•  

     

    Un colonialisme des riches sur la terre ?

     

    Joël Auxenfans. Peinture Affiche.  2019.

     

    Comme le montre le remarquable ouvrage sous la direction de Marc Ferro « Le livre noir du colonialisme, XVIè-XXIè siècle : de l’extermination à la repentance » (Robert Laffont 2003), le colonialisme semble se caractériser, dans ses diverses formes, par l’utilisation plus ou moins habile des structures de pouvoir indigènes traditionnelles pour maintenir l’ordre colonial, lever l’impôt, organiser l’exploitation des gens et des ressources.

    Cette entreprise n’a eu de cesse de se réinventer sous des formes contemporaines, des pays dominant le monde exerçant une tyrannie implacable sur les peuples soumis à cette emprise, par le moyen d’instruments coercitifs, qu’ils soient monétaires (crédit, fonds de réajustements structurels, dette souveraine, « 3% », etc.), militaires (interventions humanitaires ou au nom des droits de l’homme instrumentalisés pour légitimer l’intervention unilatérale et illégale en pays souverains), ou bien par le biais du soft power de campagnes marketting imprégnant les désirs des populations d’inepties complètement en contradiction avec la continuation d’une vie durable sur notre (unique) planète.

     

    La question qui se pose est : comment ce pouvoir, si délibérément tourné contre les intérêts des populations et la viabilité de la vie sur terre, parvient-il de manière si permanente à se maintenir, en dépit de brèves « fenêtres » de clairvoyance collective, et d’épisodes fugitifs de remise en cause par les élections ou les mouvements sociaux ?  Comment autrement dit la machine ne se grippe-t-elle pas définitivement, pourquoi parvient-elle à durer, à renaître, à sans cesse réapparaître, empruntant opportunément pour ce faire des mots comme « changement » ou « révolution », « innovation », impeccablement tournés à l’envers de leur sens véritable comme des bas ?

    Mon hypothèse, qu’il faut considérer évidemment avec indulgence puisque je ne parle pas ici en théoricien, est que pour réussir, une telle entreprise de domination a besoin de relais locaux. Nier que cette domination soit aussi centralisée par un mode de gouvernement situé au sommet de l’État, est à mon avis intenable puisque sans cesse de nouvelles mesures sont prises (lois, décrets, amendements, règlementations, etc.) à l’échelle étatique pour optimiser cette emprise.  En revanche, il ne faut pas sous estimer la dimension locale, décentralisée, omniprésente, participante, riche d’initiatives, de renouvellements permanent. Il se trouve une foule d’acteurs, dans l’épaisseur des strates sociales, qui ne rechignent pas à reconduire avec empressement la domination, à lui frayer chemin, à la défendre bec et ongles, lors même que ces micro-partenaires du système n’ont aucun véritable intérêt commun objectif avec la superstructure.

    Simplement, ils s’y livrent, ils s’y emploient, quelle que soit l’échelle à laquelle ils se situent : à toute fin utile (au système en place), ils s’y consacrent de toutes leurs forces, avec toutes leurs compétences, sans ménager leurs efforts, sans douter un seul instant, et cela avec une énergie de perpétuation de l’ordre en place absolument « surnaturelle ».

    Je dirais, pour me démarquer de Frédéric Lordon, que par ailleurs j’apprécie et j’approuve totalement,  que si les prophéties qui inspirent presque tous ses billets dans son blog du Monde Diplomatique, se concrétisaient un tant soit peu, nous aurions depuis longtemps franchi l’étape de l’éternel atermoiement des luttes sociales, aussi méritantes et courageuses fussent-elles.

    À force, il nous faut bien considérer le facteur de frein ou d’avortement de ces luttes, non pas comme un mauvais oeil à banir de l’analyse parce que le regarder contribuerait à le perpétuer. Il y a bien, semble-t-il, une force sur-puissante qui maintient la mainmise du système de domination tel quel, grosso modo intact et en parfait état pour perpétrer ses nuisances incalculables. Et lorsque, parfois, un renversement intervient, il n’est que péniblement et temporairement en place, sans cesse pris à partie, menacé, puis renversé légalement ou illégalement. Il faut constater cette hégémonie destructrice presque impossible à vaincre. Ce n’est pas là être défaitiste, c’est être réaliste.

    Par exemple, la suppression des lits d’hôpitaux conduite implacablement et continûment sous les présidences Sarkozy, Hollande et Macron, se paie aujourd’hui au prix fort, avec la mortalité au coronavirus qui s’avère nettement plus forte lorsque les capacités des services publics de santé ont été systématiquement détruites, ce qui est le cas en France depuis trente ans. À se voir contraint systématiquement de faire toujours avec moins, cela ne permet pas de faire plus et mieux, c’est désormais prouvé quoi qu’en disent les prosélytes du lean management

    Cette destruction – qui existe dans tous les domaines publics de la vie sociale (recherche, enseignement, justice, police, environnement, services sociaux, etc.)  a pour corrolaire proportionnellement symétrique la part croissante des bénéfices et des dividendes des grandes fortunes privées, ce qu’on appelle la financiarisation de la vie économique.

    Je crois que la haute bourgeoisie a réussi un pari véritablement inespéré à ce degré : engendrer une domination coloniale totale et violente sur un pays, et au delà sur de nombreux pays, en jouant sur le fait que cette classe passe pour être partie prenante de cette société (ou des ces sociétés) : en effet, ces gens pour la plupart, parlent une langue peu ou prou assez semblable à celle des autochtones, bien qu’avec un certain raffinement discret qui fait, entre ses membres, toute la différence d’avec le commun (la fameuse « distinction » incorporée dont parle Bourdieu).

    À partir de cette apparente similitude à laquelle la plupart des gens ordinaires se laissent prendre et même par laquelle ils se laissent séduire, tous les coups peuvent être joués. Car les prédateurs sont en immersion dans leur propre terrain de chasse, et eux seuls disposent des armes adaptées : médias, instituts de sondages, réseaux d’influence, relais scientifiques, think tanks, fondations, partis et organisations, calendrier politique, reconnaissance officielle, décorum, traditions, images du pouvoir, etc.

    Nous sommes à mon avis soumis à un colonialisme qui nous impose la dictature des intérêts exclusifs des supers riches dans NOTRE pays, ou NOTRE terre, d’où qu’ils viennent eux par ailleurs : leur accent étranger, au sens de qui n’est pas de notre bord (un migrant sans papier est fondamentalement beaucoup plus de notre pays que ceux-là ne le sont) et en fait structurellement hostile, ne se perçoit pas.

    Ils peuvent nous faire agir à leur guise. Et il se trouve une foule de gens – petits ou moyens –  par ailleurs bien intentionnés et croyant bien faire, fiers de leur investissement, qui adhèrent à cette classe-là et à elle-seule, pas même à la leur propre. Et ce sont surtout ces gens-là, ces « moyens-et-petits-au-service-de » qui font que rien ne peut changer, que tout se regénère et se perpétue, même en pleine crise permanente.

    C’est en tout cas comme cela que les régimes coloniaux ont prospéré et prospèrent encore sous cette forme « néo » abondamment documentée. C’est comme cela que ce régime colonial des riches sur notre pays  (et donc notre paysage, notre alimentation, notre culture, notre agriculture, notre santé, notre vision, nos loisirs, etc.) s’exerce encore avec une efficience sans faille.

    S’il est vrai que les régimes coloniaux ont eu historiquement à se retirer des pays qu’ils avaient asservis, ce ne fut, comme le dit Lordon, pas en « rendant les clés » d’eux-mêmes, mais au prix d’âpres et violents combats, qui ne sont pas  - loin s’en faut ! - finis.

    La seule et unique avancée, peut-être minime, que mon hypothèse du colonialisme intérieur des riches peut apporter à la compréhension et à l’action, c’est peut-être la chose suivante qu’eux - les riches – sont essentiellement étrangers à nous. Nous ne les intéressons pas, ils ignorent complètement que nous existions. Seuls comptent LEURS intérêts. Cela fut valable, je répête, du temps des expansions colonialistes. Cela l’est encore du temps du colonialisme intérieur.

    L’autre menu avantage que permet cette hypothèse, est de pouvoir ouvrir une possibilité de faire apparaître aux yeux de ceux qui en sont encore partiellement ou totalement les serviteurs, ce caractère de fondamentale et irréductible étrangeté. Ces gens sont de leur monde, pas du nôtre, il faut choisir lequel de ces deux mondes donnera son avenir à la terre.

    Pour ce qui est du leur, le monde actuel, nous le connaissons depuis longtemps et le coronavirus ou la crise climatique nous ont révélé son incompatibilité foncière avec le droit humain, la santé, la vie sociale, l’environnement.

