. Et c’est injuste ! Mais la cause en est-elle l’incapacité des enseignants à mener de front leurs cours selon leurs objectifs et la nécessité de partir en effet de ceux qui n’ont que l’école pour apprendre ? Accepter le clivage des origines sociales signifie qu’on l’aggrave. Mais résister à cette tentation est une difficulté qui place l’enseignant dans une posture schizophrénique, avec en face de lui des publics d’élèves qu’il ne parvient pas dans la durée à faire coopérer dans l’action d’apprendre. Tant qu’on traitera les bénéficiaires du système économique avec plus d’égards que les enfants en difficulté scolaire, comme le montre l’affaire Tapie-Lagarde-Sarkozy qui aura coûté à l’État près d’un demi milliard, les enseignants n’auront pas les moyens en temps, en reconnaissance de leur qualification et de leur responsabilité, pour poser les bases de relations de travail scolaire qui accueillent effectivement tout le monde. Or le monde est un tout, l’oublier signifie le priver de son levain, et accepter une violence perpétuellement reconduite de générations en générations... 

     

     

     


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  • Participant à un jury de collège en histoire des arts - épreuve bricolage inventée pour occuper de manière disparate les personnels de l'Éducation Nationale sans leur accorder ni le temps, ni le soutien, ni les moyens - j'ai pu entendre des collégiens parler de "Massacre en Corée" de Picasso. 

    Avec leurs mots timides mais francs, ces gamins sérieux tout à coup, disaient de Picasso qu'il "était un artiste engagé, membre du parti communiste, et que pour cela il avait peint un tableau contre la guerre en Corée conduite par les USA, guerre surtout dirigée contre des civils, femmes et enfants (..); que ce tableau rappelait d'autre œuvres antérieures de peintres comme "Il tres de Mayo" de Goya, etc." 

    Il était surprenant d'entendre ces jeunes esprits répéter studieusement leurs cours ou leurs notes dénichées sur Internet ou dans je ne sais quel livre, et livrer un témoignage neuf de ce que l'engagement politique n'est pas, comme je crois le savoir tous les jours des évitements de mes collègues ou des adultes d'aujourd'hui, "quelque chose de mal élevé", mais au contraire un devoir, un besoin vital, un air vivifiant pour la pensée et la vie de chacun et de tous.  

    Paradoxe aussi d'entendre que "l'art engagé" et "l'artiste engagé" du passé ont droit de cité dans les épreuves officielles comme faisant partie d'un patrimoine à conserver et cultiver, tandis que les tenants et aboutissants de l'idéologie ambiante, et leurs "récepteurs" humains majoritaires, condamnent toute oeuvre d'art engagée actuelle comme l'inévitable reliquat d'un totalitarisme se terrant dans l'ombre.  

    Je trouve un écho à cet étonnement dans l'extrait ci dessous (trouvé dans  Médiapart du 18 mai, par Dominique Cosnil et Joseph Confavreux) de Jean-Christophe Bailly, "vers une utopia povera ?".

     (...) " dans un magnifique chapitre, intitulé Utopia povera, Jean-Christophe Bailly évoque – depuis la chute du communisme – la « suspicion quant à toute pensée du pari », toute « forme d’association humaine différente ». Quelle pourrait être, aujourd’hui, « la quotidienneté de l’utopie », selon la formule de Benjamin ? 

    « On a très envie de répondre de façon totalement pessimiste et sombre. On pourrait dire que nous ne sommes plus capables d’utopie, que nous vivons une époque qui ne se rêve pas, qui, pour partie, se replie. On pourrait dire que ce qui a été nommé, au XXesiècle, “le principe d’espérance” est absolument coulé, réduit à de petits programmes personnels, égoïstes. Mais d’un autre côté, il y a je pense, ici et là, dans des têtes, solitaires, mais aussi dans des groupes de jeunes gens, les germes d’une utopie. Une utopie qui n’est plus théologiste, se projetant vers un avenir radieux, mais fonctionnant de manière beaucoup plus humble, avec les éléments du bord, c’est pourquoi j’emploie le terme d’utopia povera. C’est quelque chose qui circulerait entre des jardins ouvriers, des chantiers sociaux un peu secrets, d’autres façons de travailler... 

    « On peut ainsi entendre des conférences, par exemple Marc Dufumier qui est un agronome formidable, ou Alexandre Chemetoff , et on voit venir la possibilité d’un monde. Bien entendu, ce n’est absolument pas relayé au niveau politique, y compris par les partis politiques les plus offensifs. À l’heure actuelle, c’est le divorce total entre le monde de représentation des politiques et l’effectivité du monde social. 

    « Il y a des réalisations qui se font, mais il est très difficile de coordonner ces îlots. Mais je crois que si l’on faisait un inventaire généralisé des noyaux de pensée, de fabrique, de résistances utopiques, on serait surpris par la quantité de choses qu’on trouverait. On peut y voir des raisons d’espérer, et des raisons de désespérer dans la mesure où je ne vois pas, à l’heure actuelle, de possibilité d’intensification de transformation réelle à partir de cela… ». 

     

     

     


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