    Pour ce qui est du nôtre, le beau film de Ken Loach « Jimmy’s hall » nous en apporte une préfiguration : que chacun puisse participer aux décisions et apporter sa contribution pour créer ensemble un monde viable et agéable, amusant, désirable et durable.

    Au travail !

     

    Un colonialisme des riches sur la terre ?

    Joël Auxenfans. "Les Haies". Plantation par un chantier participatif en Normandie. 2019.

     

     

     


    votre commentaire
  •   

    Que dire ?

     

    Joël Auxenfans. Le vernis. Peinture affiche. 2019.

     

    Que dire ? Que dire d’une époque aussi violemment aux prises avec les enjeux environnementaux, politiques, éthiques, économiques ? Et que dire de la place de l’art là-dedans ?  Que dire de la place des gens ?

    Tout le problème réside, se concentre, sur la possibilité que les gens, ordinaires s’entend (pas les stars de la prise de parole publique, pas cet écran de fumée confiscatoire de la parole publique),  aient le pouvoir – démos-cratos.  Et l’art pourrait – devrait – jouer le rôle d’invitation, d’exemple, car il est, relativement, une prise de pouvoir, mais,… au service de quoi ? C’est à cette direction de la prise de pouvoir de l’artiste qu’il faut aussi songer, sa responsabilité. Au lieu de cela, parmi ces milliards ces gens ordinaires privés de parole, d’autres gens, quelques-uns, confisquent la parole pour leur propre carrière.

     

    Que dire ?

    Joël Auxenfans. Peinture affiche. Les bonimenteurs. 2011.

     

     

    Qu’est-ce donc d’autre que cette prise de position immonde de Madame Royal qui amalgame jeunes et voyous si ce n’est une façon tactiquement étudiée de se poser en recours providentiel, de « femme à poigne » (une sorte de nouvelle Tatcher) contre le mouvement social, qu’il faut mater, et la jeunesse avec.

    Cette manière de jouer avec le pouvoir de la parole publique est ici criminel : cela n’est pas juste eu égard aux violences commises contre ces jeunes (et qui, on le sait, seront toujours validées comme « normales », jamais désavouées, par l’institution interne à la police chargée de mener « l’enquête »).

    Cette parole cynique, calculatrice, de Madame Royal n’éclaire en rien le débat, mais au contraire l’obscurcit intentionnellement. C’est un coup d’éclat simpliste et violent pour se faire une place dans la lumière médiatique. C’est jouer avec la vie et la souffrance des autres, dont des mineurs. C’est typique de la versatilité des socio démocrates, génétiquement et historiquement déterminés à jouer d’opportunisme pour complaire aux milieux d’affaires, pour faire illusion et ne rien changer jamais.

    Madame Royal voudrait par cette parole humiliante envers des jeunes de quartiers populaires, se constituer en recours, à la place de l’extrême droite. Elle serait la manière de l’extrême droite sans la compromission éthique qu’implique l’extrême droite. C’est un message envoyé à la classe possédante. « Cela leur fera un souvenir ». Ségolène Royal défend l’interpellation de 151 jeunes à Mantes la jolie. https://www.francetvinfo.fr/politique/cela-leur-fera-un-souvenir-segolene-royal-defend-l-interpellation-de-151-jeunes-a-mantes-la-jolie_3092243.html

     

    Passe-t-on nécessairement pour simpliste si l’ont relie le fait précédent avec celui-ci, à savoir la captation de la majeure partie des richesses mondiales par une infime minorité, et ceci de manière qui augmente exponentiellement ? Relativement à l’accès à des conditions d’une vie décente, la prédation des richesses par une minorité totalement improductive, qui justifie son existance au nom du fait qu’elle possède ce que les autres ne possèdent pas, et qu’elle place donc toute la société sous sa dépendance, constitue LE fait marquant. Le rapport que je mets en lien, qui fait suite à tant d’autres, et qui laisse de marbre toute l’élite dont fait partie Madame Royal, puisque ces « politiques » se sont obstinément employés à obtenir ce résultat, devrait pourtant servir de boussole à tout projet politique. les 26 plus riches possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population de la planète

    https://www.francetvinfo.fr/economie/entreprises/les-26-plus-riches-detiennent-autant-d-argent-que-la-moitie-de-l-humanite-selon-oxfam_3155025.html

     

     

    Que dire ?

     

    Joël Auxenfans. Rouge et noir. Peinture affiche, montage. 2013-2019.

     

    Et la preuve d’une véritable collusion, d’une interdépendance opératoire, c’est l’efficacité structurelle avec laquelle ces élites politiciennes de l’extrême droite à l’extrême centre-gauche, s’acharnent à faciliter l’évitement de l’impôt d’une seule et même catégorie sociale. Les sociétés du CAC 40 ont fait plus de bénéfices mais ont payé moins d’impôts entre 2010 et 2017. https://www.francetvinfo.fr/economie/impots/paradis-fiscaux/info-franceinfo-les-entreprises-du-cac40-ont-fait-plus-de-benefices-mais-ont-paye-moins-d-impots-entre-2010-et-2017_3152919.html

    https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/l-histoire-secrete-de-la-reforme-de-l-isf-elle-a-ete-precipitee-sous-la-pression-deconomistes-et-de-grands-patrons_3199431.html

     

    Et l’autre preuve se trouve dans le système de donateurs pour la campagne des présidentielles, qui a fait l’élection d’Emmanuel Macron, presqu’exclusivement constitué de grands donateurs issus des secteurs les plus riches et les plus influents  https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/comptes-de-campagne-d-emmanuel-macron/campagne-d-emmanuel-macron-decryptage-du-systeme-d-ons_3426943.html

    C’est aussi décrit dans le dernier livre de Juan Branco :

    https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/critique-des-medias-attaques-sur-macron-on-a-lu-crepuscule-le-livre-censure-de-juan-branco_3403909.html  Mais, cette démonstration, le couple de sociologue Pinson-Charlot, par exemple, l’a faite à plusieurs reprises avec beaucoup de rigueur scientifique

    https://www.lesinrocks.com/2019/01/22/actualite/actualite/monique-pincon-charlot-macron-est-monte-dun-cran-dans-la-violence-de-classe/

     

    C’est donc de manière concommitante que les coups pleuvent sur les gens qui protestent, jeunes, adultes ou retraités. Ségolène Royal qui envoit des signaux pour reprendre du service, fait écho aux violences et aux intimidations juridico-policières du gouvernement. Camélia, manifestante espagnole enceinte interpelée et menacée d’expulsion.

    https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/manifestations-du-1er-mai-camelia-manifestante-espagnole-enceinte-interpellee-et-menacee-d-expulsion_3429915.html

    300 journalistes dénoncent les violences policières.

     https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/tribune-nous-assistons-a-une-volonte-deliberee-de-nous-empecher-de-travailler-plus-de-300-journalistes-denoncent-les-violences-policieres_3416561.html  

    Malgré cette tentative marquée de museler la contestation politique, le pouvoir suscite une opposition de plus en plus large. Les avocats d’ile de France appellent à bloquer l’accès au tribunaux lundi matin. https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/droit-et-justice/les-avocats-d-ile-de-france-appellent-a-bloquer-l-acces-aux-tribunaux-lundi-matin_3092493.html

    https://sport.francetvinfo.fr/omnisport/touchepasamoncts-les-sportifs-se-mobilisent-pour-les-cadres-detat 

    Et ici l'appel des artistes contre la politique de Macron :  http://www.nousnesommespasdupes.fr 

     

     

    De manière logique, les bas salaires, et après eux presque tous les autres, sont maintenus en dessous de l’inflation. Le Smic ne sera pas revalorisé, maintient la ministre du travail. https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/gilets-jaunes-le-smic-ne-sera-pas-revalorise-maintient-la-ministre-du-travail-avant-les-annonces-d-emmanuel-macron_3092495.html On ferait mieux d’ailleurs d’appeler ce genre de ministère, le ministère de la rente, puisque c’est exclusivement le capital qui est encouragé dans son hubris, au détriment de tous les autres secteurs d’activité socialement utile.

     

    Pourtant, il serait possible de faire fonctionner la société autrement. Comment la ville écolo de Langouët est devenu un exemple de développement durable. https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/cop24/on-nous-ecrit-de-letranger-comment-le-village-ecolo-de-langouet-est-devenu-un-exemple-de-developpement-durable_3089331.html

    Et ici

    https://www.francetvinfo.fr/monde/espagne/cooperative-communale-salaire-unique-loyers-symboliques-dans-ce-village-d-andalousie-le-debat-citoyen-c-est-tous-les-jours_3246683.html

     

    ou ici  : 

    https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/video-pouvoir-d-achat-au-danemark-on-est-paye-pour-faire-ses-etudes-et-on-peut-etre-proprietaire-a-25-ans_3453277.html 

     

     

    Là aussi, la manière dont les destinées sociales et écologiques sont mêlées dans l’univers du capitalisme financiarisé est parfaite. Aussi bien les gens que la vie terrestre sont systématiquement détruits par ce système.

    https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/sans-eux-la-planete-est-inhabitable-on-a-demande-a-un-specialiste-s-il-fallait-s-inquieter-de-la-disparition-des-insectes_3188297.html

    https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/video-c-est-une-catastrophe-ce-qu-il-se-passe-en-antarctique-ouest-pourquoi-le-glacier-thwaites-inquiete-les-scientifiques_3189997.html

    https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/ile-de-re-calanques-de-marseille-inquietudes-autour-d-un-projet-de-decret-qui-pourrait-ouvrir-la-voie-a-plus-de-beton-dans-les-sites-classes_3443323.html

    Mais le poids des lobbies et les méthodes mafieuses des grands groupes de la pollution organisée à l’échelle planétaire reste écrasant avec la complicité des agents politiques en place.

    https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/pesticides/glyphosate/glyphosate-des-centaines-de-personnalites-secretement-fichees-et-ciblees-en-fonction-de-leur-soutien-a-monsanto_3435581.html

    https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/le-roundup-juge-cancerigene-monsanto-savait-et-ils-ont-cache-la-verite-au-monde-estime-le-depute-europeen-eric-andrieu_3242287.html

     

    Dans le même registre de la pollution, celle des esprits n’est pas en reste. Autre versant de la lobotomie et de la tétanisation télévisuelle et mercantiliste des populations, le poids des mentalités religieuses sur l’émancipation humaine reste prépondérant, alors même que s’accumule une quantité époustouflante de scandales qui ne chamboule par outre mesure les croyants de toutes confessions.

    https://www.francetvinfo.fr/monde/vatican/pape-francois/ce-qu-il-faut-retenir-de-sodoma-le-livre-qui-leve-le-voile-sur-l-homosexualite-dans-l-eglise_3199165.html

     

    Où qu’elle se trouve et quelle qu’elle soit, la religion officie sur le mode du contrôle et de la normalisation répressive du bonheur, des vies, des corps et des pensées des humains, de manière systématiquement violente au moins symboliquement quand ce n’est pas physiquement.

     

    Que dire ?

    Exemple de mélange entre modèle mercantile capitaliste et conditionnement religieux, entre séduction et puritanisme. Les femmes comme objet d'attentions pressantes et d'exigence de conformations à des modèles qui ne proviennent pas de le leur propre émancipation du patriarcat, aussi bien de la part des milieux financiers que traditionalistes.

     

    Cet encadrement dogmatique et kitch s’effectue toujours de manière compatible avec le business capitaliste, comme ces publicités pour des magazines musulmans glamours pour femmes, qui recyclent exactement sous les mêmes formes et les mêmes clichés sexistes occidentaux de consumérisme les valeurs puritaines religieuses,  pour les inscrire dans les stéréotypes comportementaux rétrogrades, compatible avec les critères religieux les plus étroits et les plus puérilement superstitieux, mais glamour, à destination de nouvelles catégories en mal d’intégration et de reconnaissance.

    Prescriptions de consommation (vêtements, aliments) finissent toujours, organisées par effets de conformismes de masse, par grossir les dividendes des grands groupes financiers ainsi que des groupements religieux les plus fanatiques (salafistes, frères musulmans) qui contrôlent les « certifications » du Hallal, comme le documente bien la chercheuse Florence Bergeaud :  http://www.seuil.com/ouvrage/le-marche-halal-ou-l-invention-d-une-tradition-florence-bergeaud-blackler/9782021341614 .

    Malgré l’opposition artificiellement entretenue entre occident et monde musulman (voir ici les excellents livres de George Corm, Historien et économiste Libanais,  par exemple "La nouvelle question d'Orient"  https://journals.openedition.org/lectures/23059 ), les mêmes préjugés sexistes s’attaquent de manière tout à fait obsessionnelle, ici comme là, aux droits des femmes, à leur corps, leur vie, leur liberté.

    https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/etats-unis-le-missouri-nouvel-etat-a-adopter-une-loi-restrictive-sur-l-avortement_3448323.html

    https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/algerie/algerie-des-femmes-en-campagne-contre-le-port-du-voile_3191905.html

     

    Et cela prouve que traditionnalisme, capitalisme, religion, patriarcat, masculinisme, du nord au sud et de l’est à l’ouest,  participent du même combat acharné contre les femmes et les minorités, contre l’intelligence, le respect de l’autre et la possibilité même d’une égalité entre tous, de principe, de droit et de fait. La domination masculine est la mère de toutes les dominations capitalistes.  

    https://www.francetvinfo.fr/societe/droits-des-femmes/injures-violences-stereotypes-quatre-chiffres-qui-montrent-l-ampleur-du-sexisme-en-france_3149541.html

     

    La culture n’échappe pas à ces emprises réactionnaires, en tant qu’elle participe d’un marché et s’inscrit dans des contextes dans lesquels elle peut jouer un rôle décisif de conditionnement de générations de cerveaux humains. Le rôle d'influents réactionnaires dans la vie et la carrière du dessinateur Hergé, dont les albums, brillants par ailleurs, véhiculent dans la plus tendre jeunesse une idéologie tenace agressivement réactionnaire, est ici éclairé :

    https://www.francetvinfo.fr/culture/bd/collabo-businessman-et-entremetteur-l-abbe-wallez-le-sulfureux-second-pere-detintin_3128051.html

     

    Mais elle participe aussi du détournement de l'attention par rapport aux enjeux cruciaux de la survie sur terre, ceci sans doute parce que ces super riches qui s'enorgueillissent d' "aimer l'art", se préparent en même temps qu'ils s'ennivrent de sensations subtiles et conduites par des grands artistes qui travaillent comme des parfumeurs de génie, à tenter de survivre à l'extinction programmée de l'humanité ou d'une partie (pauvre) de celle-ci, par des îles achetées  aménagées à coup de dizaines de millions et plus tard des fuites interstellaires privées.

     https://www.fondationlouisvuitton.fr/fr/expositions/hors-les-murs/philippe-parreno-marilyn.html

      

     

     

    Que dire ?

     

    Joël Auxenfans. Où se trouve. Peinture affiche. 2019.

     

    Pourtant, d’où que l’on vienne et où que l’on se tienne, il y a tant à faire ensemble pour sauver d’urgence ce qui reste de vie sur la terre, et pour passer des beaux moments paratagés, que c’est une chose lamentable de voir autant de dévoiements des consciences, stériles, violents, imbéciles, fallacieux. Heureusement que partout se lèvent des créations, des actions, positives, critiques et productrices d’un monde qui sauve l’avenir.

    https://www.francetvinfo.fr/sante/environnement-et-sante/tribune-la-republique-des-pollueurs-doit-etre-paralysee-des-ong-appellent-a-la-desobeissance-civile-pour-le-climat_3274159.html

    https://www.demain-lefilm.com  

    https://jardinage.lemonde.fr/article-208-interview-christine-aubry-specialiste-agriculture-urbaine.html

    https://tval.valdemarne.fr/un-composteur-electromecanique-a-cherioux-video-4899.html

     

     Ce très beau texte de Jean-Pierre Vernant situe bien en quoi l'enjeu spatial, dans la ville comme dans la campagne, détermine bien l'enjeu de société, en quoi dessiner l'espace se fait par la politique et réciproquement.

    «  Vers le VIIIème siècle, avec l’avènement de la Cité-État, de la polis, tout change. L’espace urbain ne gravite pas autour d’une citadelle royale qui le domine, il est centré autour de l’agora, qui, plus encore que le marché où s’échangent les produits, est par excellence le lieu où circule librement la parole entre partenaires égaux. Le miracle grec (qui n’en est pas un) : un groupe humain se propose de dépersonnaliser le pouvoir souverain, de la mettre dans une situation telle que personne ne puisse l’exercer seul, à sa guise. Et pour qu’il soit impossible de s’approprier le pouvoir, on le « dépose au centre ». Pourquoi ? Parce que, pour une communauté d’individus qui se considèrent tous, sur le plan politique, en tant que citoyens d’une même cité, comme « semblables » et « égaux », le centre incarne, à équidistance de chacun, un espace commun à tous, non appropriable, public, ouvert aux yeux de tous, socialement contrôlé, où l’avis de chacun, librement exprimé par la parole au cours d’un débat général, est mis à la disposition de tous. Déposer le kratos, le pouvoir de domination, dans le lieu pensé comme central, dont les membres de la cité sont à égale distance, ce n’est pas seulement le dépersonnaliser, mais le neutraliser, le désacraliser en quelque sorte pour en faire l’enjeu d’une discussion ouverte, d’une approche critique : une communauté entend régler elle-même, souverainement parce que sans souverain, par la discussion publique argumentée, toutes les questions d’intérêt général. Ce qui implique qu’à côté de ce « commun », de ce « public », il va y avoir des affaires privées. (…) »

    Jean-Pierre Vernant, « La traversée des frontières » Points Essais 2004 p.159

    Aujourd’hui, 2700 ans après les grecs, il nous faut penser que la ville et le jardin sont une seule et même chose, une continuité politique et civique, dans laquelle le dessin, l’art, la création ont un rôle central à jouer pour inventer des nouvelles manières de trouver belle la vie en compatibilité avec la continuation de celle-ci sur la Terre.

    Il y a tant à faire !!

     

     

    Que dire ?

    Joël Auxenfans. "Les haies". Projet de verger-poulailler bio sur 6h dans la Beauce. Ce projet avec d'autres a reçu le soutien de la Région Centre-Val de Loire, dans le cadre du programme "500 ans de la Renaissance et de la mort de Léonard de Vinci".

     

     


    votre commentaire
  •  

     

     

    Les projets d’artistes

    Joël Auxenfans. Porcelaine. Peinture affiche. 2018.

     

    Les projets d’artistes n’ont pas la prétention de remplacer à eux seuls tout ce qui se fait par ailleurs. Mais ils sont une forme de réponse et d’annonce faite à leur époque et vers l’époque qui suit, une contribution libre et pour cela peut-être, utile.

     

    Les projets d’artistes

     

    Sonia Delaunay. Peinture abstraite. Début vingtième siècle.

     

    Lorsque Sonia Delaunay, artiste française venue d’Ukraine, a créé un langage plastique abstrait dès les années vingt et des vêtements à partir de ses découvertes plastiques, elle contribue à faire évoluer les mentalités sur la représentation du corps, le statut des femmes, la liberté de création …

     

    Les projets d’artistes

     

    Sonia Delaunay. Création de costumes de bain. Début vingtième siècle.

     

     

    Avec le Cinéma devenu une industrie soucieuse de retours juteux sur investissement, on touche à l’extrême opposé. C’est-à-dire à l’esclavage dans lequel se placent les intervenants sur toute la chaîne de production, du casting à l’affiche de film. C’est expliqué ici mieux que je ne le ferais: https://www.francetvinfo.fr/culture/cinema/vous-avez-l-impression-que-toutes-les-affiches-de-films-se-ressemblent-c-est-normal-elles-sont-faites-pour-ca_3045267.html

    Cette explication vaut aussi pour le résultat calamiteux de l’impact du marketing et de l'arrivisme politique sur l’affiche. Les partis politiques misent tellement sur les moindres détails de la campagne médiatique pour (croire) gagner des voix, qu’ils considèrent l’affiche comme leur « chose », empêchant toute création libre. Que ce soit le cas pour un dictateur semblerait normal. Cela le semble moins pour des partis qui se prétendent engagés dans un projet d’émancipation sociale.

     

    Les projets d’artistes

    Auteur inconnu. Affiche de Ian Brossat 2018.

    Imperméabilité à l'idée de création libre, immobilisme et confiscation de l'expression publique.

     

    C’est flagrant avec l’affiche du Parti Communiste pour la campagne des européennes de 2019. Ian Brossat y pose avec exactement la même rhétorique qu’un jeune chef de Komsomol : le regard magnanime fixant le lointain prometteur de grandes réformes et de progrès social, accompagné d’un lettrage de club de foot de seconde division ou encore pour un cirque ;  quelquechose d’inconcevable après que l’histoire moderne soit passée par là.

    Cette histoire et son enseignement semblent ruisseler sur ce cadre du PCF comme sur une cuirasse. Celle d’un « héros du Potemkine » sans doute. Ce qui est triste vient de ce que la personne de Ian Brossat est sans doute engagée sincèrement dans des luttes et solidarités sociales, un combat juste. Mais cette action s’inscrit dans un esprit de chapelle, un esprit au service du Parti et par conséquent une volonté de contrôle de la forme du message ; donc un besoin de juguler la liberté de création des images par ceux qui sont pourtant formés pour les créer, et cela donne ce type de propagande avortée, financée pour sans cesse se reconduire dans ses échecs stériles.

    Edouard Louis, ici interviewé à Médiapart, https://www.youtube.com/watch?v=he6CWAHa278 expose bien le rôle qu’il assigne à la création littéraire, et à la forme que doit prendre l’écriture pour que le message de l’écrivain « oblige la bourgeoisie à ne pas détourner l’attention ». J’admire beaucoup ce type de projet littéraire. Et il faut lire « Qui a tué mon père », un excellent roman.

     

    Les projets d’artistes

    Joël Auxenfans. Marianne battue. Peinture affiche. 2018.

     

    C’est, à ma façon, ce que je vise par les peintures affiches. Peindre une image  à plusieurs interprétations possibles et ne pas mettre de slogan univoque produit un effet différent de celui produit par une propagande au ras des paquerettes. La lourdeur et l’absence de sensibilité ne paient pas. Et de fait, il n’y a pas d’affiche plus invisibles et plus insipides que celles du PCF actuellement et depuis plus de 25 ans.

    Si un écrivain cherche la forme de ses écrits, ce n’est pas pour se contenter d’une esthétique abstraite et éthérée, raccoleuse. C’est au contraire que ses mots atteignent à une esthétique parce qu’ils sont portés par une visée expressive déterminée par une critique.

     

     

    Les projets d’artistes

    Joël Auxenfans. Voilée dévoilée. Peinture affiche. 2018.

     

    Si l’on produit une affiche en tant qu’artiste, cela veut dire que l’on suppose l’affiche porteuse d’une équation qui équillibre la forme et le sens. Une formule, qui comprend aussi la liberté, l’intuition, le risque de se tromper, la sensibilité, bref l’incarnation d’une vraie vie humaine qui s’exprime toute entière à travers ce médium.

    Ce n’est pas là une chose dont une société de production de cinéma ou un chef de parti peuvent avoir même idée, ou bien qu'il préfèrent tenir à l'écart. C’est pourquoi, dans ce contexte de surdité généralisée et de pouvoir confisqué, il faut persévérer dans la création malgré tout de peintures affiches différentes, résistantes, même si elles ne rencontrent qu’un public limité. Cette résolution, qui a tout d’une escalade d’engagement un peu puérile, me semble néanmoins quelque chose de nécessaire à poursuivre artistiquement et politiquement.

    Un excellent film « Leto » (2018) de Kirill Serebrennikov, montre une chose similaire. En faisant un récit filmique d’une remarquable invention sur le jeune Viktor Tsoi et la culture rock underground de Léningrad au début des années 1980, ce film montre la nécessité qui poussait ces jeunes soviétiques à exister au delà du « soviétisme ».

    Et cela pourrait être valable pour aujourd’hui chercher à sortir du carcant de la Religion industrielle (Pierre Musso) par laquelle toute la société productiviste et consumériste mondialisée s’exaspère et se désespère dans une imbécillité généralisée et destructrice.

     

    Les projets d’artistes

     

    Joël Auxenfans. Affiche de la Table ronde "Autour des haies de Joël Auxenfans" à l'ENSA TALM du Mans. 2018.

     

    « Les haies » abordent par un autre versant la problématique des peintures affiches. En accompagnant des agriculteurs bio ou des collectivités, institutions ou associations qui veulent planter des haies, le projet incorpore une dimension esthétique, historique et philosophique à des plantations le long des champs ou à des bois dessinés.

     

    Les projets d’artistes

    Joël Auxenfans. "Les haies". Projet pour une ferme bio en Beauce. Longueur totale des plantations projetées : 2000 m. 2018.

     

    C’est par ces haies que le travail et la responsabilité des bio sont mis en lumière dans le paysage, dans le débat public, et deviennent un objet politique. Ces deux faces se rejoignent en ce que l’art y est chaque fois la colle qui réunit plusieurs constituants pour une forme active.

    De prochains rendez-vous permettront peut-être d’avancer encore sur ces deux versants "des formes politiques". À suivre !

     

     

     

     


    2 commentaires
  •  

    Coucou !... Qu'est-ce que regarder ?

     

    Joël Auxenfans. Collage dans la ville. 2018.

    En ces temps où l’artiste se voit presque assigné de se tenir comme ces dames au bal qui font tapisserie, est-il possible de faire exister une relation artistique avec le public qui soit à elle-même à la fois son accomplissement et sa propre médiation ? Cette question pourrait être posée à l’occasion du Multiple Art Days qui s’est tenu à la Monnaie de Paris. Un bel ensemble d’œuvres d’éditions contemporaines se trouve rassemblé, dans un mélange d’intimité et de créativité débridée, quelque chose de sain, vivace, international, stimulant…

    Mais le souci réside dans le relatif entre-soi qui règne, c’est-à-dire qu’il est difficile de voir à l’œuvre une relation aux publics non triés. Peut-être est-ce la condition d’un travail sérieux, comme pour un colloque de chercheurs en sciences, qui ont besoin, à un moment précis, de croiser leurs arguments plutôt que de diffuser leur savoir à des gens ignorant tout de leur champ disciplinaire. Il faut laisser un temps à chaque type de travail, recherche, enseignement, confrontation, etc.

    Pour ma part, j’ai opté pour une action à l’extérieur de MAD. D’abord parce que je n’avais pas pu être invité à y participer à l’intérieur, et cela sans ressentiment. Mais aussi parce que, par ce geste, je souhaitais signifier que c’est aussi au dehors des hauts murs qu’il me semble intéressant pour un artiste contemporain de se trouver, pour tester la relation visuelle de son travail artistique aux publics tout venant.

    Ce qui fait que l’œuvre dans l’espace public est d’emblée plus politique que l’œuvre confinée dans les expositions spécialisées ou les collections privées. Disons que l’œuvre collectionnée ou présentée comme un potentiel objet de collection figure dans une stratégie de valorisation, de singularisation qui caractérise la collection, comme l’expliquent très bien Luc Boltanski et Arnaud Esquerre, dans leur livre « Enrichissement, une critique de la marchandise », paru chez Gallimard en 2017.

    Et cette stratégie a des conséquences, il me semble, sur la visée et l’adresse de la création de l’artiste. Celui-ci, pour exister parmi les autres artistes en concurrence avec lui sur le marché de l’acquisition et de la collection, crée quelque chose à l’adresse d’un public précis, celui de ses potentiels acheteurs. Et je pense que cela influe sur le contenu et la forme des créations de l’artiste

    Je ne prétends pas du tout qu’existe un artiste pur qui ne serait influencé par rien, par aucune tactique de conformisation au désir de l’autre à des fins de survie ou pour conforter une position. Mais cette tentation de conformisation peut être, disons, objet d’une identification et peut-être d’une résistance, d’une émancipation, ou pour le moins d’un travail. Peut-être est-ce là d’ailleurs une partie de ce qui alimente le travail créatif intéressant des artistes présentés à MAD.

    Il s’y trouve cette tension entre la conformisation à la demande des commanditaires ou acquéreurs potentiels et la liberté acquise par l’artiste, que Michael Baxandall, dans son livre « L’œil du quattroccento, l’usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance » (Gallimard 1985), décrit, en montrant les protocoles minutieux qui lient l’artiste à celui qui commande l’œuvre, mais aussi les écarts de l’artiste, nécessairement subtils, mais parfois décisifs.

    L’artiste a dans sa responsabilité de pouvoir choisir de ne pas seulement se ranger parmi d’autres artistes pour se faire repérer et apprécier dans un lieu privilégié de sélection. Il peut aussi choisir le terrain sur lequel il s’expose, pour ré ouvrir une relation moins professionnelle mais plus humainement universelle.

    Évidemment, il y a là un risque de dissoudre la distance nécessaire à la manifestation de la singularité artistique parmi le caractère prosaïque des regards du quotidiens. Mais c’est aussi il me semble au sein même de ces regards du quotidien, immergé dans ce magma plus ou moins sympathique, plus ou moins toxique, que le travail artistique peut espérer créer un étonnement, une estime, venant de personnes qui ne s’attendaient pas à rencontrer de l’art ainsi sur leur chemin. Ce qui n’est pas le cas des visiteurs de MAD, et ce n’est certes pas une critique offensante à leur encontre.

    Car le public de MAD vient pour voir de l’art ; il vient même dans un cadre autrement attendu de ce point de vue. Il sait à l’avance, et il connaît les œuvres, les artistes, les éditeurs qu’il est susceptible de trouver. Il se rend là dans ce but. Il est professionnel, et même lorsqu’il ne l’est pas, il l’est plus ou moins, de part sa position socio culturelle.

    Un habitant ou un passant qui se promène ou rentre chez lui, un touriste qui déambule dans la rue, ne vient pas chercher de l’art contemporain. C’est là un test. Va-t-il rencontrer quelque chose qui va le surprendre et qu’il va en même temps identifier comme relevant de l’artistique ? Là est pour moi la question à son stade le plus fort.   

    Cette expérience, présenter mon travail artistique dans des conditions qui ne prédéterminent pas au départ le spectateur à s’attendre à voir de l’art contemporain, je la pratique depuis 2011 de manière un peu sauvage, dans les manifestations de rue, à la fête de l’Humanité, par des collages ou des distributions en pleine ville. Cela permet de rencontrer des situations nouvelles, en tout cas différentes de celles que l’on peut espérer produire au sein de forums, expositions, salons spécialisés. Cela permet parfois de mesurer des réactions de surprise dans leur état le plus « vierge », le moins conditionné par une culture de milieu, de « champ » dirait Pierre Bourdieu.

    Évidemment, il y a dans cette aspiration à échapper au vase clos du monde artistique, un romantisme dont il faut se prémunir : croire que l’on peut trouver ou créer des conditions de virginité culturelle d’un public non trié, non spécifiquement préparé à voir de l’art contemporain, et surtout croire que cela puisse être un critère supérieur de validation artistique, comparativement aux lieux institutionnellement établis.

    Preuve que je n’oppose pas les deux et espère plutôt obtenir les grâces des deux types de millieux, j’ai affiché mes affiches sur des boites de bouquinistes situées en face d’une entrée de MAD, de l’autre côté de la voie de circulation assez passante du quai Conti.

    J’ai pu constater que ces conditions, même sans être idéales, en particulier parce qu’elle maintiennent une séparation presque totalement étanche entre les publics ordinaires qui marchent le long des bouquinistes et le public très affuté de MAD qui reste lui de l’autre côté –  côté « Monnaie » –,  pouvaient générer des relations de regard que je qualifierais d’authentiques, c’est-à-dire d’effectivement opérantes hors des prérequis attendus dans le milieu ambiant de l’art confirmé.

     

    Coucou !... Qu'est-ce que regarder ?

    Joël Auxenfans. Affichage à l'occasion de MAD. 2018. 

     

    J’ai pu remarquer plus d’étonnement, plus de sourire, plus d’amusement et au final plus de spiritualité peut-être de la part des passants du quai, jeunes ou vieux, envers mes affiches (plutôt que les objets d’édition habituels des bouquinistes), que je n’en ai remarqué dans le public de MAD à l’égard des œuvres présentées. Il y a certainement une vanité un peu puérile à vouloir comparer ce qui ne devrait peut-être pas l’être car les milieux sont différents, les œuvres aussi, les conditions de présentations aussi, etc…  

    Mais j’aime beaucoup cette phrase de Michelangelo Pistoletto dans son livre avec Edgard Morin « Impliquons-nous, dialogue pour un siècle » (Acte sud 2016) : « L’art est plus spirituel que la religion dans la mesure où il ne dogmatise pas. ».

    J’aime cette idée en ce qu’elle nous montre que le mérite spécifique de l’art, préférentiellement à la religion, peut résider dans sa faculté à ne pas dogmatiser, à condition que soit activée cette résistance à la dogmatisation. Et c’est en cela que mon action en dehors de Mad, comme « en dehors » en général  (aussi bien que au dedans parfois ) des institutionnalisations de l’art, me paraît un terrain à creuser. D’autres avant moi ou en même temps que moi ont creusé ou creusent aussi cette question.

    Coucou !... Qu'est-ce que regarder ?

     

    Joël Auxenfans. Affichage à l'occasion de MAD. 2018. 

     

    Coucou !... Qu'est-ce que regarder ?

     

    Joël Auxenfans. Affichage à l'occasion de MAD. 2018. 

     

    Coucou !... Qu'est-ce que regarder ?

     

    Joël Auxenfans. Affichage à l'occasion de MAD. 2018. 

     

     

    Coucou !... Qu'est-ce que regarder ?

     

    Joël Auxenfans. Affichage à l'occasion de MAD. 2018.  

     

    Coucou !... Qu'est-ce que regarder ?

     

    Joël Auxenfans. Affichage à l'occasion de MAD. 2018.  

    Coucou !... Qu'est-ce que regarder ?

     

     

    Joël Auxenfans. Affichage à l'occasion de MAD. 2018.  

     

    Ces expériences me semblent faire partie de la preuve du travail au même titre que le travail plastique lui-même. Elles font corps avec lui parce qu’elles sont partie prenante dans le résultat escompté. Et cela interroge le regard : que voit-on, et que regarde-t-on ?

    Faut-il être préparé à voir, savoir que l’on va voir, que l’on est susceptible de voir, pour voir vraiment quelque chose qui nous apporte une rencontre ? Faut-il que la rencontre soit une confirmation de ce que l’on sait et de ce que l’on s’attend de rencontrer pour que cela soit valide ? Faut-il que l’écart rencontré entre nos attentes et la vision soit juste celle qui fait frémir l’attendu pour que l’émotion vienne ? Ou faut-il que cela soit inattendu, que l’on ne pouvait prévoir voir cela pour que l’on puisse considérer qu’on a eu une « vision » au sens de surprise ?

     

    Coucou !... Qu'est-ce que regarder ?

     

    Joël Auxenfans. Affichage à l'occasion de MAD. 2018.  

    Coucou !... Qu'est-ce que regarder ?

     

    Joël Auxenfans. Affichage à l'occasion de MAD. 2018.  

    Coucou !... Qu'est-ce que regarder ?

     

    Joël Auxenfans. Affichage à l'occasion de MAD. 2018.

     

    Coucou !... Qu'est-ce que regarder ?

     

     

    Joël Auxenfans. Affichage à l'occasion de MAD. 2018.  

     

     

    Coucou !... Qu'est-ce que regarder ?

     

    Joël Auxenfans. Affichage à l'occasion de MAD. 2018.  

    Coucou !... Qu'est-ce que regarder ?

     

    Joël Auxenfans. Affichage à l'occasion de MAD. 2018.  

    Coucou !... Qu'est-ce que regarder ?

     

    Joël Auxenfans. Affichage à l'occasion de MAD. 2018.  

     

    Ma question porte sur la prédictibilité de l’intensité de l’écart. Entre un amateur « assez blasé » de l’art contemporain, pour qui presque tout est déjà familier, et qui évolue entre ces stands, ces artistes, ces œuvres comme entre les plantations de son jardin, et un passant qui se trouve confronté à voir quelque chose qu’il ne s’attendait pas du tout à voir là, quel est celui qui va aimer et sentir le plus fortement ? Et pour lequel des deux ai-je  une préférence à plaire ? Ma réponse d’artiste avide de reconnaissance est évidemment : « Les deux » !

    Et les deux ont leurs défauts. Les passants sont distraits et ne regardent pratiquement rien ; ils ne tournent pas leurs yeux hors de leur axe, et ils sont pas si fréquents ceux qui daignent se tourner vers les choses situées à côté d’eux. Ou bien ils sont dans un état d’abrutissement esthétique que l’étonnement ne peut venir chez certains que de choses prodigieusement grossières, minimum requis pour les voir s’extasier authentiquement. Mais les connoisseurs, eux, sont dans leur Smartphone pour leurs contacts, leurs rendez-vous, leurs soucis professionnels. Ils ne regardent souvent pas au delà de leur intérêt professionnel étroit. Il ne repèrent pas ce qui sort du cadre de leurs préoccupations. Ils ne voient pas, ils ne regardent pas.

    Pourtant, parmi ces extrêmes, il y a des situations vivantes, des regards, des rencontres sensibles que je crois justifiées, de part et d’autre : de mon côté et de celui du spectateur. Quel qu'il soit. 

    Coucou !... Qu'est-ce que regarder ?

     

    Joël Auxenfans. Affichage à l'occasion de MAD. 2018.   

     

     

     


    votre commentaire
  •  

    Manipulation

    Joël Auxenfans. Affiche du film "La banderole" à voir sur vimeo  https://vimeo.com/276635327 

    MOT DE PASSE : banderole

     

    On discerne désormais, les limbes électoralistes une fois dissipées, combien les stratégies d’enfumage médiatique et de mystification de l’opinion ont joué à plein pour l’élection présidentielle

    https://www.ouest-france.fr/elections/presidentielle/macron-au-louvre-un-rite-initiatique-indispensable-selon-serge-moati-4977714

    https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/arnaud-jolens-un-metteur-en-scene-cher-a-emmanuel-macron_2789397.html

    https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/carriere/entreprendre/aides/emmanuel-macron-une-operation-de-communication-savamment-orchestree_2799941.html ,

    Notre président, continuant dans cette stratégie de manipulation, est à présent adoubé par le pape. On voit bien que la politique est, comme le reste des activités humaines, aux prises avec des critères esthétiques, des formes politiques qui sont aussi le fruit d’un art.

    Soit cet art est instrumentalisé pour maintenir les dominations et sert à manipuler les gens, à les maintenir dans l’inconscience, l’ignorance, les préjugés, l’incapacité à exercer un sens critique. Soit cet art sert à l’émancipation, à la prise de conscience, à la pensée , à l’invention d’un monde choisi.

     

     

    Manipulation

    Joël Auxenfans. Affichage urbain. Juin 2018.

     

     

    Ce clivage est particulièrement perceptible, par exemple, dans le film d’Eisenstein « La Ligne générale » (1929). Le passage du film sur la procession religieuse organisée pour faire pleuvoir expose à un degré intense l’état de soumission dans lequel le prêtre et ses adjoints souhaitent maintenir les paysans. Eisenstein révèle d’ailleurs le stratagème employé par le prêtre, puisqu’il prétend promettre la pluie sur la base de la foi en son Dieu alors qu’il dissimule dans son manteau un baromètre, qui est un instrument scientifique, à l’opposé des supertitions qu’il prétend lui-même publiquement entretenir.

    Donc il ment, et cache la vérité à ses ouailles. Malheureusement pour lui et heureusement pour le peuple des petits paysans pauvres, ceux-ci s’aperçoivent de la supercherie dès lors qu’il ne pleut pas. Et ils se mettent à secouer la poussière de leurs vêtement en se relevant de leur posture prosternée, pour enfin se tenir debout, comme des hommes et non comme des bêtes soumises. La poussière qui est secouée symbolise la poussière des crédulités ancestrales, des traditions sans fondement actuel, des rapports de dominations jamais identifés ni critiqués…

     

    On apprend dans France Info que « L'échange s'est tenu au Vatican et a duré 57 minutes, le plus long entretien jamais accordé par le pape argentin à un chef d'Etat ou de gouvernement » (France Info). https://www.francetvinfo.fr/monde/vatican/pape-francois/direct-suivez-la-premiere-rencontre-entre-emmanuel-macron-et-le-pape-francois-au-vatican_2820631.html

    Avec ce résultat indirect - inédit et scandalleux pour notre république laïque - , que des groupes de pressions catholiques vont pouvoir influencer ouvertement ou de manière occulte la rédaction des lois, sans être considérés comme représentant des intérêts privés. « Le projet de loi « pour un Etat au service d’une société de confiance», qui revient aujourd'hui à l'Assemblée, prévoit la suppression des associations à but cultuel du registre des lobbys. Certains y voient un traitement de faveur » (Libération).

    « En clair : si Aides, l'association de prévention et de lutte contre le Sida, demande plus de moyens au gouvernement pour lutter contre le VIH, c'est un lobby. En revanche, lorsque des institutions religieuses se prononcent contre le mariage pour tous, elles n'en sont pas. » http://www.liberation.fr/france/2018/06/26/les-associations-religieuses-sont-elles-des-lobbys-comme-les-autres_1661770 .

    C’est là un coup bien pervers porté aux droits de femmes, le moment-même où La République En Marche s’active bruyamment à l’Assemblée pour inscrire la parité Femmes-Hommes dans la Constitution. Notre Macron est un peu Pénélope : il défait la nuit ce qu’il prétent faire le jour. Malheureusement pour la population, il défait beaucoup plus vite, en douce ou en force, ce qu’il ne fait que semblant de faire de positif, pour complaire et endormir la vigilance.

     

    Manipulation

     

     Joël Auxenfans. Parution dans la presse Nationale et internationale de l'affiche "Ken". 26 mai 2018.

     

     

    Manipulation

     

    Joël Auxenfans. Parution dans la presse Nationale et internationale de l'affiche "Ken". 26 mai 2018. 

     

     

    Manipulation

     

    Joël Auxenfans. Parution dans la presse Nationale et internationale de l'affiche "Ken". 26 mai 2018.

     

     

    En termes de choix de société, Emmanuel Macron ne s’est d’ailleurs jamais caché d’avoir une nostalgie – une vocation ! - monarchiste : http://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-macron-plus-royaliste-que-socialiste-07-07-2015-1943115_20.php . Il faut bien constater que le libéralisme, en ses accents les plus intégristes, au lieu de la modernité qu’il prétend afficher, marche de pair avec le monarchisme le plus arrogant, le plus rétrograde et le plus autoritaire.

     

    Autre volet : les comptes de campagne.

    Longtemps, Mélenchon fut – seul – systématiquement et bruyamment désigné comme ayant commis des irrégularités dans ses comptes de campagne. Non seulement il s’en est clairement défendu, en montrant les parti-pris incroyables de la commission ou de journalistes à son encontre, mais il a averti que cette campagne de presse malveillante et acharnée servait d’écran de fumée pour masquer les fautes beaucoup plus graves d’autres candidats pas du tout "candides".

    Les faits, depuis, lui ont donné cent fois raison :

    https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/info-franceinfo-prix-casses-ristournes-cachees-les-petits-arrangements-de-la-campagne-demmanuel-macron_2789279.html L’enquête nourrie des deux reporters de France Info, Sylvain Tronchet et Elodie Guéguen, rend la dignité à cette profession de journaliste si soumise à la puissance des donneurs d’ordre des milieux d’affaire.

     

    Génocide

    Entre temps, dans ce contexte incroyablement franco-français, on apprend que plus de 30 000 migrants sont morts en Méditerrannée entre 1993 et 2017. https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/refugies-une-liste-de-33-000-morts-publiee-par-un-journal-allemand_1959817.html. Les expulsions et mises en camps de rétention se multiplient à grands frais ; encore plus durement, en nombre et en ignominie, que sous Hollande qui déjà lui, faisait bien pire que Sarkozy.

    L’argument captieux de la prétendue « invasion » de migrants, qui fait dire par les porte-paroles de l’ignominie officielle que l’on «  ne peut pas accueillir toute la misère du monde » (Rocard, cité depuis par Macron) n’est qu’un leurre cynique pour cantonnner les citoyens dans des pulsions d’inhumanité criminelles. L’horreur peut donc se perpétuer sous nos yeux quotidiennement en toute tranquilité https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/migrants-au-moins-trois-bebes-morts-et-une-centaine-de-disparus-dans-un-naufrage-au-large-de-la-libye_2826765.html

     

    Mais en fait, il est démontré par des chercheurs en économie que les migrants ne sont pas un fardeau pour les économies des pays européens https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/une-etude-demontre-que-les-migrants-ne-sont-pas-un-fardeau-pour-les-economies-europeennes_2811703.html.

     

    Manipulation

     

    Joël Auxenfans. Drapeau "Le français est tissu de migrations" Affiche éditée par souscription  en 2013 et édition du drapeau tissu en 2017 grâce à une production de Piacé le Radieux. 

     

    Transformer en « problèmes » ou en menace, les migrants qui fuient les guerres, les famines, les sécheresses, alors qu’ils ne sont que le résultat de l’échec du libéralisme à l’échelle de la planète, participe d’un discours falsificateur et mystificateur. C’est au contraire le libéralisme défendu par Macron et ses compères, qui, par ses prédations des mondes économiques locaux et des agricultures vivrières en particulier, en les forçant dans des commercialisations mondialisées de produits à seule fin du lucre des possesseurs de capitaux, engendre ces migrations massives pour cause de guerres sur le foncier, les ressources, les misères insupportables…

    Cette perspective officielle mensongère, criminalisant les victimes, se construit sur les mêmes prémisses racistes que le colonialisme et la traite des pauvres, des fugitifs, des dominés, des femmes, des sans droits, telle que l’Occident pré capitaliste puis capitaliste, l’a porté à un degré indépassable et pourtant sans cesse perpétué.

    La juriste internationale Valérie Cabanes, dans son ouvrage remarquable "Un nouveau droit pour la terre, pour en finir avec l'écocide" (Seuil 2016), l'explique ainsi, en citant un organisme international : "  Le réseau des solutions pour le développement durable des Nations Unies reconnaît que « si le monde continue sur cette trajectoire au rythme actuel, sans réduction drastique de la consommation des ressources et de la pollution, les conséquences seront la continuation de la pauvreté et des menaces environnementales catastrophiques. Les modèles de croissance actuels ne fournissent pas suffisamment d’emplois décents, et ils aggravent les inégalités sociales. De nombreux écosystèmes clés sont menacés ou détruits ». Voici un double aveu. D’une part, notre modèle économique n’a pas tenu ses promesses quant à l’amélioration des conditions d’existence de la grande majorité des humains, d’autre part, il a hypothéqué l’avenir de nos enfants en détruisant le milieu naturel et en perturbant le cycle de la vie sur Terre."

     

    Le pire, dans ce storytelling néolibéral anti migrants, complice de l'idéologie des néofascistes, est de faire publiquement, comme le fait notre président, le procès des associations et des navires qui, courageusement et sans en tirer bénéfice, secourent les migrants en train de mourir noyés. Le gouvernement se dédouanne ainsi de son inaction, en reprochant à ces associations de secours en mer de « faire le jeu » des trafiquants

    https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/aquarius/cest-dun-cynisme-absolu-macron-accuse-long-lifeline-de-faire-le-jeu-des-passeurs-les-parlementaires-divises_2822795.html , alors qu’ils ne font qu'une partie du travail accompli par ailleurs tout à fait institutionnellement par les gardes côtes.

    Question en réponse à l’hypocrisie de Monsieur Macron : Pourquoi y a-t-il des trafiquants ? Parce que ceux qui dirigent les pays européens et les institutions européennes, dont Monsieur Macron fait partie, organisent le pillage et la corruption dans leur propres intérêts, dans les pays pauvres (Voir le livre de Juan Branco « L’ordre et le monde » (paru chez Fayard en 2016) https://www.babelio.com/livres/Branco-Lordre-et-le-monde/855193, et conduisent cyniquement une politique aggravant la difficulté, le barrage, l’obstruction et les camps d’internements pendant des durées encore allongées par une nouvelle loi infame, dans des enclos grillagés aussi pour les enfants, pour complaire aux opinions les plus intoxiquées des pays riches et légitimer officiellement, banaliser, les vues des partis d’extrême droite…

    La rareté et la difficulté de l’accueil font le lit et la prospérité des trafics. Si les migrants circulaient aussi librement que les milliers de milliards de capitaux souvent illégaux des amis « aisés » du président (protégés qu’ils sont par le verrou de Bercy), alors le trafic cesserait. Si la misère n’était pas systémmatiquement organisée dans les pays en développement par les organismes du type FMI et Banque mondiale, au service exclusif de la privatisation et du profit pour les multinationales, les gens pourraient rester et vivre au pays de leur enfance et de leurs racines.

    D’ailleurs, la « part » que prétend prendre la France pour accueillir les réfugiés ou les migrants fuyant les guerres, les persécutions ou la mort économique, est ridiculement faible comparée à celle d’autres pays beaucoup plus pauvres comme le Liban, ou comparables comme l’Allemagne. Cette hypochrisie génocidaire à l’égard de l’ « étranger », en particulier africain, est à l’image de la politique étrangère de la France, vouée aux intérêts lucratifs des milieux d’affaire faisant main basse sur les richesses (type Bolloré), et de cette incroyable veulerie atlantiste française, qui fait désormais depuis quelques décennies, office de boussole, et constitue désormais la marque de fabrique de notre diplomatie.

    L’obsession des gouvernements français successifs est la même depuis des décennies : juguler les légitimes aspirations des autres peuples à exister à parité dans le concert mondial, empêcher l’émergence de relations qui ne soient pas de domination, perpétuer l’ordre des anciennes « grandes puissances » en refusant de voir le monde changer.

    C’est ce qu’explique très bien Bertrand Badie dans son livre, « Nous ne sommes plus seuls au monde, un autre regard sur l’« ordre international » » (La Découverte 2016). Et c’est cette violence des puissances anciennes, moteur originel de l’accélération anthropocène, qui génère les désordres régionaux si tragiques, qui se propagent ou se regénèrent aussi vite que les puissances occidentales prétendent les avoir éradiqués par la force militaire, le plus souvent illégalement au regard des normes de relations internationales (Voir, sans jeu de mot, la Libye de Sarkozy, qui n’est autre que « l’alibi de Sarkozy » pour dissimuler ses comptes de campagne).

    Mais il doit y avoir aussi fondamentalement une raison racialiste, néo coloniale, qui inflige aux pauvres gens venant d’Afrique ou d’Orient, risquant leur vie et souffrant par centaines de milliers dans leur chair des épisodes dignes des enfers (violences, racket, viols, tortures, trafics), un traitement institutionnel aussi outrageusement indigne. Violence d’État que tente de cacher dans un napage de bons sentiments, la médiatisation de jeunes courageux qui, sans papiers, ne manquent pour autant pas d’agir utilement alors que cette société les rejette dans la clandestinité, le non droit, une exploitation et une précarité effrenées.

     

    Prise d’otages

    Entre temps, l’opinion publique en Angleterre, accomplissant une prise de conscience beaucoup plus essentielle que le Brexit, pense nécessaire de renationaliser ses chemins de fer, bradés au privé depuis Margaret Tatcher et Tony Blair http://m.rfi.fr/economie/20180623-royaume-uni-renationalise-train-virgin?ref=fb .

    On y apprend que le coût du ferroviaire privatisé, outre les accidents en chaîne, devenait six fois plus cher que dans le public. La place qu’il faut ménager en chaque prestation au profit des actionnaires, pèse arithmétiquement sur l’ensemble du dispositif à la fois technique, salarial, d'investissements et de sécurité. Cela est valable structurellement dans pratiquement tout domaine de l’ordre du service à la collectivité, puisqu’il n’y est fondamentalement pas question, en principe, du lucre, mais de droits garantis pour tous.

    Qu’importe, Pour privatiser le rail français avec l’anomie acquise de l’opînion désinformée, les discours ambiants (entendez médiatiques) seront ceux de la culpabilisation, lorsque ce ne sera pas de la criminalisation, des grévistes en général et de ceux des services publics en particulier. Ces soit-disant « preneurs d’otages ». Alors que, comme le dit très bien Frédéric Lordon, les vrais preneurs d’otages, derrière l’écran de fumée médiatique, sont ces actionnaires à paradis fiscaux, qui, faisant peser la menace du chômage et de la mort économique de tout son poids sur l’ensemble du corps salarial, exerce un chantage à la misère qui génère à lui seul l’essentiel de l’anxiété et des souffrances du monde salarié et des familles qui en dépendent.

     

    Pour adressser des signes cabalistiques rassurants, à l’attention de la caste dissimulée des très très riches, ce « grand collectionneur» François Pinault a d’ailleurs su jouer le pas de deux en critiquant, puis finalement complimentant, la politique excusivement au service des milliardaires du nouveau président des riches, Emmanuel Macron. Décidément, après Sarkozy et Hollande, ce dernier, ami ou protégé de l'un et l'autre, est le digne héritier d’une véritable dynastie !

    On retrouve cet esprit intact dans le quotidien bourgeois « Le figaro ». Le ton, la vision du monde qui inspirent d’un bout à l’autre ce journal jusque dans ses moindres petits détails sont entièrement au service du projet que "le monde est ainsi et ne doit pas changer". Mais qu "’il faut, bien sûr, se tenir les premiers bien informés pour savoir saisir à son avantage (entendez avant les autres et à leur détriment), les occasions de s’enrichir davantage ou de prendre une position la meilleure possible pour perpétuer le statut social de l’élite à laquelle on se pique bien entendu d’appartenir comme il se doit".

     

    Croyants

    Les petits bourgeois, qu’il lisent avec zèle ou habitude Le Figaro ou qu’ils se laissent simplement imprégner par cette ambiance idéologique flottante néo libérale qui requiert de toute façon le moindre effort intellectuel et éthique possible, sont ceux qui portent invariablement au pouvoir, scrutins après scrutins, ces habiles prestidigitateurs du Capital, comme notre président Macron, après qu’il l’eurent fait pour Monsieur Hollande et avant lui pour Monsieur Sarkozy.

    Ces petits bourgeois semblent chaque fois conquis d’avance, fascinés par les moirages des récits fabriqués sur « la compétence » de nos élites, - compétence qu'elles ont surtout d’ailleurs pour savoir bien se servir elles-mêmes dans le plat commun, contre tout le monde, et sous le couvert de lois écrites sous leur dictée – , sont à présent d’une apathie phénoménale.

    C’est en particulier impressionnant de voir des parents d’élèves macronistes, s’interdire toute opposition au sieur Macron, malgré le fait que c’est par l’action de ce dernier que leurs enfants vont devoir s’entasser dans des classes surchargées, à 29 ou à 31. Un sacrifice religieux libéral digne de celui d’Isaac par Abraham ! Mais attention, ce n’est pas un mouton qui sera mis miraculeusement en classe surchargée à la place de leur enfant,… à moins que...

    Une religion qui rappelle celle analysée par Pierre Musso dans son ouvrage « La religion industrielle, Monastère, manufacture, usine, Une généalogie de l’entreprise » (Fayard 2017). Les fondements de la croyance des sociétés depuis le Moyen-âge en Occident, sont inscrits dans une articulation entre la foi et la raison, entre l’irrationnel et l’action transformatrice et organisatrice, à travers l’Incarnation en laquelle se combinent esprit et matérialité. Et ce mythe, structuré depuis des siècles, induit une faculté à entrainer et fédérer les « croyants », dans l’entreprise ou ailleurs, à persévérer dans une course à la fois mystique et arraisonnante, qui détruit à présent aussi bien la Terre que l’Humanité.

    Nous voici, dociles apparemment pour la plupart d’entre nous, en de bonnes mains !

     

    Manipulation

     

     

    Joël Auxenfans. Portrait de militants anonymes. Peinture affiche. 2018.

     

     

    Manipulation

     

     

    Joël Auxenfans. Portrait de militants anonymes. Peinture affiche. 2018.

     

     

    Manipulation

     

     

    Joël Auxenfans. Portrait de militants anonymes. Peinture affiche. 2018.

     

    Aussi est-ce un moyen qu’a à sa portée l’art, de créer des situations nouvelles, soit par des évènements, soit par des images qui font des micro ou macro événements. Lorsque le sous commandant Marcos déclare « Si ta révolution ne sait pas danser, ne m’invite pas à ta révolution. », il fait allusion sans doute à cela. Si tous les contestataires du « système » (grand bien leur fasse) ne peuvent pas enhardir leur pensée vers l’invention de manières de voir et de vivre enviables, estimables, nouvelles, librement ré-interprétatives, alors ils échoueront à créer la synergie en faveur d’un autre monde. Ils ont en face d'eux le super pouvoir du "soft power" capitaliste, qui, lui, par contre, en la matière, sait y faire !!...

     

    Et c’est malheureusement cela qui est en cours d’accomplissement. À part quelques stars qui savent surfer sur la notoriété acquise auprès des médias, et qui servent plutôt à se faire valoir qu'à engendrer vraiment des mouvements de prise de conscience ou de combativité populaire, rien ne sort d'efficacement perturbateur des responsables des organisations qui ont la responsabilité et le pouvoir de décider de ce qui est édité, publié, affiché...

    De leur côté, et dans leur coin, les militants révoltés sont tellement aux prises avec une multiplication des Zones À Défendre (hôpital, école, recherche, droits sociaux, etc.) impactées de toutes parts, qu’ils ne peuvent pas se multiplier mais au contraire s’épuisent, s’isolent, jamais suivis par le soutien des autres, ces derniers étant soumis au matraquage permanent des médias.

    Regardons la succession des rendez-vous sportifs mondiaux et télévisuels et faisons la se recouper avec le calendrier des atteintes massives aux droits humains et aux exigences environnementales, nous y voyons la parfaite superposition des rendez-vous manqués. Les lois scélérates passent les unes après les autres, comme les buts dans les cages d’une équipe sans joueurs.

    Bravo ! crient en cœur les abrutis, alors que c'est dans leur camp que les buts rentrent ! Et le lendemain, ils sont au chômage plus facilement, avec moins de retraite, moins de salaires, plus de poisons dans leur environnement, leur enfants et leurs vieillards plus en danger et méprisés, mais, toujours, la canette d’alcool à la main, ils continuent de surfer béatement et de manière infantilisée sur le bonheur artificiel que leur inculquent leurs écrans. Bravo !

    Le match est perdu d'avance, le match est truqué, il ne sert qu’à détourner l’attention générale des vrais enjeux, les perdants sont toujours les mêmes ! Ce sont les peuples, et le plus « beau » (si je puis dire) est qu’ils applaudissent en chœur à l’accentuation de leur propre esclavage ! Ils braillent, ils hurlent et poussent des rugissements virils de plaisir ou de triomphe à chaque action spectaculaire, mais c'est une victoire par délégation et de pure fiction, car ce ne sont que de minuscules points mobiles sur un rectangle vert, qui s'agitent, et qui gagnent ou perdent, mais seulement dans un jeu. 

    Tandis que les gens vrais, eux, pendant ce temps et alors qu'ils sont par ailleurs, dans le monde réel, si incroyablement silencieux, divisés, inorganisés, et alors qu'une par une, les mesures de recul social et environnemental sont appliquées sans coup férir par leurs gouvernants, eux, dis-je, perdent, mais pour de  vrai !!

     

     

     


    votre commentaire